(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 362-361
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 362-361

Gacon, [François] Prieur de Baillon, né à Lyon en 1666, mort en 1755, Versificateur satirique, qu’on surnomma le Poëte Sans fard, & qui auroit eu besoin d’en employer pour relever la platitude de ses Satires. Ce genre de composition est inexcusable, quand la bile & la grossiéreté y regnent ; & l’on se rend justement odieux, quand, en disant du mal des autres, on fournit, par la maniere, des armes légitimes contre soi.

On peut à Despréaux pardonner la Satire ;
Il joignit l’art de plaire, au malheur de médire.
Le miel que cette abeille avoit tiré des fleurs,
Pouvoit de sa piqûre adoucir les douleurs*.

Pour Gacon & tous ses Imitateurs, ils ne doivent attendre que l’indignation, ou, pour mieux dire, le mépris public. Ses Discours satiriques sur toutes sortes de sujets, ne sont effectivement qu’un Recueil de platitudes rimées, dont la pensée & l’expression offrent un objet de dégoût continuel au Lecteur. Son Homere vengé est un Ouvrage pitoyable, où il n’y a que des injures. Il y fait un reproche à la Mothe Houdart d’être aveugle, ce qui est une atrocité. Plus d’un Philosophe a souvent reproché à ses Adversaires leur naissance, leur état, leur peu de fortune. La richesse, l’opulence, la noblesse, le crédit, seroient-ils donc des titres pour avoir raison en littérature ? Et la justesse & la vérité des idées doivent-elles plier sous des semblables autorités ? La Critique a ses bornes. Tout ce qui ne contribue pas à prouver la bonté d’une cause, la décrédite nécessairement. L’Homere vengé donna lieu à cette Epigramme :

En vain des siecles triomphant,
De l’Univers entier Homere eut le suffrage ;
Le plus honteux revers l’attendoit dans notre âge :
Houdart l’attaque, & Gacon le défend.

Gacon a fait aussi un Anti-Rousseau, qui renchérit encore sur la turpitude de ses autres Ouvrages. Les injustices, les calomnies, les imputations y forment un tissu d’abominations qui révolte. La honte d’avoir marché sur les traces de Gacon, est bien propre à humilier ceux qui, depuis lui, ont attaqué notre Horace François. Autant il est humiliant pour ses Adversaires de se trouver en mauvaise compagnie, autant il est glorieux pour lui de n’avoir eu que des Adversaires qu’on peut justement mépriser.