(1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »
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(1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte45.

Voilà un bon, un excellent livre. On ne s’aventure point en parlant ainsi. C’est de l’histoire composée et construite de la manière la plus instructive, rien qu’avec des pièces originales, des papiers d’État. Mais, dira-t-on, après tout ce qu’on a écrit et imprimé déjà, qu’y a-t-il donc tant à découvrir sur le règne de Louis XIV ? Ce qu’il y avait à découvrir, l’auteur du présent livre nous l’apprend dans les premières pages. Louvois, entre autres établissements utiles et durables, a fondé le Dépôt de la Guerre ; c’est dans ce Dépôt que sont conservées toutes les lettres, toutes les dépêches, qui émanent des ministres et secrétaires d’État de la Guerre ou qui s’adressent à eux, les lettres et rapports des généraux, des intendants, etc. Or, ce Dépôt qui n’est point gardé par un dragon à plusieurs têtes, comme le jardin des Hespérides ou comme les Archives des Affaires étrangères, mais où l’on est accueilli avec bienveillance et libéralité, contient, en ce qui concerne Louvois, une masse de correspondance qui va de 1661 à 1691 et ne remplit guère moins de neuf cents volumes. Si l’on fait la part des copies ou transcriptions qui en prennent à peu près un tiers, il reste environ six centsvolumes de pièces originales à lire, à étudier. Qu’en dites-vous ? Pourquoi personne jusqu’à présent ne s’était-il avisé de puiser là et de s’emparer de ces sources capitales et premières ?

Pourquoi Louis XIV, dans sa campagne de Hollande, en 1672, n’a-t-il pas su que c’était à Muyden, petite ville à sa portée, qu’était la clef de sa conquête, le nœud de toutes les écluses qu’il suffisait de lâcher pour inonder le pays ? Il ne le sut qu’après coup et trop tard. C’est singulier, mais cela est ainsi.

Il faut être tout à fait juste. De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. En ceci pourtant il n’était jamais trop tard ; il suffisait de faire comme le laborieux jésuite et de remonter à la source : on ne le fit pas.

Les historiens s’étaient donc contentés jusqu’à présent de parler de Louvois d’une manière assez générale, rendant plus ou moins de justice à son administration, mais insistant avant tout sur les vices et les défauts de son caractère. On a bientôt dit, avec l’abbé de Choisy : Esprit audacieux, insatiable de crédit  ; — ou avec Duclos : Puissant génie, âme féroce  : « C’était sans doute, ajoutait ce dernier, un ministre supérieur pour conduire une guerre ; mais, si on le considère comme citoyen, c’était un monstre. » Cette expression de monstre d’égoïsme , appliquée à Louvois, a fait fortune et a trouvé des échos. On l’a jugé capable de tous les crimes. Les plus modérés (comme La Fare) l’estimaient « homme excellent dans l’exécution, mais dont les vues n’étaient pas assez étendues pour le gouvernement d’un grand État ; — capable de bien servir dans le ministère, mais non pas de gouverner. » En ce sens on l’a appelé un grand commis plutôt qu’un grand ministre. Circonscrivant encore plus sa capacité et la reportant tout entière sur la fourniture et l’approvisionnement des armées, on l’avait surnommé le grand vivrier. Détesté et haï de tout temps, il était exécré et abominé au moment de sa mort. On le croyait à la veille d’une disgrâce dans l’esprit du roi et sous la menace d’une chute profonde. On a raconté là-dessus mille histoires qu’on peut lire chez Saint-Simon, lequel en telle matière est prêt à renchérir toujours. Par une conjecture toute contraire, et qui éloigne l’idée de disgrâce, cette mort, arrivée dans les circonstances les plus malencontreuses et au fort d’une guerre, fit dire de lui « qu’il aurait fallu ou qu’il ne fût point né, ou qu’il eût vécu plus longtemps », lui seul étant en état, par ses talents, de porter le poids d’une si grosse affaire qu’il avait préparée et suscitée. Ce ne sont là que propos et rumeurs ; les auteurs de Mémoires trop souvent en vivent. Saint-Simon, qui n’avait pas eu le temps de connaître Louvois, ne lui en. voulait pas moins personnellement comme au grand niveleur qui avait mis au pas la noblesse dans les armées, qui l’avait réduite à l’égalité dans l’obéissance et la discipline, avait assujetti les plus grands seigneurs (sauf les seuls princes du sang) à débuter par porter le mousquet et à faire le service comme les plus simples gardes, puis, les grades venus, à ne tenir de leur naissance aucune prérogative et à ne figurer qu’à leur rang selon l’ordre du tableau. Cette égalité et cette confusion avec le vil peuple, sous la main du roi et du ministre qui ordonnait en son nom, indignait le petit duc assez peu militaire de sa nature et peu soldat. Mme de Sévigné paraissait en prendre son parti de meilleure humeur, quand elle écrivait à sa fille :

