(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 208-209
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 208-209

DUFRESNOY, [Charles-Alphonse] né à Paris en 1611.

Il a réussi dans les deux Arts qui exigent le plus de talens naturels, pour être cultivés avec succès. Il fut Peintre & Poëte ; mais son Poëme de Arte Graphicâ est moins estimé que ses tableaux, qui, dit-on, approchent de ceux du Titien par le coloris, & de ceux de Carrache par le dessin. Quant à sa touche poétique, elle ne ressemble en rien à celle des grands Poëtes. Nous pouvons assurer qu’elle est très-éloignée de l’élégance de Virgile & de la facilité d’Horace. Elle est souvent vigoureuse, mais presque toujours seche & dure. Les vers de son Poëme sont hérissés de termes techniques qui en rendent la lecture pénible. Les préceptes qu’il contient sont trop détaillés, trop accumulés. L’Auteur auroit dû les entremêler de plus d’images, multiplier, plus qu’il n’a fait, les leçons générales, y placer avec choix des beautés accessoires ; par-là il auroit rendu son Ouvrage aussi agréable qu’il est utile. Il semble, au contraire, qu’il n’ait voulu écrire que pour les Artistes, sans s’embarrasser des Amateurs ; ce qui n’est pas un moyen d’intéresser le grand nombre. Puisqu’il a écrit en vers, n’eût-il pas mieux fait de joindre l’agréable à l’utile ? La Poésie ne vit que de fictions, d’images, d’ornemens ; & la peinture, qui est une espece de Poésie en son genre, n’offre-t-elle pas à l’imagination mille traits capables d’embellir un Poëme ? Mais seroit-il vrai, comme l’a voulu faire entendre M. Clément, que l’Art de peindre ne puisse jamais faire le sujet d’un bon Poëme didactique ? Nous n’avons garde de le penser, comme on peut le voir dans l’article Louis Racine, où nous tâchons de prouver le contraire.

Au reste, le Poëme de Dufresnoy nous paroît estimable, malgré tous les défauts que nous y avons remarqués. Les préceptes en sont toujours judicieux, toujours fondés sur la nature ; ils sont le fruit de trente ans d’expérience dans l’Art qui en est l’objet. Le style, quoique peu élégant, est assez correct, & a un caractere marqué & toujours soutenu.