(1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106
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(1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume14

Je ne reviendrais pas sur ce volume qui a paru il y a plus d’un an, qui a été accueilli assez favorablement par la critique, qui a appris à ceux qui l’ignoraient que La Beaumelle (ce La Beaumelle tant honni de Voltaire et resté en si mauvais renom comme éditeur) avait de l’esprit, de la plume et du tour ; mais dans lequel ce qu’on avait surtout remarqué c’étaient les quatre-vingt sept lettres du grand Frédéric à Maupertuis ; — je n’y reviendrais pas aujourd’hui, un peu tard, s’il n’y avait quelque chose de nouveau et d’essentiel à en dire, et si une obligeance amicale ne m’avait mis à même d’en porter un jugement bien fondé.

La Beaumelle, qui eut le malheur d’être un de ces ennemis que Voltaire passa vingt-cinq ans de sa vie à stigmatiser, était né en 1726 dans le Languedoc, d’une famille protestante honorable. Après avoir fait ses études au collège d’Alais, il quitta la France à dix-neuf ans et se rendit à Genève pour y étudier sans doute la théologie et s’y préparer au ministère évangélique. Ses idées, s’il en eut de telles, changèrent bientôt. Il passa de là en Danemark et y fut d’abord en qualité de précepteur dans la maison d’un seigneur danois. Ses vues s’agrandissant, il voulut fonder à Copenhague une sorte d’athénée, y devint professeur de belles-lettres françaises, y créa une feuille périodique littéraire, une gazette manuscrite, et publia un volume de Pensées, dont une, légère de ton, alla blesser Voltaire. Il s’en aperçut à son passage à Berlin, en 1751 ; il y commit quelques étourderies qui donnèrent prise contre lui à ce redoutable adversaire. Frédéric fit dire à La Beaumelle qu’il n’avait pas besoin de ses services, et celui-ci dut quitter Berlin. Formey, qui l’avait vu dans ce court séjour, en parle en assez bons termes : « Sa physionomie, dit-il, était revenante ; il s’exprimait bien, et l’on ne peut pas dire qu’il ait eu le dessous dans ses écrits polémiques contre Voltaire. Il opposait à de perpétuelles injures des railleries tranchantes qui redoublaient les fureurs de son antagoniste. » C’est aussi le sentiment de La Harpe. La Beaumelle d’ailleurs eut le premier tort public. Le Siècle de Louis XIV paraissait ; il n’en sut pas reconnaître la supériorité déguisée sous l’agrément, et, pour se venger du procédé de Voltaire, il en eut un impardonnable à son égard, et que lui-même s’est reproché depuis. Il vendit à un libraire de Francfort, pour une contrefaçon du Siècle de Louis XIV, des notes qui n’y relevaient pas seulement des erreurs, mais qui s’attaquaient à l’homme même.

Je me manquai au point, disait-il plus tard dans ses lettres à Voltaire, de parler de vous avec cette hauteur qui n’est pas même permise à la supériorité. Il est vrai que ce tort était en partie justifié par votre exemple… Peut-être aussi le chagrin m’arracha quelques remarques injustes, et le Voltaire qui m’avait nui auprès du roi de Prusse, me gâta le Voltaire que je lisais. Je me dégoûtai bientôt de ce travail, non que je ne trouvasse partout des fautes ; mais je ne me trouvais pas la même humeur. Je ne passai donc point le premier volume.

Et La Harpe écrivait de La Beaumelle, vers 1774 : « Je l’ai entendu, il y a deux ans, avouer lui-même que son procédé était inexcusable, et qu’il avait eu les premiers torts avec M. de Voltaire. » — Voltaire outré répondit (1753) par son Supplément au Siècle de Louis XIV, ou réfutation des notes critiques qu’avait données La Beaumelle ; il lui prêta même et lui imputa, par une de ces confusions volontaires dont il ne se faisait pas faute, des notes qui n’étaient pas de lui, mais d’un continuateur, et la guerre à mort fut engagée.