« Vous ne serez pas fâchée d’apprendre ce que c’est que d’avoir une belle compagnie ou d’en avoir une mauvaise. M. de Louvois dit l’autre jour tout haut à M. de Nogaret : « Monsieur, votre compagnie est en fort mauvais état. — Monsieur, dit-il, je ne le savais pas. — Il faut le savoir, dit M. de Louvois ; l’avez-vous vue ? — Non, Monsieur, dit Nogaret.— II faudrait l’avoir vue, Monsieur. — Monsieur, j’y donnerai ordre. — II faudrait l’avoir donné. Il faut prendre parti, Monsieur, ou se déclarer courtisan, ou s’acquitter de son devoir quand on est officier. »

Ainsi parlait Louvois à Messieurs les gens de qualité qui étaient en faute pour le service. — Louvois, mort, n’eut point les honneurs de l’oraison funèbre, comme tant d’autres (à commencer par son père, Michel Le Tellier), qui ne valaient certes pas mieux que lui par le caractère, et qui ne l’égalaient pas en génie. Son unique oraison funèbre, c’est cette même admirable plume de femme qui l’a faite dans un début de lettre immortel. Mme de Sévigné écrivait à M. de Coulanges, le 26 juillet 1691 :

« Le voilà donc mort, ce grand ministre, cet homme si considérable, qui tenait une si grande place ; dont le Moi, comme dit M. Nicole, était si étendu ; qui était le centre de tant de choses ! Que d’affaires, que de desseins, que de projets, que de secrets, que d’intérêts à démêler, que de guerres commencées, que d’intrigues, que de beaux coups d’échecs à faire et à conduire ! — Ah ! mon Dieu, donnez-moi un peu de temps, je voudrais bien donner un échec au duc de Savoie, un mat au prince d’Orange. — Non, non, vous n’aurez pas un seul, un seul moment. — Faut-il raisonner sur cette étrange aventure ? Non, en vérité, il y faut faire des réflexions dans son cabinet. Voilà le second ministre (l’autre était M. de Seignelai) que vous voyez mourir depuis que vous êtes à Rome ; rien n’est plus différent que leur mort, mais rien n’est plus égal que leur fortune et leurs attachements, et les cent mille millions déchaînés qui les attachaient tous deux à la terre. »

Elle ne croyait donc pas, quand elle écrivait ceci et qu’elle le montrait si ancré et comme rivé au sommet de la fortune, que cette mort soudaine n’eût fait que le sauver d’une disgrâce.

On en était là sur Louvois. Les historiens spéciaux de l’administration de la guerre (Audouin, par exemple), en lui accordant d’avoir été le plus grand administrateur militaire, en le proclamant « créateur d’un système d’approvisionnements, auteur des règlements de discipline et d’avancement, fondateur d’une école de cadets et de l’hôtel des Invalides », n’expliquaient pas avec détail en quoi consistaient toutes ces créations et n’insistaient guère que sur le chapitre des vivres et subsistances : le reste ne figure qu’en abrégé, et le peu qu’on en dit n’est pas d’une entière exactitude. On peut donc s’imaginer quels furent l’étonnement et la joie d’un esprit studieux et véritablement historique lorsqu’il se vit introduit tout à coup au milieu et au centre de toutes les informations les plus copieuses, les plus précises, les plus lumineuses, au cœur même de l’œuvre de Louvois. Et qui dit Louvois, dit en même temps tous les hommes importants de son époque, qui étaient en correspondance suivie avec lui, de sorte qu’on tient d’un même coup de filet toute la politique et toute l’histoire militaire de la plus belle période de ce grand règne.

« Les années que j’ai passées là, nous dit M. Housset avec un accent pénétré et qui l’honore, sont certainement celles qui m’ont donné le plus de bonheur intellectuel et de jouissances parfaites. Nouer un commerce intime et de tête-à-tête avec les plus grands hommes d’un grand siècle ; tenir entre ses mains les lettres originales de Louis XIV, de Louvois, de Turenne, de Condé, de Vauban, de Luxembourg et de tant d’autres, dont l’écriture semble encore fraîche, comme si elle était tracée d’hier ; démêler sans peine tous les secrets de la politique et de la guerre ; assister à la conception et à l’éclosion des événements ; surprendre l’histoire, pour ainsi dire, à l’état natif, quelle plus heureuse fortune et quelle plus grande joie ! Je vivais au sein même de la vérité ; j’en étais inondé, pénétré, enivré. Mais aujourd’hui, je le dis sincèrement, ma joie est mêlée d’une grande inquiétude ; cette vérité historique dont j’ai eu la révélation première, ai-je bien la force et le talent qu’il faut pour la communiquer ? C’était mon vœu le plus ardent, et j’y ai fait tous mes efforts… »

