DINOUART, [Joseph-Antoine-Toussaint] Chanoine de St. Benoît, de l’Académie des Arcades de Rome, né à Amiens en 1716 ; successivement Poëte Latin, Poëte François, Traducteur, Commentateur, Historien, Compilateur, Journaliste, sans qu’on puisse dire qu’il ait réussi dans aucun genre.
Les moins mauvais de ses Ouvrages sont des compilations, parce qu’elles
                            contiennent peu de choses de lui. De ce nombre sont sa Rhétorique du Prédicateur, son Traité de
                                l’Eloquence du corps, deux Ouvrages où se trouve réuni, sans
                            méthode & sans goût, ce que Cicéron, Quintilien,
                            & parmi nous Fénélon, Rollin, le Pere Lami, Sanlecque, Lucas, l’Abbé de Villiers,
                            l’Abbé Mallet, ont écrit sur ces matieres si fort
                            rebattues. On y reconnoît sans peine ce que M. l’Abbé Dinouart y a ajouté. Il seroit difficile de douter, par
                            exemple, que les remarques & les expressions suivantes, tirées du
                            Traité de l’Eloquence du corps, ne soient de sa façon.
                                « Une taille trop haute est,
                                    dit-il, une 
difformité dans un
                                Orateur. Ces figures colossales ont quelque chose d’effrayant &
                                qui choque la vue. On ne peut croire que la Nature, qui
                                    donne à tous les hommes une mesure ordinaire de bon sens, leur
                                    en ait dispensé à proportion de leur taille ; on y
                                suppose toujours du vide. Je ne crois pas qu’on puisse louer
                                beaucoup cet avantage, qui ne peut être estimable que
                                    dans les poutres »
. Pour engager les Prédicateurs à
                            tenir la tête droite, il les avertit très-élégamment, qu’une tête
                            baissée déplaît, parce que cette contenance est commune aux
                                dévotes. Pour joindre à ses préceptes des motifs plus pressans
                            encore, il veut qu’on redresse les Orateurs, en leur plaçant la pointe d’une épée sous le menton. Il faut cependant
                                prendre garde, en relevant la tête, ajoute-t-il, d’imiter le mouvement des oiseaux qui boivent. Selon ses
                            judicieuses remarques, le front haut marque la
                                paresse ; le petit, la légéreté ; le rond, la colere.
                                « Il faut bien se garder encore d’ouvrir les yeux ni trop, ni
                                trop peu, de cligner ni de 
clignoter, de faire comme quelques Prédicateurs, qui
                                ouvrent la bouche avec tant d’effort, qu’ils semblent
                                    vouloir y faire entrer leur Auditoire, & d’en imiter
                                certains qui remuent la mâchoire inférieure avec tant de force, qu’ils paroissent croquer des noix. Je ris,
                                poursuit-il encore, de voir ces Orateurs, qui,
                                    boursoufflés comme des Maures, ouvrent la bouche comme s’ils
                                    vouloient parler à leurs oreilles, & dont les mâchoires se
                                    choquent dans la colere comme deux beliers. A l’égard de
                                leurs doigts, il faut qu’ils soient près les uns des autres, pour éviter la patte d’oye. J’aime mieux une main
                                un peu ardente, que celle qui est engourdie, &
                                qui paroît toujours avoir la crampe aux doigts.
                                Mais craignez d’imiter ces doigts volages, qui
                                semblent tracer en l’air toutes les lignes de
                                    Mathématiques »
. On comprend aisément combien des
                            préceptes sentis & annoncés de cette maniere sont propres à se faire
                            goûter. Ne croit-on pas 
voir Arlequin donner des leçons & des exemples de
                            gravité ?
Il en est à peu près de même des autres Ouvrages de M. l’Abbé Dinouart. Il a le secret de pervertir les genres ; & le Journal Ecclésiastique, qu’il a fait succéder au Journal Chrétien, dont son style a hâté la ruine, se ressent encore plus de la fatalité de sa plume.