(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 262-263
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 262-263

Scaliger, [Joseph] né à Agen en 1549, mort à Leyde en 1609 ; un de ces Erudits, dont tout le mérite consiste à réformer des dates, à commenter des Auteurs, à obscurcir des passages à force de vouloir les éclaircir, à disserter sur des mots, à savoir médiocrement plusieurs Langues, & sur-tout à dire savamment des injures.

Ses Ouvrages de Littérature ne valent pas, à beaucoup près, ceux de Jules-César Scaliger, son pere, dont nous ne parlons pas, parce qu'il appartient plutôt à l'Italie qu'à la France : celui-ci nous a laissé, entre autres, un assez bon Traité sur la Poétique. Son fils composa plus de Libelles que d'Ouvrages purement littéraires ; son style, en général, est de la derniere bassesse. Il n'est point d'infamie qu'il n'impute à ses rivaux & à ses ennemis. Les Epithetes de sot, de fat, d'ignare, de bête, de rustre, de fripon, de voleur, de scélérat, ne coutoient rien à sa plume, trempée ou dans le fiel ou dans la boue. Son amere grossiéreté s'étendoit sur les Auteurs morts comme sur les vivans. Il appeloit Origène un rêveur, S. Justin un imbécille, S. Jérôme un ignorant, S. Chrysostôme un orgueilleux, S. Basyle un superbe, S. Thomas d'Aquin un pédant, les Luthériens des barbares, & tous les Jésuites des ânes. Avec des expressions si heureuses, pouvoit-il espérer de se faire bien des partisans parmi les personnes dont les suffrages ne s'accordent qu'à la raison & à l'honnêteté ? Les Auteurs qui ont imité dans la suite un semblable langage, ne doivent-ils pas craindre le mépris de la Postérité ? Car enfin, la grossiéreté du Siecle où Scaliger écrivoit, le rend, en quelque sorte, moins odieux, & la politesse du nôtre ne peut servir qu'à rendre ses imitateurs plus condamnables.