Ce n’est pas à nous, c’est aux juges les plus éclairés, dont nous ne sommes que l’écho, d’ajouter qu’il a pleinement réussi. Je ne sais si M. Flousset aurait beaucoup le talent d’écrire et de peindre, d’être éloquent, comme on dit, dans le cas où il marcherait tout seul et où il aurait à composer, pour son compte, quelque morceau de sa propre étoffe ; mais aujourd’hui il ne nous donne pas le temps d’y songer : dans ce long travail d’analyse, d’extrait, de résumé et d’assemblage, il a fait preuve partout d’un excellent jugement, d’un goût sobre, d’un choix sévère, d’une fermeté de pensée et d’expression qui inspire toute confiance. Il a eu l’art de rejoindre solidement tous ces morceaux de textes originaux, sans lesquels il ne met pas un pied en avant.

Cette histoire, telle qu’il a su l’établir et la bâtir, est tout à fait le contraire de ces histoires générales, systématiques, où l’auteur prête de ses intentions et de son parti pris aux personnages et aux événements eux-mêmes, tellement qu’en les lisant le vulgaire des esprits qui aime à être mené croit tout comprendre et se déclare charmé, tandis que tout esprit politique et qui a tâté des affaires humaines sent aussitôt que ce n’est pas ainsi que les choses ont dû se passer. Ici nous sommes au centre même du mouvement intérieur, et, selon l’expression ingénieuse du meilleur des juges46, nous sommes comme au dedans d’une montre dont nous voyons s’engrener et marcher les rouages. Tout se tient et s’explique : la politique avec tous ses ressorts joue devant nous, et nous assistons au fur et à mesure au travail de l’histoire.

Cicéron disait d’Athènes qu’on n’y pouvait faire un pas sans mettre le pied sur une histoire. Nous le dirons de même de ce récit, tout composé et comme pavé de pièces du temps : nous y marchons à chaque pas sur du Louis XIV, sur du Louvois, sur du Vauban, sur du Luxembourg ; c’est une chaussée historique continue.

I.

Né en janvier 1641 et de trois ans plus jeune que Louis XIV, Louvois comprit dès l’enfance la vérité de ce que La Bruyère, a mis en maxime : Jeunesse des princes, source des belles fortunes . Admirablement bien élevé par un père d’apparence modeste, et qui, dans sa longue patience, recelait toutes les ambitions, dussent-elles n’éclater au complet et ne s’épanouir que dans la personne de ses enfants, Louvois, secrétaire d’État en survivance dès l’âge de quinze ans, nourri au sein des affaires, eut l’art, auprès de Louis XIV son aîné de bien peu, de se donner comme l’élève le plus disposé à profiter des leçons du maître, et qui n’aspirait qu’à le bien servir. Louis XIV paraît d’abord un peu dupe du jeune ambitieux ; et, en général, M. Rousset nous montre ce prince, dès son entrée en scène, infatué de sa grandeur, d’un immense égoïsme « qui absorbait, dit-il, tout le royaume en lui-même. Il n’était genre d’autorité, de considération, de vertu, de talent, qui ne lui fût suspect et ne lui parût comme rebelle et factieux, s’il n’avait été créé ou tout au moins consacré par la volonté royale. » Le seul reproche que je ferai à M. Rousset, le seul point où son excellent esprit me paraît avoir cédé à la prévention, est celui-ci, et j’ai peine à comprendre qu’au moment où il nous produit tant de preuves directes et nouvelles de l’élévation de sentiments, de la magnanimité et du bon esprit du jeune monarque, il soit si attentif à nous le présenter sous l’aspect le plus saillant de ses défauts. Quoi qu’il en soit, Louvois parut de bonne heure à Louis XIV un des instruments les plus utiles dont il aurait à se servir pour l’œuvre royale qu’il méditait. Cette œuvre était de reprendre les grands desseins de Henri IV, de Richelieu, d’imprimer à sa politique un caractère autrement auguste que ne l’avait pu faire l’adroit et habile Mazarin, de marquer par des guerres glorieuses et fructueuses son avènement réel et sa prise de possession comme roi. Il confondait dans sa pensée cette gloire personnelle et celle de la France. Se trompait-il en cela ? Qui l’oserait dire aujourd’hui ? qui oserait soutenir que d’avoir donné à la France une suite de frontières où Douai, Lille, Cambrai, Valenciennes, Saint-Omer, n’étaient plus à l’ennemi, où Besançon et la Franche-Comté nous étaient acquis, où Strasbourg nous couvrait vers le Rhin, où la Lorraine dans un avenir prochain nous était assurée, qui oserait dire que d’avoir obtenu ce résultat, d’avoir extirpé du sein du royaume toutes ces enclaves étrangères, ces bras de polypes qui essayaient en vingt endroits d’y pénétrer, d’avoir fait, selon l’expression de Vauban, son pré carré , et d’avoir pu désormais tenir son quartier de terre des deux mains, ce ne soit pas avoir compris les conditions essentielles du salut et de l’intégrité de la noble patrie française ? Il y a dans les grands États un instinct de subsistance et de conservation, un besoin de croissance et d’achèvement à une certaine heure, qui est aussi un droit de nature. Ce besoin et ce droit se personnifient dans la figure et dans l’âme de Louis XIV, qui, plein de son objet, put excéder sans doute et vouloir dépasser le but, mais qui en définitive l’a atteint, et, même après toutes ses fautes et ses grands désastres, n’a rien perdu d’essentiel de ce qu’il nous avait une fois acquis. Honneur donc à lui dans l’histoire, quels qu’aient pu être les raisonnements diplomatiques plus ou moins contestables par lesquels il essayait de soutenir les droits de la Reine sur les Pays-Bas ! Or, Louvois a été dès le premier jour l’homme de cette politique dont l’unique moyen était la guerre, et il est douteux que, sans lui, sans la nature de génie spécial à la fois et complexe qu’il y apporta, Louis XIV, même à l’aide de ses grands capitaines, eut réussi et triomphé.