La Beaumelle répliqua par un petit volume de lettres, qui sont, de l’aveu du même La Harpe, le meilleur ouvrage polémique qu’on ait jamais publié contre Voltaire : « Elles sont pleines d’esprit et de sel. Il n’a pas la grossière maladresse de Fréron, qui va toujours niant le talent et le génie de quiconque le méprise. La Beaumelle convient de tous les avantages de M. de Voltaire, et il attaque très malignement les faiblesses et les travers dont il n’y a point de grand homme qui ne soit susceptible, mais qui, présentés par une main ennemie, forment un tableau de ridicule. » Il ne lui conteste point que ses ouvrages ne soient d’un très bel esprit, il s’attache à y relever les traits de petit esprit. « Naître avec de l’esprit, dit-il quelque part, c’est naître avec de beaux yeux. Mais si ces beaux yeux avaient le regard du basilic ?… » Comme Voltaire l’avait dénoncé d’emblée aux puissances et signalé comme un calomniateur de Louis XIV, de Louis XV et du roi de Prusse, La Beaumelle le rappelait à l’ordre et lui faisait toucher son inconséquence : « Apprenez qu’il est inouï que le même homme ait sans cesse réclamé la liberté de la presse, et sans cesse ait tâché de la ravir à ses confrères15. » Il y a même une lettre assez éloquente, la xiiie , dans laquelle l’auteur suppose un baron allemand de ses amis, qui s’indigne de l’espèce de défi porté par Voltaire, dans son enthousiasme pour le règne de Louis XIV : « Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre, dans laquelle les lois, la justice distributive, les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds… que pendant les cinquante-cinq années que Louis XIV régna par lui-même. » La réponse est d’un homme qui a souffert dans la personne de ses pères et qui sort d’une race odieusement violentée dans sa conscience, opprimée depuis près de quatre-vingts ans16 et traquée. Par malheur pour La Beaumelle, il n’est de cette race intègre qu’à demi. Il est gâté, nous le verrons, par quelque vice d’esprit. Dès le début, il a en lui, par le ton et par la légèreté, du gazetier à la main, du folliculaire. Il a lu Crébillon fils au moins autant que Tacite qu’il prétend traduire ; je veux dire qu’il a le goût petit-maître. Il se rattache de loin, et par le moins bon côté, au genre des Lettres persanes. C’est un Montesquieu de petit journal1. Il trousse l’histoire en épigramme. Il se pique d’avoir du trait et il en a, mais il y joint de l’impertinence, c’est-à-dire des airs de supériorité (quand il écrit, car en causant on assure qu’il avait plutôt l’air modeste), et il n’est jamais à court d’assertions tranchantes sur ce qu’il ne sait pas assez.

En ce qui est du Siècle de Louis XIV, il s’est tout à fait mépris sur le mérite de ce bel et facile ouvrage, et il nous fait sourire quand, prenant un ton de maître et de régent avec Voltaire, il lui dit :

Pour remplir votre objet, il fallait offrir à votre lecteur le spectacle de l’univers depuis 1640 jusqu’en 1720, et non lui présenter l’épitome du règne de Louis XIV. Il fallait, à l’exemple de Bossuet, fondre la statue d’un seul jet, et non poser sur une base irrégulière et fragile une petite figure à pièces de rapport. Il fallait, à l’exemple de Montesquieu, considérer les révolutions qui sont arrivées dans les mœurs, dans la politique, dans la religion et dans les arts, en établir la réalité, en chercher les causes, en marquer les moments, en un mot, peindre les hommes comme vous l’aviez promis, et non peindre quelques hommes, comme vous l’avez fait. Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers…

Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant.

Je n’ai pas à écrire la vie de La Beaumelle. Ses malheurs pourraient intéresser à lui, ou du moins seraient de nature à désarmer la sévérité. Il fut mis deux fois à la Bastille pour des causes légères, et ensuite exilé dans le midi de la France, avec défense de rien publier ; il éluda cet ordre, le plus pénible peut-être pour un homme de son humeur, en mettant quelques-uns de ses écrits d’alors sous le nom de ses amis. Ayant obtenu de revenir à Paris en 1770, et employé à la Bibliothèque du roi, il allait peut-être réparer ses premiers échecs et se refaire une réputation plus solide et de meilleur aloi, quand il mourut, à l’âge de quarante-sept ans (1773).

La Beaumelle avait acheté de Racine fils, en 1750, un recueil manuscrit de lettres de Mme de Maintenon ; il les publia en 1752. Cette publication le mit en rapport avec la famille de Noailles et avec les dames de Saint-Cyr qui lui ouvrirent leurs précieuses archives, à condition qu’il n’en dirait rien, et il devint l’éditeur en titre ou à peu près, et non désavoué, quoique non autorisé, de l’ensemble des lettres de Mme de Maintenon. Qu’on lui ait demandé des suppressions, des modifications même en quelques endroits du texte, cela est possible et très probable ; mais il en fit qui sont sans excuse, et qui n’ont d’explication que dans son faux goût littéraire et son peu de scrupule pour l’entière vérité. M. Théophile Lavallée nous a édifiés récemment sur le genre d’opération que La Beaumelle fit subir aux pages qu’il publiait17.

