(1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97
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(1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Les Confessions de J.-J. Rousseau.
(Bibliothèque Charpentier.)

Après avoir parlé de la langue pure, légère, non appuyée, tout à fait courante et facile, que le xviie  siècle finissant avait en partie léguée au xviiie , je voudrais parler aujourd’hui de cette langue du xviiie  siècle, considérée dans l’écrivain qui lui a fait faire le plus grand progrès, qui lui a fait subir du moins la plus grande révolution depuis Pascal : « Une révolution de laquelle, nous autres du xixe  siècle, nous datons. Avant Rousseau et depuis Fénelon, il y avait eu bien des essais de manières d’écrire qui n’était plus celles du pur xviiie . » Fontenelle avait sa manière, si jamais manière il y eut ; Montesquieu avait la sienne, plus forte, plus ferme, plus frappante, mais manière aussi. Voltaire seul n’en avait pas, et sa parole vive, nette, rapide, courait comme à deux pas de la source. « Vous trouvez, écrit-il quelque part, que je m’explique assez clairement : je suis comme les petits ruisseaux, ils sont transparents parce qu’ils sont peu profonds. » Il disait cela en riant ; on se dit ainsi à soi-même bien des demi-vérités. Le siècle pourtant demandait plus ; il voulait être ému, échauffé, rajeuni par l’expression d’idées et de sentiments qu’il se définissait mal et qu’il cherchait encore. La prose de Buffon, dans les premiers volumes de l’Histoire naturelle, lui offrait quelque image de ce qu’il désirait, une image plus majestueuse que vive, un peu hors de portée, et trop enchaînée à des sujets de science. Rousseau parut : le jour où il se découvrit tout entier à lui-même, il révéla du même coup à son siècle l’écrivain le plus fait pour exprimer avec nouveauté, avec vigueur, avec une logique mêlée de flamme, les idées confuses qui s’agitaient et qui voulaient naître. En s’emparant de cette langue qu’il lui avait fallu conquérir et maîtriser, il la força un peu, il la marqua d’un pli qu’elle devait garder désormais ; mais il lui rendit plus qu’il ne lui faisait perdre, et, à bien des égards, il la retrempa et la régénéra. Depuis Jean-Jacques, c’est dans la forme de langage établie et créée par lui que nos plus grands écrivains ont jeté leurs propres innovations et qu’ils ont tenté de renchérir. La pure forme du xviie  siècle, telle que nous aimons à la rappeler, n’a plus guère été qu’une antiquité gracieuse et qu’un regret pour les gens de goût.

Quoique Les Confessions n’aient paru qu’après la mort de Rousseau et quand déjà son influence était pleinement régnante, c’est là qu’il nous est plus commode aujourd’hui de l’étudier avec tous les mérites, les prestiges et les défauts de son talent. Nous essaierons de le faire, en nous bornant le plus que nous pourrons à la considération de l’écrivain, mais sans nous interdire les remarques sur les idées et le caractère de l’homme. Le moment présent n’est pas très favorable à Rousseau, à qui l’on impute d’avoir été l’auteur, le promoteur de bien des maux dont nous souffrons. « Il n’y a point d’écrivain, a-t-on dit judicieusement, plus propre à rendre le pauvre superbe. » Malgré tout, en le considérant ici, nous lâcherons de ne pas trop nous ressentir nous-même de cette disposition comme personnelle qui porte de bons esprits à lui en vouloir dans les circonstances pénibles que nous traversons. Des hommes qui ont une telle portée et un tel lendemain ne doivent pas être jugés selon les émotions et les réactions d’un jour.

L’idée d’écrire des Confessions semble si naturelle à Rousseau, et si conforme à son humeur comme à son talent, qu’on ne croirait pas qu’il y ait eu besoin de la lui suggérer. Elle lui vint pourtant en premier lieu de son libraire Rey d’Amsterdam, et aussi de Duclos. Après La Nouvelle Héloïse, après l’Émile, Rousseau, âgé de cinquante-deux ans, commença à rédiger ses Confessions en 1764, après son départ de Montmorency, pendant son séjour de Môtiers en Suisse. On vient de publier, dans le dernier numéro de la Revue suisse (octobre 1850), un début des Confessions, tiré d’un manuscrit déposé à la bibliothèque de Neuchâtel, début qui est le premier brouillon de Rousseau, et qu’il a supprimé depuis. Ce début primitif, beaucoup moins emphatique et moins fastueux que celui qu’on lit en tête des Confessions, ne nous fait point entendre le coup de trompette du Jugement dernier, et ne finit point par la fameuse apostrophe à l’Être éternel. Rousseau y expose beaucoup plus longuement, mais philosophiquement, son projet de se décrire soi-même et de faire ses confessions à toute rigueur ; il fait bien sentir en quoi consiste l’originalité et la singularité de son dessein :