Comme les plus capables et les mieux destinés à leur emploi, Louvois eut cependant besoin de quelque apprentissage. Ce caractère si entier, cette ambition si altière durent quelque temps se dissimuler et se contraindre. Le fils du plus souple des hommes, du doucereux Le Tellier, eut bien de la peine à se plier d’abord à ce manège. Associé à la charge de son père dès 1662, à l’âge de vingt et un ans, et autorisé à signer comme secrétaire d’État, quelques années se passent avant qu’il siège au Conseil et qu’il s’impose avec tout son ascendant. Il en profite pour être présent en tout lieu, pour s’instruire de tout sans bruit, sans appareil, et comme d’affaires de sa maison ; il voit de près et touche de ses mains les irrégularités de tout genre, les énormités et les lacunes de l’administration de la guerre, aucun abus ne lui échappe : il conçoit et prépare sans un instant de relâche cette organisation centrale, cette discipline rigoureuse, cette égalité de tous sous un même règlement, ce contrôle des deniers de l’État. cette économie et ce ménagement des subsistances, cette coordination et cet ajustement de toutes les parties du service, qui sont proprement son œuvre. Il sera le Colbert des armées. Il fallut, pour en venir là, arracher bien des choses à Colbert ; car les services civils et militaires étaient enchevêtrés, et le conflit se produisait à tout instant. Que d’ennemis, que de résistances il rencontre ! Il n’a pas seulement contre lui, dans l’armée, l’orgueil nobiliaire, la vanité, les prétentions et la routine, il a les honnêtes gens revêches, les esprits étroits et récalcitrants comme le marquis de Bellefonds ; il a Turenne mal disposé, et bien d’autres. Il en triomphe par force, par adresse, car il n’est pas si violent qu’on le dit ; il fait si bien, il joue si serré qu’il y a tel moment, à la Paix d’Aix-la-Chapelle (1668), où Turenne est obligé de le louer devant le roi, et où Colbert le remercie. Louvois a senti de bonne heure qu’avec tout ce qu’il exécute déjà et ce qu’il prépare il lui faut avoir des hommes à lui, rien qu’à lui. Il les acquiert et les crée, soit qu’il se concilie le grand Condé en lui faisant rendre le commandement des armées, soit qu’il s’entende presque en camarade avec Luxembourg, brillant capitaine, homme corrompu : il y a, dès le principe, partie liée entre eux, bien que l’alliance ne doive pas tenir jusqu’au bout. Il s’acquiert plus sûrement Vauban, conquête inestimable ; nous y reviendrons. De plus il a sous lui toute une élite d’hommes secondaires que cette histoire nous découvre et qui prennent figure et vie à nos yeux : — en première ligne, Martinet, lieutenant-colonel du régiment du Roi, mort maréchal de camp, officier modèle, dont le nom devient proverbial dans l’armée, et qui est l’instrument de la réforme, le parfait instructeur, le praticien de la discipline nouvelle dans l’infanterie ; — après lui, le chevalier de Fourilles, qui rend des services pareils, et qui est un autre Martinet pour la cavalerie ; — des intendants comme Chaniel, agent zélé, ferme, intelligent, dont les plus grands généraux redoutent les écritures, qui ne paraît pas en avoir abusé toutefois, et que Louvois, fidèle au principe de la séparation des pouvoirs, soutient sans broncher dans ses contestations avec les maréchaux victorieux, après la conquête. Disons tout : il y a le revers de la médaille, les vilains, les affreux côtés, les abominables nécessités de la guerre, un intendant Robert, des plus capables et homme de ressources, — de trop de ressources ! — terrible à force d’expédients, qui tond et écorche impitoyablement les provinces conquises ; — un Luxembourg, tout l’opposé de Vauban pour les mœurs, tournant agréablement ses cupidités en railleries, roué, insolent, inhumain et fanfaron d’inhumanité ; et Louvois badine avec l’un, et il n’est pas révolté des exactions, des extorsions de l’autre, puisqu’elles vont au profit du roi : il semble que tout soit permis et légitime sur le territoire ennemi. Malgré ces taches odieuses et les pénibles impressions qu’elles laissent, quiconque aura lu le chapitre que M. Camille Rousset a consacré à l’examen approfondi et détaillé des institutions militaires réformées ou créées par Louvois, gardera du génie du ministre la plus haute et la plus respectable idée. Si nous lui cherchions des analogues de nos jours parmi les hommes que nous avons vus à l’œuvre et que l’histoire a déjà mesurés, nous serions obligés de remuer et d’associer bien des noms. Il y a du Davout dans Louvois ; il y a du Carnot.

