(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 221-222
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 221-222

MARIVAUX, [Pierre Carlet de] de l’Académie Françoise, né à Paris en 1688, mort dans la même ville en 1763.

Un style pétillant, maniéré ; une métaphysique trop subtile ; des sentimens recherchés ; des réflexions trop peu naturelles, ont beaucoup nui au succès de ses Ouvrages dans l’esprit des Gens de goût. Il auroit une maniere d’écrire agréable, pour peu qu’il eût réglé son imagination, & réprimé la manie de dire les choses tout autrement qu’il ne les sentoit. Point de moyen plus sûr d’affoiblir & de défigurer souvent les meilleures pensées. Cet Ecrivain étoit capable de très-bien développer les différens ressorts du cœur & de l’esprit humain. Il paroît avoir fondé & connu tous les replis du premier ; mais pour avoir trop raffiné, il a quelquefois brouillé les matieres, & l’on ignore souvent ce qu’il a voulu dire, parce qu’il veut le dire mieux qu’il ne falloit pour le faire comprendre. Le Spectateur François prouve combien il lui eût été avantageux d’éviter ce travers. A cela près, il étoit difficile de réunir dans cet Ouvrage plus de sagacité pour démêler les passions & les caprices des hommes, plus d’adresse à les développer, plus d’énergie & de vivacité pour les peindre.

Ses Comédies sont encore gâtées, pour la plupart, par l’affectation, ou, pour mieux dire, par la singularité de sa maniere de rendre les choses. Nous croyons que la subtilité de ses idées vient de ce que son esprit n’étoit pas assez vigoureux pour penser solidement.

Il est le même dans ses Romans, qui sont néanmoins agréables & quelquefois intéressans, sur-tout par les caracteres. Il auroit dû cependant en retrancher beaucoup de détails trop longs, des descriptions trop minutieuses, des réflexions trop diffuses, & principalement les Peintures trop libres.