Nul ne peut écrire la vie d’un homme que lui-même. Sa manière d’être intérieure, sa véritable vie n’est connue que de lui ; mais, en récrivant, il la déguise ; sous le nom de sa vie il fait son apologie : il se montre comme il veut être vu, mais point du tout comme il est. Les plus sincères sont vrais tout au plus dans ce qu’ils disent, mais ils mentent par leurs réticences, et ce qu’ils taisent change tellement ce qu’ils feignent d’avouer, qu’en ne disant qu’une partie de la vérité, ils ne disent rien. Je mets Montaigne à la tête de ces faux sincères qui veulent tromper en disant vrai. Il se montre avec des défauts, mais il ne s’en donne que d’aimables : il n’y a point d’homme qui n’en ait d’odieux. Montaigne se peint ressemblant, mais de profil. Qui sait si quelque balafre à la joue, ou un œil crevé du côté qu’il nous a caché, n’eût pas totalement changé la physionomie ?

Il veut donc faire ce que nul n’a projeté ni osé avant lui. Quant au style, il lui semble qu’il lui en faudrait inventer un aussi nouveau que son projet, et proportionné à la diversité et à la disparité des choses qu’il se propose de décrire :

Si je veux faire un ouvrage écrit avec soin comme les autres, je ne me peindrai pas, je me farderais. C’est ici de mon portrait qu’il s’agit et non pas d’un livre. Je vais travailler pour ainsi dire dans la Chambre obscure ; il n’y faut point d’autre art que de suivre exactement les traits que je vois marqués. Je prends donc mon parti sur le style comme sur les choses. Je ne m’attacherai point à le rendre uniforme ; j’aurai toujours celui qui me viendra, j’en changerai selon mon humeur, sans scrupule ; je dirai chaque chose comme je la sens, comme je la vois, sans recherche, sans gêne, sans m’embarrasser de la bigarrure. En me livrant à la fois au souvenir de l’impression reçue et au sentiment présent, je peindrai doublement l’état de mon âme, savoir au moment où l’événement m’est arrivé et au moment où je l’ai décrit ; mon style inégal et naturel, tantôt rapide et tantôt diffus, tantôt sage et tantôt fou, tantôt grave et tantôt gai, fera lui-même partie de mon histoire. Enfin, quoi qu’il en soit de la manière dont cet ouvrage peut être écrit, ce sera toujours par son objet un livre précieux pour les philosophes : c’est, je le répète, une pièce de comparaison pour l’étude du cœur humain, et c’est la seule qui existe.

L’erreur de Rousseau n’a pas été de croire qu’en se confessant ainsi tout haut devant tous, et dans un sentiment si différent de l’humilité chrétienne, il faisait une chose unique ou même une chose des plus curieuses pour l’étude du cœur humain : son erreur a été de croire qu’il faisait une chose utile. Il n’a pas vu qu’il faisait comme le médecin qui se mettrait à décrire d’une manière intelligible, séduisante, à l’usage des gens du monde et des ignorants, quelque infirmité, quelque maladie mentale bien caractérisée : ce médecin serait en partie responsable et coupable de tous les maniaques et de tous les fous par imitation et contagion que ferait son livre.

Les premières pages des Confessions sont trop accentuées et assez pénibles. J’y trouve tout d’abord « un vide occasionné par un défaut de mémoire ». Rousseau y parle des auteurs de ses jours ; il apporte en naissant « le germe d’une incommodité que les ans ont renforcée, dit-il, et qui maintenant ne lui donne quelquefois des relâches que pour, etc., etc. » Tout cela est désagréable et sent peu cette fleur d’expression que nous goûtions et respirions encore l’autre jour sous le nom d’urbanité. Mais, prenez garde, à côté de ces rudesses d’accent et de ces crudités de terroir, qu’est-ce donc ? et quelle simplicité nouvelle, familière et pénétrante !

Je sentis ayant de penser, c’est le sort commun de l’humanité. Je l’éprouvai plus qu’un autre. J’ignore ce que je fis jusqu’à cinq ou six ans. Je ne sais comment j’appris à lire ; je ne me souviens que de mes premières lectures et de leur effet sur moi… Ma mère avait laissé des romans ; nous nous mîmes à les lire après souper, mon père et moi. Il n’était question d’abord que de m’exercer à la lecture par des livres amusants ; mais bientôt l’intérêt devint si vif, que nous lisions tour à tour sans relâche, et passions les nuits à cette occupation. Νous ne pouvions jamais quitter qu’à la fin du volume. Quelquefois mon père, entendant le matin les hirondelles, disait tout honteux : Allons-nous coucher, je suis plus enfant que toi.