C’est un Daru de génie et original, un Daru inventif, qui a l’initiative à la fois et l’exécution, qui, en un mot, a tout un coin du génie de Napoléon. Par moments aussi, Louvois est un major-général excellent et en fait l’office. La concentration des troupes à l’improviste devant Gand, en 1678, parut alors un prodige de combinaison et de manœuvres, et reste un beau fait de stratégie. Tout compté, si trop souvent il s’est montré dur, cruel, sans scrupule dans l’exécution, il a rendu en somme un éminent service à l’État, et même, on l’ose dire, à l’humanité, en organisant cette chose sauvage, la guerre : il l’a, jusqu’à un certain point, moralisée.

II.

A côté de Louvois, non loin de lui, on a une consolation sans mélange. Entre tant de personnages qui, vus de près et saisis en pleine action, tantôt y gagnent et tantôt y perdent, et dont quelques-uns n’accroissent pas leur réputation, ou même la déshonorent, il en est un du moins qui, en chaque rencontre, ne fait que gagner à être de plus en plus connu et mis en lumière, et qui mérite, plus encore que Turenne peut-être, qu’on dise de lui qu’il fait honneur à la nature humaine : c’est Vauban. Quel honnête homme ! quelle probe et antique figure ! quelle prud’homie morale, jointe à une habileté sans pareille dans son art ! Louvois se l’est acquis ; c’est une de ses gloires. Vauban lui a toute reconnaissance pour l’avoir distingué, pour l’avoir tiré de la dépendance du chevalier de Clerville, l’ingénieur en vogue, beau parleur, qui jetait de la poudre aux yeux, et qui était auparavant l’oracle en matière de fortification. Vauban doit à Louvois ce que tout homme de talent prise le plus, l’occasion de montrer au grand jour ses talents. Il lui donne en retour toutes les preuves de dévouement dont il est capable, et celle qu’un ministre digne du pouvoir doit le plus désirer, la vérité en toute chose. Il faut voir leur correspondance depuis le jour où Louvois, qui ne le connaît pas encore à fond, écrit à l’intendant Charuel (14 octobre 1667) :

« Le sieur Vauban est assurément capable de bien servir ; mais il n’est pas inutile de l’exciter à bien faire. Vous lui témoignerez qu’il doit mettre en pratique son industrie pour faire faire les ouvrages à bon marché et très-promptement, afin que l’on puisse faire voir au roi que les mauvais offices qu’on lui a rendus sur cela sont mal fondés. »

Ces mauvais offices rendus à Vauban par un intendant d’Alsace, cousin de Colbert, faillirent perdre cet illustre ingénieur et guerrier au début de sa grande carrière. On l’accusait de malversation, et Colbert sur ce chapitre était inexorable. Louvois tira Vauban d’affaire ; il ne lui sauva pas seulement sa très-médiocre fortune, il sauva son honneur de toute tache et de tout soupçon. Vauban lui en sut un gré proportionné au bon office ; et Colbert, revenu de ses préventions, eut beau faire ensuite des avances à l’homme de génie qui restait malgré tout l’honnête homme offensé, il ne put jamais le gagner et le reconquérir sur son grand rival.

