Saint-Hyacinthe, [Themiseuil de] né à Orléans en 1684, mort en 1746.
Si quelque heureux génie eût jeté sur la manie philosophique le même ridicule que cet Auteur répandit sur l'érudition pédantesque, les Philosophes auroient déjà disparu, comme les Commentateurs. Rien de plus ingénieux que son Matanasius, ou le Chef-d'œuvre d'un Inconnu. L'ironie y regne d'un bout à l'autre ; la plaisanterie y est maniée avec autant de sel que de jugement, & produit des effets que l'éloquence directe n'auroit pas été capable de produire. Il est vrai qu'en corrigeant les Lettres d'un abus, cet Ouvrage leur a rendu un très-mauvais service en en bannissant l'érudition. L'ignorance & la présomption, qui vont toujours au delà des bornes, ont cru n'éviter que l'excès en manquant à l'essentiel.
On a encore de Saint-Hyacinthe un petit Ouvrage inséré
                            à la suite du Chef-d'œuvre d'un Inconnu. Cet Ouvrage, intitulé Déification du Docteur Aristarchus Masso, fit beaucoup
                            de bruit, par la mortification qu'il causa à M. de Voltaire. Soit que l'anecdote qu'on y raconte à son sujet,
                            soit vraie ou fausse, il est certain que celui-ci se déchaîna contre
                            l'Auteur en particulier & en public. Sans s'inquiéter des regles de
                            la Logique, il prétendit réfuter la Déification, en
                            soutenant que Saint-Hyacinthe n'étoit pas l'Auteur du
                            Chef-d'œuvre. Le raisonnement n'étoit pas concluant, comme il est aisé
                            de le voir. Saint-Hyacinthe, informé de l'imputation,
                                
y répondit par une Lettre des plus
                            vigoureuses, que nous sommes fâchés de ne pouvoir insérer en entier.
                            Après avoir prouvé, par des raisons convaincantes, que l'Ouvrage étoit
                            de lui, il se récrie avec force contre les qualifications que Voltaire a coutume de donner à tous les Ecrits qui ne
                            lui plaisent pas. « Comment osez-vous dire que la Déification d'Aristarchus Masso est une infame
                                Brochure ? Que signifie infame, je vous prie,
                                à l'égard d'une Piece où on ne prêche assurément pas la débauche,
                                & où il ne s'agit de rien qui en approche ? La Déification d'Aristarchus Masso est un Ouvrage
                                d'imagination ; c'est une fiction inventée pour représenter les
                                défauts auxquels des Gens de Lettres se laissent aller. On y voit la
                                présomption & les extravagances, dont l'excès & le ridicule
                                devroient corriger ceux qui prétendent s'élever au dessus des autres
                                par leur savoir, & qui se mettent au dessous par leur déraison.
                                On trouve dans cette Déification un peu 
de mythologie & de critique littéraire ; voilà tout. La
                                Piece peut être mal imaginée, mal exécutée, mal écrite ; mais
                                cela ne s'appellera jamais une infame Brochure par
                                quelqu'un qui sait le François, à moins que quelque passion ne lui
                                fasse outrer la signification des termes ». &c.
            
Nous devons remarquer encore que rien n'est plus faux que ce qu'on a débité sur la naissance de cet Ecrivain. Il faut être bien dominé par le penchant à adopter les anecdotes extravagantes, pour avoir osé dire qu'il étoit fils du grand Bossuet. Ce trait, qui ne méritoit pas la plus légere créance, est formellement démenti par des preuves incontestables, par l'extrait-baptistere de Saint-Hyacinthe lui-même, né à Orléans, Paroisse Saint-Victor, le 27 Septembre 1684, d'Hyacinthe de St. Gelais, Maître Cordonnier, & d'Anne Mathé son épouse.