Madeleine, Jacques (1859-1941)
[Bibliographie]
La Richesse de la Muse (1882). — L’Idylle éternelle (1884). — Livret de vers anciens (1884). — Pierrot divin (1887). — Le Conte de la Rose (1891). — Brunette, ou petits airs tendres (1892). — À l’orée (1899). — Le Sourire d’Hellas (1899). — Un jour tout de rêve (1900). — La Petite Porte feuillue (1900).
OPINIONS.
Maurice Bouchor
Il y a encore de l’incertitude chez M. Madeleine ; mais il a su être sincère et jeune, c’est un musicien raffiné, il a des trouvailles très heureuses, la distinction lui est innée. Il nous joue de vraies mélodies, au lieu d’exécuter des variations sur la cinquième corde, ce qui est aussi désagréable à l’oreille que peu profitable à l’esprit.
Maurice Barrès
M. Jacques Madeleine aura une note à lui. Son volume intéresse ; et ceux qui connaissent la collection Lemerre comprendront tout l’éloge que je mets en ce mot. L’Idylle étemelle a du charme, une des rares choses qu’on n’acquiert pas. Des pièces sont émues ; toutes sont jeunes. La jeunesse et l’émotion font les minutes les plus exquises de l’artiste.
Georges Courteline
Peu de personnes connaissent ce livre, La Richesse de la Muse, d’une réelle splendeur de langue, et que Jacques Madeleine dédaigne beaucoup trop, en son excès d’inquiétude artistique. Certes, il lui doit préférer, de beaucoup, la note émue et tendre de l’idylle éternelle, mais de là à en faire fi et à ne point la faire figurer dans ses productions (voir le Conte de la Rose, page 2), il y a un monde. Oui, on ne peut s’empêcher de penser que ce poète est un terrible homme, un peu bien dur pour lui-même et un peu bien sévère pour sa première née.
Pauvre Richesse de la Muse ; je vous ai vu naître, mignonne… et peut-être est là l’un des secrets motifs de la grosse tendresse que je vous porte. Je vous trouvais charmante, moi, et votre père vous aimait bien alors, car vous étiez le premier enfant né de lui. Mais voilà, d’autres sont venus depuis, des frères, des sœurs, toute une famille bien portante qui fait l’admiration des passants. Et comme vous n’êtes pas la plus belle, on a honte de vous, un peu ; et lorsqu’on promène les autres par la ville, joyeusement endimanchés, on vous oublie à la maison, petite Cendrillon que vous êtes… Richesse de la Muse, ma chère, fille alitée de mon pins vieil ami, on est injuste avec vous. Vous êtes une enfant de belle venue, anémique ni laide, je vous le jure. Que ne compté-je dans ma vie la gloire d’en avoir fait une qui vous ressemble !
Gustave Kahn
M. Jacques Madeleine nous donne en vers précis, trop précis, parfois jusqu’à la sécheresse, de jolies sensations de forêt. Elles sont, parfois, mieux que jolies. Dans un autre livre qu’il publie concurremment, il chante la beauté grecque avec une certitude d’érudition qui, moins stricte, serait des plus intéressantes. Dans ces deux volumes, il manque un je ne sais quoi ; le poète se garde trop, s’observe trop, il surveille son lyrisme à la façon d’un grammairien, et je suis persuadé qu’il l’émonde trop. Des deux volumes, je préfère À l’orée de beaucoup ; j’aimerais mieux que la nature y fût chantée librement, au lieu d’être ainsi sévèrement modelée ; mais en se contentant de ce qu’on y trouve, on se sent en contact avec de la poésie vraie, encore que nuancée, fond et rythme, à la façon d’un érudit, ce qui ne peut surprendre personne, étant donnée la sûre et modeste érudition dont M. Jacques Madeleine a déjà fourni maintes preuves.
Emmanuel Des Essarts
Jamais l’épithète d’exquis, que de nos jours on prodigue avec abus, ne s’est plus justement appliquée qu’à ce recueil embaumé par l’âme odorante de l’antiquité. Jamais la divine Hellade n’a été mieux comprise, mieux pénétrée, et n’a suggéré plus définitive expression de sa grâce et de sa force souveraine. Tout est accompli, parfait, ambrosien, comme la Muse antique, dans cet adorable volume.
M. Jacques Madeleine est bien un des meilleurs fils de cette Grèce maternelle, car on a rarement dédié à notre Mère auguste un temple plus pur et plus radieux que ce Parthénon de la poésie.
Pierre Quillard
Le Sourire d’Hellas : Un hymne homérique, le huitième, bref
comme une épigramme, honore Aphrodite : « … Sur son désirable visage
toujours elle sourit et elle porte la désirable fleur »
. M. Jacques Madeleine a pu, sans
téméraire vanité, inscrire au-dessous du titre les paroles grecques du poète
inconnu et entrelacer à ses strophes les textes mêmes qui les ont inspirées. Il
sied de garder la mesure quand je veux avouer quel délice fut, imprimé pour un
trop petit nombre d’élus par un artiste de Fontainebleau, À
l’orée de la forêt, ce volume exquis entre tous ; et cependant, à ne point
mentir, il faut affirmer que jamais, sauf par les compagnons de la Pléiade et
André Chénier, Hellas ne
revécut ainsi en syllabes françaises, avec son sourire et sa grâce « plus belle
encor que la beauté ». Ne cherchez point ici la farouche terreur qui émane de la
grande tuerie odysséenne, ni la tragique grandiloquence d’Eschyle, ni le rire énorme et
obscène d’Aristophane, mais la simplicité, la bonhomie presque, la sensualité
délicate, l’amour de la lumière, la clémence d’un monde heureux, la divine
eurythmie des gestes et des attitudes naturelles et nobles. Dans une invocation à
Daphné, M. Jacques
Madeleine réclame gentiment « un brin du grand laurier »….Un brin,
non, mais tout un vert rameau des arbres saints qui, dans la poudreuse Attique,
triomphent toujours près de l’Ilissos desséché ou qui s’inclinent, les soirs de
printemps, vers les femmes de Mégare dansant au crépuscule, sinueuses, aimables et
fières comme leurs aïeules du temps d’Hélène et comme les libres strophes de
M. Jacques Madeleine
en leurs savantes et souples évolutions.