On assiste à tous les pas que font la fortune et la gloire de Vauban, c’est-à-dire à tous les services que ce guerrier citoyen rend à son pays. Il a à vaincre, en 1668, pour les fortifications des places de Flandre et d’Artois, le chevalier de Glerville, qui conserve encore une ombre de crédit et qu’il s’agit de jeter décidément de côté, lui et ses plans. C’est le duel éternel de tout ce qui finit et de ce qui succède, de ce qui se survit et de ce qui doit vivre ; cela s’est vu de tout temps, en grand, en petit, dans tous les genres et dans tous les ordres : César et, Pompée, Malherbe et le vieux Desportes, Descartes et Voët, Franklin et l’abbé Nollet… Le chevalier de Glerville sent désormais son maître dans celui qui fut longtemps son diacre, comme le disait plaisamment Vauban : « Il est fort chagrin contre moi, ajoutait celui-ci, quelque mine qu’il fasse ; c’est pourquoi il ne me pardonnera rien de ce qui lui aura semblé faute ; mais je loue Dieu de ce que lui et moi avons affaire à un ministre éclairé qui, en matière de fortification, ne prend point le change, et qui veut des raisons solides pour se laisser persuader et non pas des historiettes. » Une dernière rencontre a lieu entre les deux rivaux, au sujet des fortifications de Dunkerque ; elle est décisive. On sent à quel point Vauban, comme tous les vrais artistes, a en lui la fibre de l’honneur ; je parle présentement de l’honneur du métier. Ce n’est pas à réussir sur l’heure et pour un jour qu’il vise, comme cela suffit aux charlatans, c’est à s’acquérir l’estime des connaisseurs et de ceux qui en jugeront plus tard à l’usage : « Ce n’est pas ici un jeu d’enfants, écrivait-il à propos de ce même Dunkerque, et j’aimerais mieux perdre la vie que d’entendre dire un jour de moi ce que j’entends des gens qui m’ont devancé. » Plein de bonnes raisons, et de celles qu’il donne, et de celles qu’il garde par devers lui dans un art qui a ses secrets, il s’impatiente et s’irrite même des chicanes et des objections qu’on élève quand il a le dos tourné ; il s’en plaint au ministre et d’un ton parfois un peu brusque. Louvois le lui passe. Ils ne sont pas là précisément pour s’écrire des politesses, mais pour vaquer le plus efficacement au service du roi. Il y a pourtant des jours où Vauban craint d’avoir excédé en franchise ; il croit devoir s’en excuser.

« Je vous supplie très-humblement, écrivait-il dans sa langue légèrement arriérée et à la gauloise, d’avoir un peu de créance à un homme qui est tout, à vous, et de ne point vous fâcher si, dans celles que j’ai l’honneur de vous écrire, je préfère la vérité, quoique mal polie, à une lâche complaisance qui ne serait bonne qu’à vous tromper, si vous en étiez capable, et à me déshonorer. Je suis sur les lieux ; je vois les choses avec application, et c’est mon métier que de les connaître ; je sais mon devoir, aux règles duquel je m’attache inviolablement, mais encore plus que j’ai l’honneur d’être votre créature, que je vous dois tout ce que je suis, et que je n’espère que par vous ; ce qui étant de la sorte, et n’ayant pour but que très-humble et très parfaite reconnaissance, ce serait bien y manquer et me rendre indigne de vos bonnes grâces, si, crainte d’une rebuffade ou par l’appréhension de la peine, je manquais à vous proposer les véritables expédiants qui peuvent faciliter le ménage et avancement de cet ouvrage-ci, et de tous ceux que vous me ferez l’honneur de me commettre. Trouvez donc bon, s’il vous plaît, qu’avec le respect que je vous dois, je vous dise librement mes sentiments dans cette matière. Vous savez mieux que moi qu’il n’y a que les gens qui en usent de la sorte qui soient capables de servir un maître comme il faut. »

— « Je ne comprends pas, lui répond Louvois noblement susceptible et délicat à sa manière, ce que veut dire la fin de votre lettre, par laquelle il semble que vous vous excusiez de me dire la vérité avec trop de franchise. Je ne pense point vous avoir jamais témoigné désirer autre chose que de la savoir, et je vous répète présentement que, si j’ai à espérer quelque reconnaissance de vous avoir donné occasion de faire votre fortune, ce ne sera jamais d’autre chose que d’être informé, à point nommé, de ce qui se passe et de ce que vous croyez que l’on doit faire, quand même vous auriez connu par mes lettres que cela est contre mon sens. »

On dira de Louvois bien des choses, on ne dira pas qu’il n’avait point la probité de son emploi.