C’est ce faux goût et cette absence de tout scrupule que nous avons de nouveau à constater et qui se vérifie trop bien dans l’ouvrage posthume de lui qu’on vient de publier. Cet ouvrage, qu’il était assez naturel que La Beaumelle eût désiré d’écrire, est la Vie de Maupertuis, une autre victime immortelle de Voltaire. La Vie proprement dite est agréablement traitée, et l’on y prend de Maupertuis une idée fort distincte. On le voit le premier Français newtonien qui ait importé au sein de l’Académie des sciences le vrai système du monde, et qui l’ait mis à la mode également dans la société. Maupertuis, jeune, ancien capitaine de cavalerie, converti à la géométrie et aux sciences, eut alors son moment d’éclat et de faveur, surtout lorsqu’au retour de son voyage dans le Nord, où il était allé vérifier par ses mesures la forme assignée à cette région de la terre par Newton, il eut incidemment tant de choses à raconter sur les Lapons et les Lapones. Il était le lion du jour ; chaque femme élégante voulait avoir son géomètre, et Maupertuis était celui de plusieurs. Helvétius racontait que c’était à Maupertuis qu’il devait de s’être fait littérateur ; car, traversant une après-midi le jardin des Tuileries, il vit le brillant académicien tellement entouré et caressé des plus jolies femmes, qu’il en conclut qu’il fallait aussi devenir célèbre pour être adoré du beau sexe. Mais cette fureur de la vogue n’eut qu’un temps, et Maupertuis, un peu gâté, ne s’accommoda pas de déchoir. On entrevoit que, sous ses envies de plaire, il devait être un peu morose, assez accessible à l’envie18. Il aimait peu à vivre avec ses égaux. Il n’avait point d’ailleurs dans le talent des ressources infinies ; il avait une variété d’aptitudes, mais il n’était fécond ni original en rien. Le recueil de ses œuvres nous donne le sentiment de cette aridité, recouverte d’une écorce assez mince. Quand on essaye aujourd’hui d’en relire quelque chose, on est désappointé. En histoire naturelle, en métaphysique, en morale, il se fatigue à découvrir quelque grand principe, et il n’y parvient pas. On y aperçoit quelques vues ingénieuses, mais gâtées par du bizarre. Il a fait un petit traité sur le bonheur, qui est le plus sec et le plus désagréable du monde ; on n’a jamais parlé du bonheur d’une manière plus maussade. Dans sa Vénus physique, qu’il a voulu faire riante, il a mêlé une pointe d’érotisme à l’observation des choses naturelles, et il a accommodé du Réaumur à l’usage de Lycoris. Avec ces défauts que j’indique à peine et avec ces limites en divers sens, Maupertuis, de son vivant et quand il était là pour payer de sa personne, n’était pas moins un homme très distingué, très propre à plus d’un emploi, et lorsque Frédéric eut conçu le projet de régénérer son Académie de Berlin, il fut l’un des premiers à qui il s’adressa, le seul même qu’il réussit complètement à s’acquérir. Maupertuis, président perpétuel de l’Académie de Berlin, a rendu de vrais services qui ont été appréciés par des juges compétents, et, en dernier lieu, par le regrettable M. Bartholméss19. Frédéric, le premier et le meilleur des juges, a constamment rendu à Maupertuis d’honorables et affectueux témoignages. Or ce sont les lettres de Frédéric à Maupertuis et les réponses de celui-ci que La Beaumelle avait en partie transcrites et préparées pour les joindre à la Vie du président académicien, et dont il nous faut dire quelque chose.

Dans l’édition aujourd’hui terminée des Œuvres de Frédéric, qui s’est publiée à Berlin sous les auspices du gouvernement et par les soins de M. Preuss, la correspondance du roi et de Maupertuis fait défaut ; on n’y trouve que sept lettres, la plupart insignifiantes : « Il est assez singulier, cependant, disait M. Preuss, que le roi n’ait pas eu avec Maupertuis de correspondance véritablement amicale, familière ou littéraire. » Les 176 lettres recueillies par La Beaumelle semblaient donc venir à point pour remplir cette lacune, et je l’ai crue assez bien comblée jusqu’au moment où l’obligeance de M. Feuillet de Conches m’a fait voir de mes yeux les originaux des lettres, des mêmes lettres non pas transcrites, mais sophistiquées par La Beaumelle, et de celles qu’il n’a pas eu le temps d’arranger.