Notez bien cette hirondelle ; c’est la première et qui annonce un nouveau printemps de la langue ; on ne commence à la voir paraître que chez Rousseau. C’est de lui que date chez nous, au xviiie  siècle, le sentiment de la nature. C’est de lui aussi que date dans notre littérature le sentiment de la vie domestique, de cette vie bourgeoise, pauvre, recueillie, intime, où s’accumulent tant de trésors vertueux et doux. À travers quelques détails de mauvais ton où il parle de volerie et de mangeaille, comme on lui pardonne en faveur de cette vieille chanson d’enfance dont il ne sait plus que l’air et à peine quelques paroles décousues, mais qu’il voudrait ressaisir toujours, et qu’il ne se rappelle jamais, tout vieux qu’il est, sans un charme attendrissant !

C’est un caprice auquel je ne comprends rien, dit-il, mais il m’est de toute impossibilité de la chanter jusqu’à la fin sans être arrêté par mes larmes. J’ai cent fois projeté d’écrire à Paris pour faire chercher le reste des paroles, si tant est que quelqu’un les connaisse, encore : mais je suis presque sûr que le plaisir que je prends à me rappeler cet air s’évanouirait en partie, si j’avais la preuve que d’autres que ma pauvre tante Suzon l’ont chanté.

Voilà le nouveau dans l’auteur des Confessions, voilà ce qui nous ravit, en nous ouvrant une source imprévue de sensibilité intime et domestique. Nous lisions l’autre jour ensemble Mme de Caylus et ses Souvenirs : mais de quels souvenirs d’enfance nous parle-t-elle ? qu’a-t-elle aimé ? qu’a-t-elle pleuré en quittant le foyer où elle est née, où elle a été nourrie ? Songe-t-elle le moins du monde à nous le dire ? Ces races aristocratiques et fines, douées d’un tact si exquis et d’un sentiment de raillerie si vif, ou n’aimaient pas ces choses simples, ou n’osaient pas le laisser voir. Leur esprit, nous le connaissons de reste et nous en jouissons ; mais où est leur cœur ? Il faut être bourgeois, et de province, et homme nouveau comme Rousseau, pour se montrer ainsi sujet aux affections du dedans et à la nature.

Aussi, quand nous remarquons avec quelque regret que Rousseau a forcé, creusé et comme labouré la langue, nous ajoutons aussitôt qu’il l’a ensemencée en même temps et fertilisée.

Un homme de la race aristocratique, mais élève de Rousseau, et qui n’avait pas beaucoup plus que lui le sentiment et la crainte du ridicule, M. de Chateaubriand, a repris dans René et dans ses Mémoires cette manière plus ou moins directe d’aveux et de confessions, et il en a tiré des effets magiques et surprenants. Notons pourtant les différences. Rousseau n’a pas l’élévation première ; il n’est pas tout à fait, et tant s’en faut ! ce qu’on appelle un enfant bien né ; il a un penchant au vice et à des vices bas ; il a des convoitises honteuses et cachées qui ne sentent pas le gentilhomme ; il a de ces longues timidités qui se retournent tout d’un coup en effronteries de polisson et de vaurien comme il s’appelle ; en un mot, il n’a pas cette sauvegarde de l’honneur, que M. de Chateaubriand eut, dès l’enfance, comme une sentinelle vigilante à côté de ses défauts. Mais Rousseau, avec tous ces désavantages que nous ne craignons pas d’après lui d’indiquer par leur nom, vaut mieux que Chateaubriand en ce sens qu’il est plus humain, plus homme, plus attendri. Il n’a pas cette incroyable dureté (une dureté toute féodale vraiment) et ces inadvertances de cœur en parlant de ses père et mère, par exemple. Quand il en est, lui, sur les torts de son père, qui, honnête homme, mais homme de plaisir, léger et remarié, l’abandonne et le livre à son sort, avec quelle délicatesse il indique ce point douloureux ! comme tout cela est touché par le dedans ! Ce n’est pas de la délicatesse chevaleresque que je parle, c’est de la véritable, de l’intérieure, de celle qui est morale et humaine.

