JAUCOURT, [Louis, Chevalier de] de la Société Royale de Londres, des Académies de Berlin, Stockholm, Bordeaux, &c. né en 17..
Il est rare de trouver dans les personnes de sa naissance, autant d’amour pour le travail & de zele pour les Lettres. Cet Ecrivain laborieux, après avoir donné beaucoup d’Ouvrages Latins & François sur la Médecine, [dont il ne nous appartient pas de juger le mérite] s’est livré tout entier à l’Encyclopédie. On peut dire que les deux tiers de cette immense Compilation ont été fournis par lui seul. Ce n’est pas qu’il ait tiré tout de son propre fonds : la vie d’un homme ne suffiroit pas pour produire une si grande abondance d’idées & de préceptes sur tant de matieres différentes : mais on doit lui savoir gré d’avoir soutenu si courageusement la fatigue & le dégoût des recherches, & d’avoir présenté les pensées d’autrui sous un jour qui les rend plus sensibles & plus intéressantes que dans les originaux.
M. de Jaucourt eût encore ajouté à sa gloire, en se rendant plus severe dans le choix des matériaux, & en indiquant les sources où il les a puisés. Cette remarque ne nous empêchera pas de dire à sa louange, que, malgré son zele pour l’Encyclopédie, l’esprit philosophique ne l’a jamais entraîné dans aucun de ces démêlés, où la Philosophie de notre siecle a si fort prouvé combien elle étoit éloignée de la véritable Philosophie. Il auroit même, dit-on, à se plaindre de l’ingratitude des Philosophes encyclopédistes, s’il eût attendu de la reconnoissance de leur part. L’expérience l’a sans doute éclairé sur les principes de ces Messieurs, dont il est si facile de se détacher, quand on a été à portée d’en juger par la pratique. Si cela est, en le rendant à ses propres sentimens, elle ne fera qu’offrir au suffrage du Public un Littérateur habile, autant que noble & désintéressé, qui n’a besoin d’aucun manége, d’aucun Parti pour se faire estimer.