Et dès la première lettre, nous allons juger à vue d’œil du procédé de La Beaumelle, procédé qui lui est cher et qu’il a constamment appliqué. Si ce procédé consistait seulement à corriger les fautes de français de Frédéric, les impropriétés d’expression, on le concevrait, on l’excuserait presque ; on se rappellerait que ce sont là des libertés que se sont permises presque tous les éditeurs de son temps et même du nôtre, si l’on excepte ceux des dernières années. Les lettres de nos plus grands écrivains (y compris Mme de Sévigné) n’ont pas été exemptes de ces retouches indiscrètes dont la prétention était d’effacer les négligences. Mais La Beaumelle prétend faire bien autre chose : il ne corrige pas seulement les phrases de Frédéric, il ne leur donne pas seulement (chaque fois que l’envie lui en prend) un tour plus vif, une frisure, un coup de peigne ; il y intercale du sien, il y mêle ses idées, il y fait entrer, sous le pavillon du roi, ses propres commentaires. Voyons un peu.

Frédéric appelle à lui Maupertuis et lui écrit la lettre suivante, qu’on a de sa main :

À Königsberg, ce 14 de juillet 1740.

Monsieur de Maupertuis, vous ne sauriez me prévenir, ma voix vous a appelé dès le moment que je suis arrivé à la régence, et avant même que vous m’eussiez écrit. Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage ; votre secours m’est nécessaire ; c’est à vous de savoir si l’emploi d’étendre et d’enraciner les sciences dans ces climats ne vous sera pas tout aussi glorieux que celui d’apprendre au genre humain de quelle forme était le continent qu’il cultive ? Je me flatte que la profession d’apôtre de la vérité ne vous sera pas désagréable. et que vous vous déciderez en faveur de Berlin. Attendant vos instructions et le plaisir de jouir de vos lumières, je vous assure que je suis avec bien de l’estime

Votre très affectionné,

Frédéric.

Cette lettre reproduite par La Beaumelle devient celle-ci :

À Königsberg, 14 juillet 1740.

Monsieur de Maupertuis, vous ne sauriez me prévenir, et il est juste que le besoin aille au-devant de ce qui peut le satisfaire. Ma voix et mon cœur vous ont appelé dès le moment que je suis arrivé au trône, avant même que vous m’eussiez écrit. Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage. Votre secours m’est nécessaire. C’est à vous de voir si l’emploi d’établir et d’étendre les sciences dans ce climat, ne vous sera pas aussi glorieux que d’avoir appris au genre humain de quelle figure est le continent qu’il cultive. Je me flatte que la profession d’apôtre de la vérité ne vous sera pas désagréable, et que vous vous déciderez en faveur de Berlin par amour pour elle, si ce n’est par amitié pour moi. Vous ne sauriez croire combien je désire de vous avoir, Donnez-vous à moi, je vous en prie, je vous en conjure, je vous en supplie ; il est temps que les princes rampent auprès des philosophes ; les philosophes n’ont que trop rampé auprès des souverains. Avec quel plaisir je recevrai vos instructions, et je jouirai de vos lumières !

Votre très affectionné

Frédéric.

Ce n’est là qu’une mise en train, et La Beaumelle en fera bien d’autres. Et qu’on ne dise pas qu’il a transporté dans cette lettre un fragment qui était autre part ; qu’il a arrangé, composé comme dans une marqueterie, et qu’il n’a pas inventé. Ce procédé de marqueterie serait encore détestable, mais il serait du moins d’une exactitude relative. La Beaumelle ne se donne pas tant de souci ; il ne tire ses additions que de lui-même, et les prend, comme on dit, sous son bonnet. Il n’y a dans aucune lettre de Frédéric de telles phrases que celle par laquelle l’éditeur nous le représente suppliant Maupertuis, et faisant ramper les rois devant les philosophes. Frédéric, même dans ses heures les plus littéraires, savait trop ce qu’il se devait à lui-même et à son rang pour s’exprimer ainsi.

La comparaison qu’on vient de faire de la première lettre authentique et de cette même lettre embellie, pourrait se reproduire à chacune des suivantes. La Beaumelle les a retouchées toutes, et le plus souvent transformées.

Dans une lettre du 27 octobre 1745, Frédéric loue Maupertuis, qui était à la veille de son mariage, sur l’agrément de son commerce, et le félicite sur sa philosophie dont la tolérance convient à l’humanité. Il lui semble que le stoïcisme tout pur, quand on ne le tempère point par de l’épicuréisme, est une substance trop forte qui agit comme un poison ; et il continue en ces termes :

Malheureusement pour ces espèces d’animaux qui se disent raisonnables, il semble que l’erreur soit leur partage. Peut-être n’y a-t-il que la proposition 48e d’Euclide à laquelle on puisse trouver le degré d’évidence qui convient à la vérité. Peut-être y a-t-il encore outre cela trois ou quatre vérités physiques et métaphysiques bien démontrées. Au reste, il me semble de voir des aveugles qui errent dans l’obscurité ; quelques-uns s’entre-heurtent, d’autres, en voulant s’éviter, se frappent et se font choir ; personne ne devient plus sage, et tous rient du malheur de leurs concitoyens. Si nos passions sont des espèces de magiciens, qui, par leurs prestiges, nous font trouver le bonheur, il faut avouer, d’un autre côté qu’ils nous font acheter ces charmes bien cher. Notre vie se passe moitié en désirs, moitié en regrets. La jouissance n’est qu’un éclair, et les dégoûts sont des siècles.

