(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938)

[Bibliographie]

De la métamorphose des fontaines (1895.)

OPINIONS.

Hugues Rebell

M. Raymond de La Tailhède n’a encore publié que quelques poèmes, et cependant ils révèlent une âme si noble de poète et un art si parfait, qu’on ne peut hésiter à le placer au premier rang. — Le mouvement, l’enthousiasme, l’audace sûre des tours font, de ses vers, les plus magnifiques qui soient.

[Portraits du prochain siècle ().]

J.-R. de Brousse

Raymond de la Tailhède, encore que ce ne soit là que son premier livre, est hautement connu parmi les poètes d’aujourd’hui. Une sylve du Pèlerin passionné le salue en ces termes : « Gentil esprit, l’honneur des muses bien parées… » Maurice Du Plessys lui voue un sonnet, dont ce premier vers : « La gloire t’a béni dès l’aube de tes ailes… » Ernest Raynaud, dans son récent Bocage, dit ses louanges plusieurs fois, et maint critique — Anatole France, par exemple — a écrit en son honneur.

Nous avions donc le droit d’attendre beaucoup de M. de La Tailhède. — Voici la victoire. Le livre ouvert par le principal poème qui a donné son titre au volume entier, contient, en outre, quatre odes, quatre sonnets et trois hymnes.

La première et la seconde Ode à Jean Moréas , l’Ode à Du Plessys et l’Ode à Maurras sont nobles et belles. D’une grande fierté de pensée et d’une large majesté de rythme, elles s’avancent en une triomphale et sereine démarche, comme Junon dans l’Énéide. — Le mouvement, tantôt lent, tantôt rapide, l’inspiration toujours hautement lyrique, l’éclat des images et l’adéquate beauté de l’élocution leur donnent une perfection puissante. — Si elles rappellent, pour vrai, la grandeur des odes malherbiennes, elles sont néanmoins d’une originalité absolument personnelle.

Ainsi une strophe de l’Ode à Du Plessys  :

Que fleurisse à présent le thyrse, et que la rose
Se mêle dans la coupe au vin des immortels.
Il nous est réservé d’avoir des honneurs tels,
Plessys, sur toute chose.

Les sonnets ne ressemblent à aucun de ceux écrits jusqu’à ce jour ; ni classiques, ni madrigalesques, ni romantiques, ni parnassiens, ils ont leur propre signe. Très sûrement conduits et d’un fort échafaudage, ils en voilent le labeur sous de magnifiques couleurs et sous une haute éloquence. Ils me font l’effet de ce bouclier d’Achille longuement et péniblement forgé par Vulcain, où l’œil étonné des guerriers voyait des pampres et de douces scènes bucoliques rehaussés dans l’or splendide du métal.

Quant aux hymnes, je louerai d’abord M. de La Tailhède de ce qu’il a relevé, de chez nos maîtres de la Pléiade, ce mode héroïque perdu. — Il l’a fait avec gloire. Ce que j’ai dit des odes, je le dirai mêmement pour les hymnes, n’y ajoutant que ceci : c’est qu’on sent dans ces derniers un souffle plus pindarique encore, et que les clameurs triomphales y retentissent superbement, telles dans ces vers (Hymne pour la Victoire).

[Essais de jeunes (avril ).]

Charles Maurras

Je crois qu’on sentira dans ce livre profond et clair : De la métamorphose des fontaines, les deux traits essentiels du génie de M. de La Tailhède : c’est la force lyrique, d’une part, et, d’autre part, un sentiment d’admiration et d’étonnement religieux devant le secret de la nature des choses. Le premier trait paraît, comme de juste, plus sensible dans les odes, les hymnes, les sonnets. Là, le jeune poète me semble apporter tout simplement à nos lettres ce genre de poésie qui leur manquait, au témoignage des meilleurs juges du xviie  siècle. Lorsque Boileau ou Fénelon regrettaient que nous n’eussions, ni chez Malherbe, ni même chez Ronsard, des odes pindariques avec la promptitude d’images et d’inversions, avec le mouvement et la flamme du modèle grec, ce n’était pas un Hugo ni un Lamartine qu’appelaient leurs souhaits, c’était M. Raymond de La Tailhède.

[La Revue encyclopédique (1er mai ).]

Adolphe Retté

Je garderai toujours le souvenir de la joie que je ressentis à la lecture des premiers vers de M. de La Tailhède. Il est si désespérément rare qu’on rencontre un grand poète parmi la tourbe qui s’agite sur cette grande route fangeuse : la littérature contemporaine, que, sans le connaître, je vouai à celui-ci de la reconnaissance pour m’avoir aussi splendidement évoqué la Beauté. Aussi est-ce avec un sentiment de surprise presque douloureux que j’ai assisté à l’emprise de la rhétorique sur M. de La Tailhède. Quoi ! suivre la houlette de M. Moréas, bon poète mais pasteur déplorable au surplus, prêter l’oreille aux sottes homélies de patoisants accourus de la Cannebière pour convertir Paris aux rites burlesques du Félibrige, c’est ù cela que devait aboutir un si merveilleux départ ?

[La Plume (15 mai ).]

Paul Souchon

M. Raymond de La Tailhède, sitôt après le Tombeau de Jules Tellier, changea non seulement d’inspiration, mais de cœur, pourrait-on dire. Il rencontra M. Moréas et subit, avec une faiblesse heureuse, sa tyrannie. Nul n’était moins fait que lui pour supporter la sécheresse des leçons et l’ennui de la chose enseignée. Il fut entamé tout de suite et profondément. Lui qui était tout émotion et trouvait là seulement son originalité, il s’astreignit à des sujets froids, ambitieux et ressassés, qu’il rendit sans lumière. L’apparition d’un nouveau poème marquait pour lui la perte d’une qualité. De la Métamorphose des fontaines aux Odes, aux Sonnets et aux Hymnes, qui se trouvent dans le même volume, on peut suivre l’agonie de son beau talent.

[Critique des poètes ().]

A. Van Bever

La poésie de M. Raymond de La Tailhède est froide, impassible, exprimant un art lent, aux expressions mesurées, pondérées comme les paroles d’un vieillard ; elle ne peut que nous faire regretter l’habile chanteur qu’elle nous cèle. Dans cette œuvre malheureusement parcimonieuse, de rares beautés s’imposent, parterre de fleurs qui s’inclinent à mourir et regrettent parmi les marbres d’automne une terre ensoleillée qu’elles n’ont point connue.

[Poètes d’aujourd’hui ().]