Il est incroyable que ce sentiment moral intérieur dont il était pourvu, et qui le tenait si fort en rapport avec les autres hommes, n’ait pas averti Rousseau à quel point il y dérogeait en maint endroit de sa vie et en mainte locution qu’il affecte. Son style, comme sa vie même, a contracté quelque chose des vices de sa première éducation et des mauvaises compagnies qu’il a hantées d’abord. Après une enfance honnêtement passée dans le cercle du foyer domestique, il est mis en apprentissage et y subit des duretés qui lui gâtent le ton et lui dépravent la délicatesse. Les mots de polisson, de vaurien, de gueux, de fripon, n’ont rien qui l’arrête, et il semble même qu’ils reviennent avec une certaine complaisance sous sa plume. Sa langue garda toujours quelque chose du mauvais ton de ses premières années. Je distingue chez lui deux sortes d’altération dans la langue : une qui tient seulement à ce qu’il est de provinceb, et qu’il parle un français né hors de France. Rousseau écrira sans sourciller : Comme que je fasse, comme que ce fut, etc., au lieu de dire : De quelque manière que je fasse, de quelque manière que ce fût, etc. ; il articule fortement et avec âpreté : il a par moments un peu de goitre dans la voix. Mais c’est là un défaut qu’on lui passe, tant il est parvenu à en triompher en des pages heureuses, tant, à force de travail et d’émotion, il a assoupli son organe et a su donner à ce style savant et difficile la mollesse et le semblant d’un premier jet ! L’autre espèce d’altération et de corruption qu’on peut noter en lui est plus grave, en ce qu’elle tient au sens moral : il ne semble pas se douter qu’il existe certaines choses qu’il est interdit d’exprimer, qu’il est certaines expressions ignobles, dégoûtantes, cyniques, dont l’honnête homme se passe et qu’il ignore. Rousseau, quelque temps, a été laquais ; on s’en aperçoit à plus d’un endroit de son style. Il ne hait ni le mot ni la chose. « Si Fénelon vivait, vous seriez catholique », lui disait un jour Bernardin de Saint-Pierre, en le voyant attendri à quelque cérémonie du culte. « Oh ! si Fénelon vivait, s’écria Rousseau tout en larmes, je chercherais à être son laquais pour mériter d’être son valet de chambre. » On saisit le manque de goût jusque dans l’émotion. Rousseau n’est pas seulement un ouvrier de la langue, apprenti avant d’être maître, et qui laisse voir par endroits la trace des soudures : c’est au moral un homme qui, jeune, a passé par les conditions les plus mêlées, et à qui certaines choses laides et vilaines ne font pas mal au cœur quand il les nomme. Je n’en dirai pas plus sur ce vice essentiel, sur cette souillure qu’il est si pénible d’avoir à rencontrer et à dénoncer chez un si grand écrivain et un si grand peintre, chez un tel homme.

Lent à penser, prompt à sentir, avec des convoitises ardentes et rentrées, avec une souffrance et une contrainte de chaque jour, Rousseau arrive à l’âge de seize ans, et il se peint à nous en ces termes :

J’atteignis ainsi ma seizième année, inquiet, mécontent de tout et de moi, sans goût de mon état, sans plaisirs de mon âge, dévoré de désirs dont j’ignorais l’objet, pleurant sans sujet de larmes, soupirant sans savoir de quoi ; enfin caressant tendrement mes chimères, faute de rien voir autour de moi qui les valût. Les dimanches, mes camarades venaient me chercher, après le prêche, pour aller m’ébattre avec eux. Je leur aurais volontiers échappé si j’avais pu ; mais, une fois en train dans leurs jeux, j’étais plus ardent et j’allais plus loin qu’un autre ; difficile à ébranler et à retenir.

Toujours dans un extrême ! — Nous venons là de reconnaître la première forme des pensées et presque des phrases de René, de ces paroles devenues déjà une musique et qui chantent encore à nos oreilles :

Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal. Tour à tour bruyant et joyeux, silencieux et triste, je rassemblais autour de moi mes jeunes compagnons ; puis, les abandonnant tout à coup, j’allais m’asseoir à l’écart, pour contempler la nue fugitive, ou entendre la pluie tomber dans le feuillage…

Et encore :

Jeune, je cultivais les Muses ; il n’y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu’un cœur de seize années. Le matin de la vie est comme le matin du jour, plein de pureté, d’images et d’harmonies.

René, en effet, n’est autre que ce jeune homme de seize ans transposé, dépaysé au milieu d’une autre nature et au sein d’une autre condition sociale ; non plus un apprenti graveur, fils d’un bourgeois de Genève, d’un bourgeois du bas, mais chevalier, noble, voyageur en grand, épris des muses : tout, au premier aspect, revêt une couleur plus séduisante, plus poétique ; l’inattendu du paysage et du cadre rehausse le personnage et caractérise une nouvelle manière ; mais le premier type sensible est là où nous l’indiquons, et c’est Rousseau qui, en regardant en lui-même, l’a trouvé.