Vauban est rude ; il a dans son action, comme dans son langage, des marques restantes du xvie  siècle ; il a des habitudes, des manières de dire comme d’agir à la Sully, à la L’Hôpital. Sa plaisanterie est de la bonne et grosse étoffe. On fortifiait la citadelle de Lille (1669) ; il en voulait faire un chef-d’œuvre, et Louvois marchandait sur quelque point :

« La dépense, lui écrivait Vauban qui le voulait séduire, n’ira pas à quatre mille livres, et de cela j’en suis si assuré que je me soumets volontiers à payer le surplus, s’il y en a, et d’avoir encore les étrivières par-dessus le marché. Je vous supplie donc de vous laisser persuader, et de vous souvenir que, la citadelle de Lille ayant l’honneur d’être votre fille aînée dans la fortification, il est juste que vous lui fassiez quelque prérogative. — Rien, disait-il encore en ouvrier amoureux de son ouvrage, rien n’est mieux conduit ni plus beau que toute cette maçonnerie ; l’on n’y voit pas le moindre défaut. »

La maçonnerie était belle, mais on menait les maçons un peu rudement :

« Pour empêcher la désertion des maçons, qui me faisait enrager, j’ai pris, sous votre bon plaisir, deux gardes de M. le maréchal (d’Humières), des plus honnêtes gens, qui auront leurs chevaux toujours sellés dans la citadelle, avec chacun un ordre en poche et un nerf de bœuf à la main ; les soirs, on verra ceux qui manqueront ; après quoi, dès le matin, ils les iront chercher au fond de leur village, et les amèneront par les oreilles sur l’ouvrage. »

Est-il besoin d’avertir qu’il y a quelque plaisanterie dans cette rudesse un peu grossière ? Le fond vaut mieux que la forme. Vauban était, de fait, le plus humain des hommes de guerre.

Sa probité rigide excitait bien des mécontentements. Comme on faisait travailler les soldats aux fortifications, il y avait une comptabilité établie entre les officiers et les entrepreneurs. Les premiers n’étaient pas toujours purs et nets ; les seconds avaient bon dos, on trichait à leurs dépens, et il se faisait bien des tours de passe-passe : « Assurément, disait Vauban, s’il y avait quelque bon tour dans la filouterie que le Diable ne sût pas, il pourrait le venir apprendre ici… Il n’y a pas une telle école au reste du monde. » Mais les officiers vont plus loin ; quelques-uns, et des plus coupables, pour se blanchir, osent se plaindre des gens qu’emploie Vauban, comme s’il ne surveillait pas son monde : on semble dire que lui-même interrogé ne pourra disconvenir de certains faits. Louvois ébranlé lui en écrit avec reproche, supposant qu’il a dissimulé la vérité sur quelque point. Vauban indigné répond, et, à son tour, il réclame, il exigé stricte et rigoureuse justice. Cette lettre du 15 décembre 1671 est à encadrer dans un cadre d’or ; elle est à mettre à côté de telle page de L’Hôpital, de telle allocution de Gerson, de telle réponse de ces vieux et grands parlementaires Achille de Harlay ou de La Vacquerie ; c’est l’éloquence du cœur, toute pure et toute crue, et qui n’y va pas par quatre chemins :

« Il est de la dernière conséquence d’approfondir cette affaire, tant à l’égard du préjudice que le service du roi en peut recevoir, si ces Messieurs ont dit vrai, que de la justice que vous devez à ceux qui, pour faire leur devoir trop exactement, sont injustement calomniés. Recevez donc, s’il vous plaît, toutes leurs plaintes, Monseigneur, et les preuves qu’ils offrent de vous donner. Que si vos grandes affaires vous occupent trop, commettez-y quelque honnête homme qui examine bien toutes choses à fond, et qui vous en rende compte après ; car, encore une fois, il est de la dernière conséquence d’approfondir cette affaire. Ne craignez point d’abîmer Mongivrault et Voilant (deux ingénieurs sous ses ordres), s’ils sont trouvés coupables. Je suis sûr qu’ils n’appréhendent rien là-dessus ; mais, quand cela serait, pour un perdu, deux recouvrés. Quant à moi, qui ne suis pas moins accusé qu’eux, et qui, peut-être, suis encore plus coupable, je vous supplie et vous conjure, Monseigneur, si vous avez quelque bonté pour moi, d’écouter tout ce que l’on vous dira contre, et d’approfondir, afin d’en découvrir la vérité ; et si je suis trouvé coupable, comme j’ai l’honneur de vous approcher de plus près que les autres, et que vous m’honorez d’une confidence plus particulière, j’en mérite une bien plus sévère punition. Cela veut dire que, si les autres méritent le fouet, je mérite, du moins la corde ; j’en prononce moi-même l’arrêt, sur lequel je ne veux ni quartier ni grâce. Mais aussi, si mes accusateurs ne peuvent pas prouver ou qu’ils prouvent mal, je prétends que l’on exerce sur eux la même justice que je demande pour moi. Et sur cela, Monseigneur, je prendrai la liberté de vous dire que les affaires sont trop avancées pour en demeurer là ; car je suis accusé par des gens dont je saurai le nom, qui ont semé de très-méchants bruits de moi ; si bien qu’il est nécessaire que j’en sois justifié à toute rigueur. En un mot, Monseigneur, vous jugez bien que, n’approfondissant point cette affaire, vous ne me sauriez rendre justice ; et ne me la rendant point, ce serait m’obliger à chercher les moyens de me la faire moi-même, et d’abandonner pour jamais la fortification et toutes ses dépendances. Examinez donc hardiment et sévèrement, bas toute tendresse, car j’ose bien vous dire que, sur le fait d’une probité très-exacte et d’une fidélité sincère, je ne crains ni le Roi, ni vous, ni tout le genre humain ensemble. La fortune m’a fait naître le plus pauvre gentilhomme de France ; mais, en récompense, elle m’a honoré d’un cœur sincère, si exempt de toutes sortes de friponneries qu’il n’en peut même souffrir l’imagination sans horreur. »

