(1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218
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(1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218

Amédée Vanloo

Saint Dominique prêchant devant le pape Honoré III.

 

Ce tableau n’est pas à beaucoup près sans mérite. Il est composé dans la manière de Le Sueur à qui le peintre a pris son saint Dominique. J’en suis sûr comme si je lui avais vu la main dans la poche ; mais il l’a un peu gâté, en le faisant sec et long. Le prédicateur est seul à gauche, dans sa chaire. Vis-à-vis et à droite, le pape et ses assistants forment, en s’étendant vers le fond et sur le devant, toute l’assemblée, dont le personnage le plus voisin du spectateur est un prélat, la tête appuyée sur sa main, qui écoute, et qui écoute bien ; qui a un beau caractère de tête, qui est drapé largement, qui est bien peint, mais qui nuit à tout. On laisse là le prédicateur, le pape, le reste de l’auditoire, et on ne regarde que ce prélat. C’est comme dans un certain tableau flamand du Sacrifice d’Abraham et d’Isaac, où le bouc était si soigné et si vrai qu’il faisait oublier le sacrificateur et la victime.

Son Saint Thomas inspiré du Saint-Esprit dans la composition de ses ouvrages, vous fera sentir, mieux que tout discours, ce que c’est que le défaut d’harmonie dans la couleur. Rien n’est mal, ni le saint, ni les livres, ni les chaises, ni le pupitre, mais tout est discordant. On dirait que ce tableau a déjà séjourné vingt ans dans une église humide ; il est d’ailleurs terne, sec et froid. Voyez la galerie des Batailles d’Alexandre. Le temps a enlevé la couleur ; mais la force de la composition et des caractères, le génie de l’artiste est resté. Ici il n’y a plus rien, quoique le tableau soit d’hier. Faites graver ce Saint Thomas, et vous n’en tirerez jamais qu’une de ces mauvaises estampes que nos paysans viennent acheter sur le quai des Théatins pour les clouer sur un des murs de leurs chaumières.

Ce Vanloo est le plus faible de la famille. Je ne sais ce que c’est que son Jesus et son Ange avec les attributs de la Passion ; je ne connais pas mieux ses Jeux d’enfants, et Dieu merci, je verrai la fin de cet examen.