René est un modèle plus flatteur pour nous, parce que tous les vilains côtés humains y sont voilés ; il a une teinte de la Grèce, de la chevalerie et du christianisme, qui croisent en lui leurs divers reflets à la surface. Les mots, en ce chef-d’œuvre de l’art, ont pris une magie nouvelle ; ce sont des mots pleins de lumière et d’harmonie. L’horizon s’est agrandi dans tous les sens, et le rayon de l’Olympe s’y joue. Rousseau n’a rien de comparable au premier abord, mais il est plus vrai au fond, plus réel, plus vivant. Cet enfant de métier, qui va jouer avec ses camarades après le prêche, ou rêver seul s’il le peut, ce petit adolescent à la taille bien prise, à l’œil vif, à la physionomie fine, et qui accuse toutes choses plus qu’on ne voudrait, il a plus de réalité que l’autre et plus de vie ; il a de la bonhomie, il a des émotions et des entrailles. Les deux natures, celle de René et celle de Rousseau, ont un coin malade, trop d’ardeur mêlée à l’inaction et au désœuvrement, une prédominance de l’imagination et de la sensibilité qui se replient sur elles-mêmes et se dévorent ; mais, des deux, Rousseau est le plus vraiment sensible, celui qui est le plus original et le plus sincère dans ses élans chimériques, dans ses regrets, dans ses peintures d’un idéal de félicité permise et perdue. Lorsque, quittant sa patrie, à la fin du premier livre des Confessions, il se représente le tableau simple et touchant de l’obscur bonheur qu’il aurait pu y goûter ; quand il nous dit :

J’aurais passé dans le sein de ma religion, de ma patrie, de ma famille et de mes amis, une vie paisible et douce, telle qu’il la fallait à mon caractère, dans l’uniformité d’un travail de mon goût et d’une société selon mon cœur ; j’aurais été bon chrétien, bon citoyen, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toute chose ; j’aurais aimé mon état, je l’aurais honoré peut-être, et, après avoir passé une vie obscure et simple., mais égale et douce, je serais mort paisiblement dans le sein des miens ; bientôt oublié sans doute, j’aurais été regretté du moins aussi longtemps qu’on se serait souvenu de moi.

Quand il nous parle ainsi, il nous convainc en effet de la sincérité de son vœu et de son regret : tant respire en toutes ses paroles un sentiment profond et vif du charme doux, égal et honnête de la vie privée !

Aussi nous tous, en ce siècle, qui avons été plus ou moins malades du mal de rêverie, ne faisons pas comme ces anoblis qui renient leur aïeul, et sachons qu’avant d’être les fils très indignes du noble René, nous sommes plus sûrement les petits-fils du bourgeois Rousseau.

Le premier livre des Confessions n’est pas le plus remarquable, mais Rousseau s’y trouve déjà renfermé tout entier, avec son orgueil, ses vices en germe, ses humeurs bizarres et grotesques, ses bassesses et ses saletés (on voit que je marque tout) ; avec sa fierté aussi et ce ressort d’indépendance et de fermeté qui le relève ; avec son enfance heureuse et saine, son adolescence souffrante et martyrisée, et ce qu’elle lui inspirera plus tard (on le pressent) d’apostrophes à la société et de représailles vengeresses ; avec son sentiment attendri du bonheur domestique et de famille qu’il goûta si peu, et encore avec les premières bouffées de printemps et ces premières haleines, signal du réveil naturel qui éclatera dans la littérature du xixe  siècle. Nous courons risque d’être aujourd’hui trop peu sensibles à ces premières pages pittoresques de Rousseau ; nous sommes si gâtés par les couleurs, que nous oublions combien ces premiers paysages parurent frais et nouveaux alors, et quel événement c’était au milieu de cette société très spirituelle, très fine, mais sèche, aussi dénuée d’imagination que de sensibilité vraie, dépourvue en elle-même de cette sève qui circule et qui, à chaque saison, refleurit. C’est Rousseau qui le premier ramena et infusa cette sève végétale puissante dans l’arbre délicat qui s’épuisait. Les lecteurs français, habitués à l’air factice d’une atmosphère de salon, ces lecteurs urbains, comme il les appelle, s’étonnèrent tout ravis de sentir arriver, du côté des Alpes, ces bonnes et fraîches haleines des montagnes, qui venaient raviver une littérature aussi distinguée que desséchée.

Il était temps, et c’est en cela que Rousseau n’est pas un corrupteur de la langue, mais, somme toute, un régénérateur.

Avant lui, le seul La Fontaine, chez nous, avait connu et senti à ce degré la nature et ce charme de la rêverie à travers champs ; mais l’exemple tirait peu à conséquence ; on laissait aller et venir le bonhomme avec sa fable, et l’on restait dans les salons. Rousseau est le premier qui ait forcé tout ce beau monde d’en sortir, et de quitter la grande allée du parc pour la vraie promenade aux champs.