Mais je suis bien fol moi-même de faire un long sermon de morale à un homme à qui je devrais adresser un épithalame…

Je mets en regard ce qu’est devenu ce passage sous la plume fertile de La Beaumelle :

Malheureusement pour ces espèces d’animaux qui se disent raisonnables, il semble que l’erreur soit leur partage. Peut-être n’y a-t-il que les propositions d’Euclide à qui l’on puisse trouver le degré d’évidence qui devrait caractériser la vérité. Peut-être y a-t-il encore trois ou quatre propositions physiques ou morales bien démontrées. À cela près, nous vivons dans les ténèbres, et je dis de tout comme Montaigne : Que sais-je ? A la tête de mes doutes, je mets tous les dogmes de la religion chrétienne ; non que je regarde Jésus-Christ comme un imposteur, c’était, etc., etc, (J’abrège ici des développements incongrus qui, en cet endroit, sont tous du fait de La Beaumelle, non de Frédéric). Malgré l’ignorance qui nous environne, nous étudions, nous disputons sans cesse, et cette soif de savoir n’est jamais assouvie ; il me semble, en lisant les philosophes et les théologiens, voir des aveugles qui errent dans l’obscurité, qui s’entre-heurtent, qui, en voulant s’éviter, se font choir, qui embrassent l’ombre pour le corps, et qui se servent quelquefois, pour s’assommer, du bâton qui leur a été donné pour se conduire, Un petit nombre, tel que vous, Euler et Clairaut, élevés dans une plus haute région, rient de leurs folies et de leurs méprises, Qu’est-ce qui produit tant de faux jugements ? C’est que nous ne pouvons obtenir de nous-mêmes de ne décider qu’après avoir bien tâté et retâté l’objet. Notre aveuglement est encore augmenté par nos passions. Ces passions sont des espèces de magiciennes qui, par leur prestige, nous font trouver le bonheur, mais ne nous découvrent pas la vérité. Si elles nous donnent quelques plaisirs, elles nous les font payer bien cher. Notre vie se passe moitié en désirs, moitié en regrets. La jouissance n’est qu’un éclair, et les dégoûts sont des siècles.

Mais je n’y pense pas de copier un chapitre de Marc Aurèle à un homme à qui je devrais adresser un épithalame…

