Bellengé
un tableau de fleurs et de fruits.
11 pieds et demi de haut, sur 3 pieds 8 pouces de large.
C’est un grand vase plein de fleurs sur son piédestal ; c’est un ramage de verdure qui rampe avec une profusion tout à fait pittoresque sur l’extérieur de ce vase et sur son piédestal ; ce sont autour de ce piédestal des fleurs, des fruits, des grenades, des raisins, des pêches, un grand bassin rempli de la même richesse. C’est, au centre et du côté droit, un grand rideau verd, partie replié partie tombant.
Il m’a semblé qu’il y avait du goût, même de la poésie, dans cette composition ; du luxe, de la couleur, qu’une urne dont je n’ai pas parlé et qui est parmi les fruits, et que le vase étaient bien peints ; le vase de belle forme et de belle proportion, le ramage de verdure jetté avec élégance, et les fleurs et les fruits bien disposés pour l’effet.
Maître Bachelier, voilà un homme qui vous grimpe sur les épaules. On monte vers ce vase par quelques degrés qui forment le devant du tableau.
Ces sortes de compositions, outre le technique général de l’art, ont une poétique qui leur est particulière ; on peut rendre raison▶ du profil élégant d’un vase, de la grâce d’une guirlande. L’art de dessiner une étoffe n’est pas plus arbitraire que celui de dessiner la figure ; j’en trouve seulement les règles plus cachées, plus secrètes. Pour les découvrir, il faudrait partir des phénomènes les plus grossiers, par exemple, des serpens, des oiseaux, des arbres, des maisons, des papillons ; il est certain qu’un serpent, qu’un arbre, qu’une maison serait ridicule sur le dos d’une femme.
On passerait de là au sexe, à l’âge, à la couleur de la peau, à l’état, à des convenances plus fines, d’où l’on parviendrait à démontrer qu’un dessin de robe est de mauvais goût, et cela aussi sûrement que le dessin de quelque autre objet que ce fût, car enfin les mots de tact, d’instinct, ne sont pas moins vides de sens dans ce cas qu’en tout autre, si l’on fait abstraction de la ◀raison, de l’usage des sens, des convenances et de l’expérience. Quoi qu’il en soit, rien n’est plus rare qu’un bon dessinateur d’étoffes.
Il y a du même artiste sur un buffet de marbre à droite un vase de bronze beau, élégant et bien peint ; autour de ce case, de gros raisins noirs et blancs, et d’autres fruits ; le sep auquel ces raisins sont encore attachés descend du haut d’un vase de terre cuite à large panse ; il y a autour de ce second vase des pêches et des fruits. Chardin, oui Chardin ne dédaignerait pas ce morceau. Il est fortement colorié, les fruits sont vrais, le vase blanchâtre est admirable par la variété des tons gris, rouges, noirs, jaunes et autres accidens de la cuisson. Sur la panse de ce vase des enfants qu’on a groupés, sont très-bien, ils ont bien souffert du feu. Le tout imite à ravir la poterie mal cuite et son coup d’œil rare et frêle.
Voilà des hommes qui n’étaient rien autrefois, et qu’on regarde aujourd’hui ; serait-ce que les bons ne sont plus ? Deshays, Van Loo, Boucher, Chardin, La Tour, Bachelier, Greuze, n’y sont plus ; je ne nomme pas Pierre, car il y a déjà si longtemps que cet artiste ne nuisait plus à personne.
Les autres tableaux de fleurs et de fruits de Bellengé étaient au sallon incognito.