Le commencement du second livre des Confessions est délicieux et plein de fraîcheur : Mme de Warens pour la première fois nous apparaît. En la peignant, le style de Rousseau s’adoucit et s’amollit avec grâce, et en même temps on découvre aussitôt un trait, une veine essentielle qui est en lui et dans toute sa manière, je veux dire la sensualité. « Rousseau avait l’esprit voluptueux. » a dit un bon critique ; les femmes jouent chez lui un grand rôle ; absentes ou présentes, elles et leurs charmes, elles l’occupentc, l’inspirent et l’attendrissent, et il se mêle quelque chose d’elles à tout ce qu’il écrit :

Comment, dit-il de Mme de Warens, en approchant pour la première fois d’une femme aimable, polie, éblouissante, d’une dame d’un état supérieur au mien, dont je n’avais jamais abordé la pareille…, comment me trouvai-je à l’instant aussi libre, aussi à mon aise que si j’eusse été parfaitement sûr de lui plaire ?

Cette facilité, cette aisance, qui d’ordinaire sera si peu vraie de lui lorsqu’il se trouvera de sa personne auprès des femmes, sera toujours vraie de son style en les peignant. Les plus adorables pages des Confessions sont celles de cette première rencontre de Mme de Warens, celles encore où il nous peint l’accueil de Mme Basile, la jolie marchande de Turin :

Elle était brillante et parée, et, malgré son air gracieux, cet éclat m’en avait imposé. Mais son accueil plein de bonté, son ton compatissant, ses manières douces et caressantes me mirent bientôt à mon aise ; je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage.

N’avez-vous pas senti à ce brillant et à cet éclat du teint comme un rayon du soleil d’Italie ? Et il raconte cette scène vive et muette que personne n’a oubliée, cette scène par gestes, arrêtée à temps, toute pleine de rougeur et de jeunes désirs. Joignez-y la promenade aux environs d’Annecy avec Mlle Galley et de Graffenried, et dont chaque détail est ravissant. De telles pages étaient en littérature française la découverte d’un monde nouveau, d’un monde de soleil et de fraîcheur qu’on avait près de soi sans l’avoir aperçu encore ; elles offraient un mélange de sensibilité et de naturel, et où la pointe de sensualité ne paraissait qu’autant qu’il était permis et nécessaire pour nous affranchir enfin de la fausse métaphysique du cœur et du spiritualisme convenu. La sensualité de pinceau, à ce degré, ne saurait déplaire ; elle est sobre encore et n’est pas masquée, ce qui la rend plus innocente que celle dont bien des peintres ont usé depuis.

En tout, comme peintre, Rousseau a le sentiment de la réalité. Il y a toutes les fois qu’il nous parle de la beauté, laquelle, même lorsqu’elle est imaginaire comme sa Julie, prend avec lui un corps et des formes bien visibles, et n’est pas du tout une Iris en l’air et insaisissable. Il a le sentiment de cette réalité en ce qu’il veut que chaque scène dont il se souvient ou qu’il invente, que chaque personnage qu’il introduit, s’encadre et se meuve dans un lieu bien déterminé, dont les moindres détails se puissent graver et retenir. Un des reproches qu’il faisait au grand romancier Richardson, c’était de n’avoir pas rattaché le souvenir de ses personnages à une localité dont on aurait aimé à reconnaître les tableaux. Aussi voyez comme, pour sa Julie et son Saint-Preux, il a su les naturaliser dans le pays de Vaud, au bord de ce lac autour duquel n’avait jamais cessé d’errer son cœur. Son esprit droit et ferme prête partout à l’imagination son burin, pour que rien d’essentiel dans le dessin ne soit omis. Enfin, ce sentiment de la réalité se retrouve chez lui jusque dans ce soin avec lequel, au milieu de toutes ses circonstances et ses aventures heureuses ou malheureuses, et même les plus romanesques, il n’oublie jamais la mention du repas et les détails d’une chère saine, frugale, et faite pour donner de la joie au cœur comme à l’esprit.

Ce trait est encore essentiel ; il tient à cette nature de bourgeois et d’homme du peuple que j’ai noté dans Rousseau. Il a eu faim dans sa vie ; il note dans ses Confessions, avec un sentiment de bénédiction pour la Providence, la dernière fois où il lui est arrivé de sentir à la lettre la misère et la faim. Aussi n’oubliera-t-il jamais, même dans le tableau idéal qu’il donnera plus tard de son bonheur, de faire entrer ces choses de la vie réelle et de la commune humanité, ces choses des entrailles. C’est par tous ces côtés vrais, combinés dans son éloquence, qu’il nous prend et nous saisit.