Je me figure La Beaumelle dans son cabinet : il a devant lui les lettres de Frédéric, il les copie, mais copier est un métier bien plat pour un homme d’esprit. Je crois l’entendre : « Si je lui mettais ici un peu de Montaigne, ça ne ferait pas mal. » Nous l’avons vu qui vient d’en mettre. Ailleurs ce sera un peu d’Ovide (p. 302). Le roi écrit-il quelque part : « Dans la métaphysique il y a beaucoup de labyrinthes, et où je crois en physicien avec un Maupertuis, j’ose douter dans la métaphysique avec un Locke. » — « Ce n’est pas assez », se dit La Beaumelle, et après avoir remanié quelque peu la phrase qu’on vient de lire, il y ajoute de son chef et sous le couvert de Frédéric (p. 268) : « Ce Locke n’est pourtant pas encore assez sceptique pour moi. » — « Bah ! on peut bien lui prêter cela, a-t-il dû se dire ; on ne prête qu’aux riches. Un peu plus de scepticisme ne fera pas mal, surtout de ce côté-ci du Rhin. » Partout il lui prête des maximes, des bouts de tirade et des sorties, des explications de sa conduite : « Ce qu’il y a de singulier, lui fait-il dire (p. 272), c’est que mon penchant à l’indécision n’influe ni sur ma conduite soit militaire, soit politique, ni sur mon caractère. Je suis aussi hasardeux qu’un autre dans un projet de bataille… » Et tout ce qui suit ; il n’y en a pas un mot chez Frédéric. « Mais nos Parisiens aimeront cela », se dit La Beaumelle. Il calcule ses additions et en fait des conseils à l’usage des autres rois : « Les souverains (p. 286) ne doivent pas seulement des regards aux sciences, ils leur doivent du respect et de l’amour. Quand un prince traiterait avec indolence toutes les affaires de son empire, il devrait toujours traiter avec soin celles qui ont rapport à l’éducation publique. Un peuple bien élevé est facile à gouverner. » Pure invention ; pas un mot de cela chez Frédéric. — Un billet du roi, de quelques lignes, lui fournit prétexte à deux pages de réflexions (p. 365-366) sur les autres rois qui perdent leur temps de mille manières, tandis que Frédéric le perd à rimer : « Je leur pardonne de donner à la chasse, à la bonne chère, au jeu, à la représentation, plus d’heures que je n’en donne à mes amusements littéraires. Chacun a sa passion dans ce monde… » Pure invention. — J’en pourrais citer trente de même force. — D’autres fois, ce sont des anecdotes, des à-propos d’érudition. Frédéric envoie une comédie de sa façon à Maupertuis, en l’accompagnant d’une lettre dans laquelle il en fait bon marché. La Beaumelle se souvient qu’Auguste a fait une tragédie d’Ajax, et vite il fait dire à Frédéric : « J’ai lu qu’Auguste (p. 397) avait fait quelques poèmes dramatiques, entre autres un Ajax. Il les mit au feu, etc. » Frédéric n’avait rien lu et n’a rien dit de ces choses. — D’autres fois, et perpétuellement, ce sont de simples gentillesses et des ragoûts de style par où La Beaumelle relève la matière. Frédéric invite Maupertuis à venir à Potsdam, où il lui fait préparer un appartement : « J’espère, lui fait dire La Beaumelle (p. 289), que dans huit jours tout sera fait et distribué de façon que je pourrai recevoir convenablement mon ami dans ma gentilhommière, et mettre mon philosophe à l’abri de toute incommodité. » Il n’y a ni ma gentilhommière ni mon ami, ni mon philosophe dans la vraie lettre, amicale mais non coquette, de Frédéric : « Mais cela fera bien », se dit toujours La Beaumelle. — Maupertuis a une grande douleur, il vient de perdre son père. Frédéric lui conseille les eaux du Léthé, ce bienfait du temps. « Fi donc ! dit La Beaumelle, ces eaux du Léthé sont un peu fades » ; et il ajoute en copiant (p. 312) : « Les eaux du Léthé, c’est-à-dire de bonnes rasades de vin de Hongrie, doivent endormir des chagrins, etc. » Ce vin de Hongrie, à cet endroit, est de son cru.

La Beaumelle a reproché quelque part à Voltaire une réponse que celui-ci aurait faite au père de lord Bolingbrocke :

Lorsque le lord Saint-Jean, père du vicomte de Bolingbrocke, vous dit au sujet d’un fait tronqué et embelli de l’Histoire de Charles XII : « Convenez que les choses ne se passèrent pas ainsi » ; vous lui répondîtes : « Et vous, milord20, convenez que cela est bien mieux comme je le rapporte. » Milord sourit, vous regarda beaucoup et ne répliqua rien.

Pour nous, si La Beaumelle nous faisait la même réponse au sujet de quelques-unes de ces lettres arrangées de Frédéric, nous ne souririons pas, et nous continuerions de nous récrier comme nous le faisons.

Il y a des fautes d’inadvertance, quelques bévues dans ces additions ; il y a des fautes de goût. Le style de Frédéric, avec ses incorrections et ses longueurs, est plus simple, plus digne et d’une langue plus saine.. Toutefois il y a aussi, par endroits, bien de l’esprit dans l’altération, et les plus avisés, s’ils n’étaient prévenus, pourraient s’y laisser prendre, et dire à quelques passages : « Voyez comme ce Frédéric pense noblement, royalement ! » et la pensée admirée serait non de Frédéric, mais de La Beaumelle. Ainsi, lorsque Maupertuis perdit son père et fit à cette occasion un voyage à Saint-Malo, le roi lui écrivit plusieurs lettres dont l’une a fourni à La Beaumelle le motif d’une de ses meilleures amplifications. Frédéric écrivait :

À Berlin, ce 25 de juillet 1746.

Je crains que cette lettre ne vous trouve dans le grand accablement de la douleur ; je vous prie de vous souvenir de ce que je vous ai dit à Potsdam, et songez que votre père, qui est mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, n’a jamais cru être immortel. Je vous prie d’arranger bien vite vos affaires, car vous me manquez beaucoup ici ; de plus, l’endroit qui vous rappelle sans cesse l’objet de votre tristesse, l’augmenterait, et le séjour de Berlin l’effacera. N’oubliez point, si vous le pouvez, d’amener quelqu’un d’aimable avec vous ; si vous pouviez trouver quatre bons acteurs, deux hommes et deux femmes, ce serait une acquisition fort utile pour notre théâtre, qui est, en vérité, dans la misère de bons sujets. J’ai mis les fers au feu pour placer Pérard ici à Berlin. Je pars demain pour la Silésie, d’où je serai de retour le 10 du mois prochain. Adieu, je souhaite de tout mon cœur que votre chagrin n’altère point votre santé et que vous nous rejoigniez bientôt.

