(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391
/ 2317
(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

Trublet, [Nicolas-Charles-Joseph] de l’Académie Françoise & de celle de Berlin, Archidiacre & Chanoine de Saint-Malo, où il est né en 1697, & mort en 1770.

Il seroit injuste de le juger d’après les plaisanteries de M. de Voltaire, & la répétition qu’en a faite M. Palissot dans ses Mémoires littéraires. L’Abbé Trublet n’est point un de ces Littérateurs médiocres que la Satire soit en droit de décréditer. Pour connoître toute l’injustice de l’Auteur du pauvre Diable & de celui* de la Dunciade, il ne faut que lire ses Ouvrages. Les Essais de Morale & de Littérature de cet Auteur sont remplis de réflexions vraies, solides, instructives, profondes, & toujours bien exprimées ; il en est un très-grand nombre de fines & de délicates qui annoncent un bon Littérateur, un Critique habile, & un ingénieux Interprete du cœur humain. Son style est correct, pur, attachant, quoiqu’il soit parfois monotone & trop maniéré. Le plus grand défaut qu’on puisse reprocher à l’Abbé Trublet, c’est d’appuyer trop long-temps sur une même pensée, de la retourner en trop de façons différentes ; défaut qui prouve au moins l’injustice des traits lancés contre sa stérilité & son peu d’imagination.

Si la réputation des Littérateurs estimables dépendoit du caprice & du ressentiment d’un esprit satirique, aucun mérite ne seroit à l’épreuve d’une Epigramme ingénieusement tournée, & les Railleurs deviendroient eux-mêmes la victime des armes qu’ils auroient aiguisées contre leurs ennemis ; mais le vrai talent triomphe toujours de ces injustes attaques.

On a reproché à l’Abbé Trublet d’avoir parlé trop souvent de Fontenelle, & d’avoir poussé l’enthousiasme trop loin à l’égard de ses Ouvrages. Il est vrai qu’il eût dû être plus modéré ; mais il faut distinguer les égaremens du goût, de ceux des sentimens : M. de Fontenelle fut toujours son ami, après avoir été son maître. Si un excès peut être pardonnable & même glorieux, c’est celui de la reconnoissance.