La nature sincèrement sentie et aimée en elle-même fait le fond de l’inspiration de Rousseau, toutes les fois que cette inspiration est saine et n’est pas maladive. Quand il revoit Mme de Warens, à son retour de Turin, il est logé quelque temps chez elle, et de la chambre qu’on lui donne il voit des jardins et découvre la campagne : « C’était depuis Bossey (lieu où il avait été mis en pension dans son enfance), c’était la première fois, dit-il, que j’avais du vert devant mes fenêtres. » Il avait été bien indifférent jusque-là à la littérature française d’avoir ou de n’avoir pas du vert sous les yeux ; c’était à Rousseau qu’il appartenait de l’en faire apercevoir. Par cet aspect on le définirait d’un mot : il est le premier qui ait mis du vert dans notre littérature. Logé ainsi à l’âge de dix-neuf ans auprès d’une femme aimée, mais à laquelle il n’ose déclarer son ardeur, Rousseau s’abandonnait à une tristesse « qui n’avait pourtant rien de sombre et qu’un espoir flatteur tempérait ». S’étant allé promener seul hors de la ville un jour de grande fête, pendant qu’on était à vêpres :

Le son des cloches, dit-il, qui m’a toujours singulièrement affecté, le chant des oiseaux, la beauté du jour, la douceur du paysage, les maisons éparses et champêtres dans lesquelles je plaçais en idée notre commune demeure, tout cela me frappait tellement d’une impression vive, tendre, triste et touchante, que je me vis comme en extase transporté dans cet heureux temps et dans cet heureux séjour où mon cœur, possédant toute la félicité qui pouvait lui plaire, la goûtait dans des ravissements inexprimables, sans songer même à la volupté des sens.

Voilà ce que ressentait à Annecy l’enfant de Genève en l’année 1734, pendant qu’on lisait à Paris Le Temple de Gnide. Ce jour-là il découvrait la rêverie, ce charme nouveau qu’on avait laissé comme une singularité à La Fontaine, et qu’il allait, lui, introduire décidément dans une littérature jusque-là galante ou positive. La rêverie, telle est sa nouveauté, sa découverte, son Amérique à lui. Le rêve de ce jour-là, il le réalisa quelques années après dans son séjour aux Charmettes, dans cette promenade du jour de la Saint-Louis, qu’il a décrite comme rien de pareil n’avait été peint jusque-là encore :

Tout semblait conspirer, dit-il, au bonheur de cette journée. Il avait plu depuis peu ; point de poussière, et des ruisseaux bien courants ; un petit vent frais agitait les feuilles, l’air était pur, l’horizon sans nuages, la sérénité régnait au ciel comme dans nos cœurs. Notre dîner fut fait chez un paysan et partagé avec sa famille, qui nous bénissait de bon cœur. Ces pauvres Savoyards sont si bonnes gens !

Et il continue, avec ce sentiment de bonhomie, d’observation et de vérité naïve, à développer un tableau où tout est parfait, où tout enchante, et où il n’y a que le nom de Maman appliqué à Mme de Warens qui froisse moralement et qui fasse peine.

Ce moment des Charmettes, où il fut donné à ce cœur neuf encore de s’épanouir pour la première fois, est le plus divin des Confessions, et il ne se retrouvera plus, même quand Rousseau sera retiré à l’Ermitage. La description de ces années de l’Ermitage, et de la passion qui vient l’y chercher, a bien de la séduction encore, et peut-être plus de relief que tout ce qui a précédé ; il aura raison de s’écrier pourtant : Ce n’est plus là les Charmettes ! La misanthropie et le soupçon dont il est déjà atteint le poursuivront dans cette période de solitude. Il y pensera continuellement au monde de Paris, à la coterie de d’Holbach ; il jouira de sa retraite en dépit d’eux, mais cette pensée empoisonnera ses plus pures jouissances. Son caractère s’aigrira et contractera durant ces années un mal désormais incurable. Il aura sans doute de délicieux moments alors et depuis jusqu’à la fin ; il retrouvera dans l’île de Saint-Pierre, au milieu du lac de Bienne, un intervalle de calme et d’oubli qui lui inspirera quelques-unes de ses plus belles pages, cette cinquième promenade des Rêveries, qui, avec la troisième lettre à M. de Malesherbes, ne saurait se séparer des plus divins passages des Confessions. Pourtant rien n’égalera comme légèreté, comme fraîcheur et allégresse, la description de la vie aux Charmettes. Le vrai bonheur de Rousseau, celui que personne, pas même lui, ne sut lui ravir, ce fut de pouvoir évoquer ainsi et se retracer, avec la précision et l’éclat qu’il portait dans le souvenir, de tels tableaux de jeunesse jusqu’au sein de ses années les plus troublées et les plus envahies.

