Préface
Je prie le lecteur de ne pas demander à cet ouvrage plus d’amusement, d’intérêt, ni d’instruction que le titre n’en promet. Ce n’est point une histoire de la société polie, c’est un mémoire ou la compilation d’une suite de mémoires rédigés pour faciliter la composition d’une histoire suivie, ou plus simplement pour éliminer désormais de l’histoire des mensonges accrédités. C’est une suite de discussions de critique historique, rédigées à l’occasion des erreurs répandues dans une multitude d’éditions nouvelles des écrivains du xviie
siècle ou dans leur biographie. Mon assujettissement aux dates des faits, aux âges des personnes, à la nomenclature des ouvrages ; ma division en périodes, qui fait revenir souvent les mêmes noms sans autre motif que d’en présenter une revue à différentes époques, tout cela est très fastidieux ; et cependant comme
mon but était de prouver que les notions généralement reçues confondaient des personnes, des choses sans relation, uniquement parce qu’on n’avait pas démêlé les temps de leur existence, j’ai voulu rendre aux amateurs d’histoire le service de remettre les choses en leur temps et les personnes à leur place. Si j’avais élevé plus liant mon ambition, j’aurais eu le malheur de me rendre ridicule ; j’ai donc évité le
peccet in extremis ridendus
. Il faut de la jeunesse pour donner le fini à un ouvrage du genre de celui-ci. L’histoire de la société polie veut, pour être traitée convenablement, une plume légère qui sème à chaque pas de sa course des traits brillants et gracieux, comme Le Petit Chien de La Fontaine qui, en secouant sa patte, en faisait tomber des diamants, des perles et des rubis.