Frédéric.

Et sous la plume de La Beaumelle, cette lettre devenait ce qu’on va lire :

À Berlin, ce 28 juillet 1746.

Je crains que cette lettre ne vous trouve dans le grand accablement de la douleur. Je sais qu’en ce moment-là le plus éloquent consolateur n’est qu’un importun. Cependant je vous prie de songer à ce que je vous ai dit à Potsdam. Votre père est mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Vous l’avez vu rassasié de jours, il vous a vu couvert de gloire. Il me semble qu’il doit avoir quitté ce monde avec moins de regrets, et que cette idée doit entrer pour beaucoup dans ce corps de raisons consolatoires que votre philosophie doit vous fournir. Je vous prie de mettre promptement ordre à vos affaires, car vous me manquez beaucoup ici. De plus, le lieu qui vous rappelle sans cesse l’objet de votre affliction n’est pas propre à l’affaiblir, et le séjour de Berlin l’effacera. Il faut opposer à la douleur l’occupation et le plaisir. Vous trouverez ici l’un et l’autre. N’oubliez pas, si vous le pouvez, d’amener quelqu’un d’aimable avec vous. Si vous pouviez trouver quatre bons acteurs, deux hommes et deux femmes, ce serait une acquisition fort utile pour notre théâtre, qui est, en vérité, dans une grande indigence de bons sujets. J’ai mis les fers au feu pour placer Pérard à Berlin. Je connaissais son mérite, mais votre suffrage a bien augmenté mon estime. Je pars demain pour aller faire ma cour à ma charmante maîtresse, la Silésie. Je serai de retour le 10 du mois prochain. Adieu, je souhaite de tout mon cœur que votre chagrin n’altère point votre santé et que vous nous rejoigniez bientôt. Vous avez eu un bon père, c’est un bonheur que n’ont pas eu tous vos amis. C’est une raison pour pleurer, mais rien ne vous justifierait si vous vous laissiez abattre.

Frédéric.

Allons ! le rhéteur ici a fait merveille et s’est surpassé. Il y a même à la fin une pensée fort délicate : « Vous avez eu un bon père, c’est un bonheur que n’ont pas eu tous vos amis. » Ce retour, à peine indiqué, de Frédéric sur son père si cruel pour lui, cette allusion, s’il l’avait faite réellement, serait touchante ; mais, dans le vrai, Frédéric était trop roi pour laisser voir à personne qu’il se plaignait de son père, et surtout pour l’écrire. Il faut donc renoncer à cette pensée comme à toutes les autres ; elle n’est qu’un enjolivement.

Nous avons la clef du procédé : La Beaumelle ne considère les lettres du roi que comme un canevas sur lequel il brode ses variations. Il y a eu dans l’Antiquité tout un ordre de grammairiens et de rhéteurs qui ont fabriqué des lettres de rois et de grands hommes, et quelquefois c’était à s’y méprendre. On a assez entendu parler des fameuses lettres de Phalaris que le chevalier Temple avait crues en effet authentiques et de l’ancien tyran d’Agrigente. Il a couru (et je crois qu’elles se sont conservées) de prétendues lettres de Thémistocle censées écrites pendant son exil. Il n’est pas entièrement prouvé pour tout le monde que les Lettres de Brutus et de Cicéron ne soient pas d’un habile auteur de pastiches. On a bien fait de nos jours du Napoléon à s’y méprendre, au moins pendant quelques semaines. Eh bien ! La Beaumelle a un peu de ce génie (un triste génie) de fabrication et de simulation. Il ne croit pas mal faire en s’y livrant, il croit faire mieux que son auteur ; il le flatte, il lui rend service : comment ne l’en remercierait-on pas ? La Beaumelle, en arrangeant et sophistiquant au courant de la plume les textes qu’il édite, suit sa vocation comme le menteur de Corneille, en ne disant pas un mot de vérité.

Mais qu’un de ses biographes, l’estimable M. Michel Nicolas ne vienne pas nous dire : « Ses ouvrages, même ceux de sa jeunesse, annoncent un observateur judicieux, souvent un penseur profond, toujours un écrivain guidé par le seul amour de la vérité. » Il est impossible, quand on arrange la vérité d’autrui de la sorte et qu’elle se fausse, pour ainsi dire, d’elle-même sous la plume, qu’on en ait grand souci dans aucun de ses propres ouvrages.

