(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 544-547
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 544-547

POSTEL, [Guillaume] né à Baranton dans la Basse-Normandie, mort à Paris, âgé de 107 ans, en 1581, & non en 1582, comme l’ont assuré plusieurs Auteurs.

La mémoire prodigieuse de Postel, son érudition sans bornes, & ses aventures, sont à présent les seuls débris de sa célébrité. Il est cependant un des Auteurs de son Siecle qui ont le plus contribué à étendre le goût des Lettres. François I, la Reine de Navarre, les Cardinaux de Tournon, de Lorraine & d’Armagnac, le regardoient comme un prodige, & les prodiges devoient être moins rares dans un temps où l’ignorance disposoit naturellement à l’admiration.

Postel se vantoit de pouvoir faire le tour du Monde sans avoir besoin d’Interprete : une pareille jactance ne peut qu’annoncer beaucoup de présomption : ses Contemporains eurent la bonté de le croire sur sa parole. L’affluence étoit si grande quand il donnoit des leçons, qu’il étoit obligé de rassembler ses Auditeurs dans une cour, & de leur parler d’une fenêtre, les Salles du Collége n’étant pas capables de contenir tout ce monde.

Le plus estimé de ses Ouvrages est celui qui a pour titre, de orbis terra concordia. Le but qu’il s’y propose est de ramener tous les Peuples de l’Univers à la Religion Chrétienne ; idée grande, mais aussi chimérique que les projets du bon Abbé de St. Pierre. Cet Ouvrage devoit au moins garantir Postel de l’accusation d’être l’Auteur du Livre de tribus Impostoribus, qui n’a jamais existé, comme l’a très-bien prouvé M. de la Monnoie. La honte de réaliser son existence, étoit réservée à notre Siecle. Cet Ouvrage a soulevé quiconque n’a pas perdu toute étincelle de raison & d’humanité ; on y combat jusqu’à l’existence de l’Etre suprême. La Philosophie elle-même s’est élevée contre, mais à sa maniere. M. de Voltaire, qui a adressé une Epître à l’Auteur de cette infame Production, pour lui reprocher ses excès, auroit dû se garantir lui-même de ceux dans lesquels il est tombé, & que ces beaux Vers, sur la nécessité d’un Dieu, ne sont pas capables de lui faire pardonner.

C’est le sacré lien de la Société,
Le premier fondement de la sainte équité,
Le frein du scélérat, l’espérance du juste.
Si les Cieux, dépouillés de son empreinte auguste,
Pouvoient cesser jamais de le manifester ;
Si Dieu n’existoit pas, il faudroit l’inventer.
Que les Sages l’annoncent, & que les Rois le craignent ;
Rois, si vous m’opprimez, si vos grandeurs dédaignent
Les pleurs de l’innocent que vous faites couler,
Mon vengeur est au Ciel, apprenez à trembler.

Et véritablement, « un des plus grands avantages, un des plus touchans attributs de la Religion, comme le dit M.Linguet, ce sont les consolations qu’elle presente à tous les Fideles, & contre les dégoûts de l’opulence, & contre les horreurs de la pauvreté, contre les fureurs des persécutions, & contre les angoisses même de la mort. Il le faut avouer, la plus sublime Philosophie est bien loin d’offrir à l’homme un pareil secours. En le courbant sous le sceptre de fer de la nécessité, en promettant au trépas son être tout entier, l’incrédulité laisse le Raisonneur en proie au désespoir le plus affreux. Plus ce Raisonneur sera juste, honnête, vertueux, plus il aura à gémir de l’impunité des crimes qui l’environnent, des méchans qui l’accablent, des iniquités dont il sera la victime. Mais la Foi soutient, au contraire, le courage des hommes pénétrés de ces vérités célestes. Elle les ranime, & s’ils sont éprouvés dans cette vie par les afflictions qui l’empoisonnent, rien n’altere du moins leur espérance, qui est, selon l’expression des Livres saints, pleine d’immortalité : Spes eorum immortalitatis plena ».