(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

Bataille, Henry (1872-1922)

[Bibliographie]

La Belle au bois dormant, féerie lyrique en trois actes, en collaboration avec Robert d’Humières (1894). — La Chambre blanche, avec une préface de Marcel Schwob (1896). — Ton sang, tragédie contemporaine précédée de la Lépreuse, tragédie légendaire (1898). — L’Enchantement, comédie en quatre actes, en prose (1900).

OPINIONS.

Rachilde

La féerie de MM. Bataille et d’Humières représente la pièce mondaine par excellence ; c’est travaillé par un peintre de salon et un officier de cavalerie, c’est du pathos convenable, policé, élégant, très étoffe de chez Liberty ; il y a des vers pâles et des phrases pour tous les goûts snobs. J’ai rencontré la phrase triste et sans raison de Maeterlinck, moins sa profondeur d’eau verte ; le trait à l’Oscar Wilde, moins l’esprit ; la naïveté de Dujardin, moins sa fraîcheur ; la joaillerie de Jean Lorrain, mais bien plus fausse ; les subtilités de Catulle Mendès, mais moins subtiles ; jusqu’à des aphorismes de Victor Hugo, furieusement posthumes, par exemple ! Et chaque fois que l’on se demandait : « Qui sont donc MM. Bataille et d’Humières ? » on vous répliquait péremptoirement : « L’un est un bon peintre et l’autre monte à cheval ! » Allons, tant mieux !

L’école Trarieux fils me semble fondée. Dans cette pépinière, on connaît la formule dite décadente, cette fumisterie inventée par Tailhade et perfectionnée par M. de Montesquiou ; on se sert sans aucune vergogne du néant aromal, de la lampe des rêves que l’on accroche à l’urne des désespoirs (à moins que ce soit le contraire !) ; l’on abuse avec une candeur égale des abîmes insondables de Richebourg et du vague à l’âme de Bourget… À la répétition générale, on a hué, à la représentation, on a dormi… Impossible de lutter contre l’ennui, le mortel ennui.

[Mercure de France (juillet ).]

Marcel Schwob

Voici (La Chambre blanche) un petit livre tout blanc, tout tremblant, tout balbutiant. Il a l’odeur assoupie des chambres paisibles où l’on se souvient d’avoir joué, enfant, pendant les longs après-midis d’été. Toutes les petites filles y sont coloriées comme dans les livres d’images, et elles ont des noms semblables à des sanglots puérils. Toutes les petites maisons y sont de vieilles petites maisons de village, où de bonnes lampes brûlent la nuit ; et toutes leurs petites chambres sont des cellules de souvenir que traversent des poupées lasses, souriantes et fanées ; et on y entend le crépitement de la pluie sur le toit ; et au-dessus des croisillons des fenêtres, on voit fuir les canards gris ; et le matin, au cri du coq, on est saisi par l’haleine des roses. Doux petit livre qui s’attarde ! Ses paroles sont murmurées ou minaudées, ses phrases emmaillotées par d’anciennes mains tendres de nourrices, ses poèmes étendus dans des lits frais et bordés où ils sommeillent à demi, rêvant de pastilles, de princesses, de nattes blondes et de tartines au miel.

[Préface à la Chambre blanche ().]

Georges Eekhoud

Chez M. Bataille, il y a surtout la sensibilité des petits bonheurs et des joies puériles de la lointaine enfance. Ses vers caressent comme des berceuses de nourrices, des ronronnements de rouets, des romances de bouilloire et des cricris de grillon, durant les veillées d’hiver. Ce sont les impressions, que l’enfant garde, d’une heure vague pendant laquelle il n’était ni endormi, ni éveillé, cette heure au bout de laquelle sa mère l’emportait pour le mettre dans son petit lit. La Chambre blanche fait songer aussi au Kinderscenen de Schumann.

[Le Coq rouge (janvier ).]

Jean Viollis

Henry Bataille a réuni la Lépreuse et Ton sang. Je n’ai jamais lu (sauf peut-être Daniel Valgraivele Lys rougel’Archeles Antibel…) de livre aussi frissonnant, aussi pénétrant, ni qui nous donne un contact plus direct avec la réalité de la vie. On n’a pas assez dit que Ton sang est un admirable chef-d’œuvre.

[L’Effort (mars ).]

Remy de Gourmont

Il y a, dans ce livre de l’enfance (La Chambre blanche), toute une philosophie de la vie : un regret mélancolique du passé, une peur fière de l’avenir. Les poèmes plus récents de M. Bataille ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir… La Lépreuse est bien le développement naturel d’un chant populaire ; tout ce qui est contenu dans le thème apparaît à son tour, sans illogisme, sans effort. Cela a l’air d’être né ainsi, tout fait, un soir, sur des lèvres, près du cimetière et de l’église d’un village de Bretagne, parmi l’odeur âcre des ajoncs écrasés, au son des cloches tristes, sous les yeux surpris des filles aux coiffes blanches. Tout le long de la tragédie, l’idée est portée par le rythme comme selon une danse où les coups de sabots font des poses douloureuses. Il y a du génie là-dedans. Le troisième acte devient admirable, lorsque, connaissant son mal et son sort, le lépreux attend dans la maison de son père le cortège funèbre qui va le conduire à la maison des morts, et l’impression finale est qu’on vient de jouir d’une œuvre entièrement originale et d’une parfaite harmonie. Le vers employé là est très simple, très souple, inégal d’étendue et merveilleusement rythmé : c’est le vers libre dans toute sa liberté familière et lyrique…

[Mercure de France (mars ).]

Maurice Beaubourg

Cette pièce (L’Enchantement), d’Henry Bataille, l’auteur de la Belle au bois dormant , de Ton sang et de la Lépreuse, est, à mon avis, la plus belle et la plus forte qu’il ait écrite. Des parties en sont parfaites, entre autres le deuxième acte tout à fait exquis, même le troisième s’il était, — affaire de pure impression personnelle d’ailleurs ! — réglé et joué différemment.

Dans le premier et le quatrième se retrouvent la plupart des qualités d’Henry Bataille : véritable instinct du théâtre, aisance du dialogue, style à la fois serré et fin, d’une désinvolture aiguë et charmante, mots spirituels et profonds d’auteur dramatique, comme le : « Enfin, un homme ! ».

[La Plume (juin ).]

Paul Léautaud

M. Marcel Schwob, dans sa préface, marque aussi que le petit livre de M. Henry Bataille n’a pas été influencé par celui de M. Francis Jammes, ce que prouvent les dates des poèmes contenus dans la Chambre blanche. Et cette remarque n’est point négligeable. Car M. Henry Bataille montre une âme très proche de celle de M. Francis Jammes, comme « poète des choses inanimées et des bêtes muettes ». Ainsi que le dit M. Marcel Schwob, « ce sont deux âmes sœurs, pareillement sensibles, et qui tressaillent aux mêmes attouchements ».

[Poètes d’aujourd’hui ().]