Boufflers. [N. Chevalier de] Un ton naturel de gaieté & de badinage, cet air d’aisance qu’on ne puise qu’à la Cour, ce molle atque facetum si précieux & si rare, caractérisent éminemment ses Poésies, qui ne sont pas encore recueillies en un corps de volume comme celles de l’Abbé Chaulieu, qu’il paroît s’être proposé pour modele, & qu’il surpasse par la correction du style & par les agrémens qui ne naissent que de l’esprit. En s’attachant à la maniere de ce Poëte original, il auroit dû éviter sa trop grande liberté de penser, ou du moins conserver la decence de son style, & ses Poésies n’en seroient que plus agréables. Une imagination aussi vive & aussi brillante que celle de M. le Chevalier de Boufflers, n’auroit pas dû s’abaisser jusqu’à embellir le langage du vice ; elle est assez riche de son propre fonds, pour se faire admirer dans d’autres sujets. Il ne manque en effet à ce Poëte ingénieux & facile qu’un peu plus de sentiment, pour être un modele de Poésie légere.
Le joli Conte de Nanine, qui a fourni le sujet de l’Opéra de la Reine de Golconde, prouve que M. le Chevalier de Boufflers n’est ni moins facile, ni moins agréable dans sa prose, que dans ses vers. Rien de plus honorable pour les Lettres que de les voir s’enrichir tous les jours des hommages que s’empressent de leur rendre des hommes qui, dans un autre siecle, auroient été forcés, par état ou par ton, de paroître les dédaigner, & qui auroient cru s’honorer davantage par une ignorance orgueilleuse & grossiere, que par une culture qui ne fait que relever l’éclat de la naissance & des dignités.