(1763) Salon de 1763 « Peintures — Baudouin » p. 233
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(1763) Salon de 1763 « Peintures — Baudouin » p. 233

Baudouin

Il y a dans son morceau du Prêtre catéchisant de jeunes filles, qui n’est du reste qu’un papier d’éventail, quelques physionomies d’esprit. Ces lettres d’amour données et rendues, et autres pareils incidents ne sont pas mal imaginés.

Parmi ses autres ouvrages en miniature, il y a une Phryné accusée d’impiété devant les aréopagites. C’est un très beau sujet traité d’une manière faible et commune, et malgré cela, je jure que l’ouvrage n’est pas tout de lui. Monsieur Boucher, vous n’en conviendrez pas, mais de temps en temps vous avez arraché le pinceau de la main de votre pauvre gendre. Quoi, là, et là encore, ce n’est pas votre touche ? Allons, vous rougissez ; n’en parlons plus. Il y a quelques têtes de juges qui ne sont pas mal. L’ordonnance pèche, ce me semble, en ce que l’effet demandait que l’accusée et l’orateur fussent isolés du reste. L’orateur n’est pas mauvais ; mais qu’il est loin de la grandeur, de l’enthousiasme, de la chaleur et de tout le caractère d’un Périclès ou d’un Démosthene qui eût parlé pour sa maîtresse ! Le caractère de la Phryné est faux et petit. Elle craint, elle a honte, elle tremble, elle a peur. Celle qui ose braver les dieux, ne doit pas craindre de mourir. Je l’aurais faite grande, droite, intrépide, telle à peu près que Tacite nous montre la femme d’un général gaulois passant avec noblesse, fièrement et les yeux baissés entre les files des soldats romains. On l’aurait vue de la tête aux pieds. Lorsque l’orateur eût écarté le voile qui couvrait sa tête, on aurait vu ses belles épaules, ses beaux bras, sa belle gorge, et par son attitude je l’aurais fait concourir à l’action de l’orateur au moment où il disait aux juges : Vous qui êtes assis comme les vengeurs des dieux offensés, voyez cette femme qu’ils se sont complu à former, et, si vous l’osez, détruisez leur plus bel ouvrage.

Le visage de sa Phryné a le ton léché, faible et pointillé de ses miniatures ; ce qui prouve qu’il a fait ses miniatures.