(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 159-160
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 159-160

Roy, [Pierre-Charles] Chevalier de l’Ordre de St. Michel, de l’Académie des Inscriptions, né à Paris en 1683, mort en 1763 ; Poëte de nos jours qui a eu du succès à l'Opéra, ce qui suppose dans lui un certain degré de talent. On a applaudi, avec justice, au Ballet des Elémens, & à la Tragédie de Callirhoé, dont l'ordonnance & la poésie sont également capables de satisfaire la délicatesse & le goût des Amateurs. Tout le monde sait par cœur le commencement du Prologue du premier de ces deux Poëmes :

Les temps sont arrivés. Cessez, triste chaos ;
Paroissez élémens, &c.

Jamais la Musique lyrique ne déploya plus de majesté, plus de richesse, plus d'harmonie pittoresque. A la lecture de ce morceau & de plusieurs autres de ce Ballet, qui ne sont pas moins beaux, il paroîtra étrange que M. Roy ait été si médiocre dans ses autres Poésies, où il manque de chaleur, de justesse, de correction ; sa versification est communément froide, prosaïque, dure. Un caractere sec, bilieux & malin, tel qu'il s'annonce dans ses Epigrammes, devoit le plus souvent manquer de douceur, de graces, & d'aménité. En effet, ses Satires offrent plus d'aigreur que de gaieté, plus d'acharnement que de badinage, & tombent plus sur les personnes que sur les vices. La Censure ne doit être employée que pour corriger les Hommes ; l'esprit n'y doit semer de l'agrément que pour la rendre plus saillante, & par-là plus utile. La réserve imposée à tous les talens quelconques, en proscrit ce qui peut blesser & aigrir, sans ramener aux mœurs & à la raison.

Il étoit naturel, après cela, que M. Roy s'attirât beaucoup d'ennemis. Ses Epigrammes furent repoussées par d'autres Epigrammes, qui ne le ménageoient pas plus qu'il n'avoit ménagé les autres. Ce conflit de malignité, qui dura quelque temps, a été vraisemblablement l'origine de cette licence qui regne dans les Satires, où l'on n'observe aucun égard, & dont l'atrocité tient lieu du sel & de l'agrément qui devroient aiguiser ce genre de composition.