Ce ne sont point là des supercheries innocentes, et l’on ne saurait y voir de simples jeux de l’esprit. L’histoire est chose sacrée. Quoi ! vous me transcrivez des lettres d’un homme historique, d’un grand roi, d’un héros, et vous y mêlez de vos tours et de vos pensées, sans me le dire ! je crois étudier Frédéric, je me livre à le critiquer ou à l’approuver, je m’appuie au besoin de son autorité et de sa parole, et je suis dupe, je suis mystifié, je n’ai en main que du La Beaumelle, de la fausse monnaie à effigie de roi ! et tout bas vous riez à l’avance de mon mécompte, du piège où je vais tomber. Et ce piège, voyez combien vous étiez imprudent et coupable de le tendre : vous y avez fait tomber tout le premier un homme de votre sang et de votre nom, l’historiographe estimable, qui, en publiant votre ouvrage posthume et ce que vous y aviez préparé de pièces à l’appui, a cru vous rendre service, venger votre mémoire, réhabiliter votre caractère ; et il n’aura aidé, bien involontairement et de la meilleure foi du monde, qu’à confirmer en définitive l’opinion sévère qu’on avait conçue de vous, et à prouver à tous que vous étiez incurable dans votre procédé d’homme d’esprit foncièrement léger et sans scrupule. De même qu’on dit un Varillas, pour exprimer d’un mot l’historien décrié à qui l’on ne peut se fier, de même on continuera plus que jamais de dire un La Beaumelle pour exprimer l’éditeur infidèle par excellence.

Je ne crains donc pas de répéter bien haut ce que je lis dans une note écrite par M. Feuillet de Conches, après collation exacte : La correspondance réelle de Frédéric et de Maupertuis reste tout entière à publier.

Cette correspondance, telle que je viens de la lire et de l’examiner à sa vraie source, me paraît une des branches les plus précieuses de la correspondance du roi de Prusse, et de celles qui le font le mieux connaître dans l’intimité de sa nature. A l’instant de la grande querelle de 1753, on y voit Frédéric entre Maupertuis et Voltaire, les jugeant tous deux, mais, dans sa juste balance, n’hésitant pas et se prononçant du côté où il peut y avoir quelques travers et même des ridicules, mais où il reconnaissait de la probité. Ses conseils à ce pauvre Maupertuis, malade alors de la poitrine, plus malade encore de la Diatribe du docteur Akakia, sont pleins de bon sens pratique, de sagesse ; il voudrait le tranquilliser, l’amener à mépriser les attaques comme il les méprisait lui-même ; il le lui redit sur tous les tons :

(8 mars 1753). Voltaire vous traite plus doucement que ne me traitent les gazetiers de Cologne et de Lubeck, et cependant je ne m’en embarrasse aucunement. Croyez-moi, mon cher Maupertuis, ne vous livrez pas à toute votre sensibilité ; les satires et les médisances sont comme l’ivraie qui croît dans tous les champs, il y en aura toujours dans le monde. Un satirique qui nous approche peut nous éclabousser, mais blesser, non. Adieu, portez-vous bien et guérissez-vous. Deux gouttes de sang que vous crachez sont plus dangereuses que tous les libelles que les méchants peuvent faire contre vous.

Et encore dans une lettre du 15 septembre, en lui répétant de ne point s’affecter, et en lui représentant que, lui roi, il n’est pas plus épargné qu’un autre par Voltaire :

C’est le sort des personnes publiques de servir de plastron à la calomnie ; c’est contre elles que la malignité des hommes exerce ses traits. J’ai voulu arrêter un cheval fougueux qui blessait tout le monde dans sa course, je ne suis pas étonné d’avoir essuyé en chemin quelques éclaboussures. Consolons-nous ensemble, mon cher président, et souvenez-vous de ce mot de Marc Aurèle, qui devrait être gravé en lettres d’or sur la porte de tous les philosophes : « C’est contre ceux qui t’offensent et contre les méchants que tu dois exercer ta clémence, et non pas contre les honnêtes gens qui ne t’outragent pas. » Adieu, mon cher ; quand Marc Aurèle a parlé, il me convient de me taire. Je fais mille vœux pour votre reconvalescence. »

Mais Frédéric en parlait à son aise : il avait pour lui sa gloire, ses actions, son monument de roi : Voltaire pouvait en salir un peu la base et en tacher quelques bas-reliefs, non l’ébranler. Maupertuis, au contraire, sentait bien en lui-même qu’il n’était pas un grand homme, qu’il n’avait point de monument qui subsisterait après lui, qui maintiendrait son renom auprès de la postérité, et il ne se consolait pas d’être si cruellement atteint dans cette considération viagère à laquelle il avait trop sacrifié les œuvres illustres et patientes, ce qui dure et ce qui se voit de loin dans l’avenir.