Le voyage pédestre, avec ses impressions de chaque instant, fut encore une des inventions de Rousseau, une des nouveautés qu’il importa dans la littérature : on en a fort abusé depuis. Le premier, après en avoir joui d’abord, il ne songea que bien plus tard à raconter ce qu’il avait senti. Ce n’est qu’alors, nous assure-t-il, « quand il faisait route à pied, par un beau temps, dans un beau pays, sans être pressé », ayant pour terme du voyage un objet agréable qu’il ne se hâtait pas trop d’atteindre, c’est alors qu’il était tout entier lui-même, et que les idées, froides et mortes dans le cabinet, s’animaient et prenaient leur essor en lui :

La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées ; je ne puis presque penser quand je reste en place ; il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit. La vue de la campagne, la succession des aspects agréables, le grand air, le grand appétit, la bonne santé que je gagne en marchant, la liberté du cabaret, l’éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l’immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré, sans gêne et sans crainte. Je dispose en maître de la nature entière…

Ne lui demandez pas d’écrire en ces moments les pensées sublimes, folles, aimables, qui lui traversent l’esprit : il aime bien mieux les goûter et les savourer que de les dire : « D’ailleurs portais-je avec moi du papier, des plumes ? Si j’avais pensé atout cela, rien ne me serait venu. Je ne prévoyais pas que j’aurais des idées ; elles viennent quand il leur plaît, non quand il me plaît. » Ainsi, dans tout ce qu’il a raconté depuis, nous n’aurions, à l’en croire, que des ressouvenirs lointains et des restes affaiblis de lui-même, tel qu’il était en ces moments. Et pourtant quoi de plus vrai, de plus précis et de plus délicieux à la fois ! Qu’on se rappelle cette nuit qu’il passe à la belle étoile au bord du Rhône ou de la Saône, dans un chemin creux près de Lyon :

Je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi, je m’endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour : mes yeux, en s’ouvrant, virent l’eau, la verdure, un paysage admirable. Je me levai, me secouai : la faim me prit ; je m’acheminai gaiement vers la ville, résolu de mettre à un bon déjeuner deux pièces de six blancs qui me restaient encore.

Tout le Rousseau naturel est là avec sa rêverie, son idéal, sa réalité ; et cette pièce de six blancs elle-même, qui vient après le rossignol, n’est pas de trop pour nous ramener à la terre et nous faire sentir toute l’humble jouissance que la pauvreté recèle en soi quand elle est jointe avec la poésie et avec la jeunesse. J’ai voulu pousser la citation jusqu’à cette pièce de six blancs pour montrer qu’avec Rousseau nous ne sommes pas uniquement dans le René et dans le Jocelyn.

Le pittoresque de Rousseau est sobre, ferme et net, même aux plus suaves instants ; la couleur y porte toujours sur un dessin bien arrêté : ce Genevois est bien de la pure race française en cela. S’il lui manque par moments une plus chaude lumière et les clartés d’Italie ou de la Grèce ; si, comme autour de ce beau lac de Genève, la bise vient quelquefois refroidir l’air, et si quelque nuage jette tout à coup une teinte grisâtre aux flancs des monts, il y a des jours et des heures d’une limpide et parfaite sérénité. On a depuis renchéri sur ce style, on a cru le faire pâlir et le surpasser ; on y a certainement réussi pour quelques effets de couleurs et de sons. Toutefois, le style de Rousseau reste encore le plus sûr et le plus ferme qu’on puisse offrir en exemple dans le champ de l’innovation moderne. Avec lui le centre de la langue ne s’est pas trop déplacé. Ses successeurs sont allés plus loin ; ils n’ont pas seulement transféré le siège de l’Empire à Byzance, ils l’ont souvent porté à Antioche et en pleine Asie. Chez eux l’imagination dans sa pompe absorbe et domine tout.

Les portraits dans Les Confessions sont vifs, piquants et spirituels. L’ami Bâcle, le musicien Venture, le juge mage Simon, sont finement saisis et observés ; ce n’est pas aussi facilement enlevé que dans Gil Blas, c’est plutôt gravé : Rousseau ici s’est ressouvenu de son premier métier.

Je n’ai pu indiquer qu’en courant dans l’auteur des Confessions les grands côtés par lesquels il demeure un maître, que saluer cette fois le créateur de la rêverie, celui qui nous a inoculé le sentiment de la nature et le sens de la réalité, le père de la littérature intime et de la peinture d’intérieur. Quel dommage que l’orgueil misanthropique s’y mêle, et que des tons cyniques fassent tache au milieu de tant de beautés charmantes et solides ! Mais ces folies et ces vices de l’homme ne sauraient prévaloir sur les mérites originaux, et nous masquer les grandes parties par lesquelles il se trouve encore supérieur à ses descendants.