Honneur et vertu ! nobles accents ! Louvois n’était pas indigne de les entendre. Il s’ensuit entre eux, dès lors, un redoublement de liaison et de confiance. Vauban écrit pour lui, et à sa demande, un Mémoire pour servir d’instruction sur la conduite des sièges : « un livre, disait-il en hochant la tête, rempli de la plus fine marchandise qui soit dans ma boutique, et telle qu’il n’y a assurément que vous dans le royaume qui en puisse tirer de moi de semblable. » Il fait de Louvois son élève et son confident dans l’art des sièges. Ils échangent leurs cadeaux d’amitié : Vauban aura le portrait de Louvois, peint par Mignard ; Louvois recevra de Vauban « un Plan de Lille bien rectifié, avec la description de tout son paysage à la portée du canon à la ronde, où toutes choses, jusqu’au moindre fossé, sont mises dans leur place juste, et où il ne manque pas la moindre chose du monde » ; présent sévère et de main de maître aussi.

Vauban, dans toute cette histoire, conserve et soutient ce beau caractère. Homme antique, qui au génie d’un Français nouveau unit toutes les qualités des vieux Gaulois, ou mieux peut-être des Romains de vieille roche. Il voudrait faire mentir ceux qui disent « que les Français commencent tout et n’achèvent jamais rien. » Il voudrait les désabuser de ce faux point d’honneur qui, dans les sièges, quand il est tout préoccupé, par ses inventions savantes, de ménager la vie des hommes, leur fait prodiguer la leur, sans utilité, sans aucune raison et par pure bravade ; « Mais ceci, disait-il, est un péché originel dont les Français ne se corrigeront jamais, si Dieu, qui est tout-puissant, n’en réforme toute l’espèce. »

Hormis ce pur et irréprochable Vauban, tous ceux qui figurent dans cette histoire, y paraissent avec leurs qualités et leurs défauts ou avec leurs vices : Condé, avec ses réveils d’ardeur, ses lumières d’esprit, mais aussi avec des lenteurs imprévues, des indécisions de volonté (premier signe d’affaiblissement), et avec ses obséquiosités de courtisan envers le maître et même envers les ministres ; Turenne, avec son expérience, sa prudence moins accrue qu’enhardie en vieillissant, et son habileté consommée, mais avec ses sécheresses d’humeur et ses obscurités de discours ; Luxembourg, avec ses talents, ses ardeurs à la Condé, sa verve railleuse, mais avec sa corruption flagrante et son absence de tout scrupule ; Louvois, avec sa dureté et sa hauteur qui font comme partie de son génie et qui sont des instruments de sa capacité même, avec plus de modération toutefois et d’empire sur ses passions qu’on ne s’attendait à lui en trouver. Louis XIV, enfin, s’y montre dans sa grandeur d’âme et son ambition de roi, avec son esprit de travail, son application de détail, son besoin de tout prescrire et de tout régler, ou du moins de tout comprendre, de se rendre un compte exact de la marche et de la conduite suivie en chaque affaire. Pour eux tous M. Camille Rousset est juste et il fait équitablement la part du bien et du mal, pour tous (exception étrange !) si ce n’est pour Louis XIV, au désavantage de qui, chaque fois qu’il le peut, il secoue et incline assez lestement la balance. Je veux lui en faire une querelle ; sans un peu de querelle la critique ne vit pas. Le spirituel général Haxo, qu’on peut citer dans un article où il vient d’être tant question de Vauban, aimait fort à contredire, et quand il n’y avait plus moyen : « Nous sommes d’accord, disait-il à son interlocuteur ; eh bien ! je m’en vais. » Il en est ainsi de la critique : elle tourne court et s’en va quand elle est d’accord avec l’auteur. Je reste donc pour contredire ou pour chicaner M. Rousset sur un seul point.