(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 274
/ 2113
(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 274

Bergerac, [Cyrano de] né dans le Périgord en 1620, mort à Paris en 1655.

Un fou du moins peut rire, & sait nous égayer.
Mais un froid Ecrivain ne sait rien qu’ennuyer.
J’aime mieux Bergerac & sa burlesque audace,
Que ces vers où Motin se morfond & nous glace.

Cet homme étoit en effet singulier. Intrépide en Philosophie, comme il avoit été à la guerre, on reconnoît dans tout ce qu’il a écrit, une vivacité d’imagination, qui approcheroit du génie, si elle eût été réglée par le jugement. L’Histoire Comique des Etats & Empires de la Lune & du Soleil, prouvent combien il étoit capable de devenir grand Physicien, habile Critique & profond Moraliste, si la mort ne l’eût enlevé presque aussi-tôt qu’il se fut entiérement consacré aux Lettres.

Nous remarquerons, avec M. Palissot, que M. de Fontenelle, le Docteur Swift & M. de Voltaire ont tiré partie des étranges bizarreries de Bergerac. La Pluralité des Mondes, Guliver, Micromégas, en sont une preuve certaine ; mais nous ne savons pas en quoi Moliere lui a de pareilles obligations, à moins qu’on ne prétende parler d’une scene des Femmes savantes, qui paroît être une imitation d’une scene du Pédant joué. Cette derniere Comédie n’est qu’une farce ridicule, où l’Auteur des Fourberies de Scapin n’auroit pas voulu puiser, quand même il n’auroit été capable que de faire cette Piece.