(1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »
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(1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Édouard Fournier

L’Esprit dans l’histoire ; Le Vieux-neuf ; L’Esprit des autres.

I

C’est avec le préjugé le plus favorable que nous avons accueilli ces différents ouvrages d’Édouard Fournier, et particulièrement celui-là qu’il intitule l’Esprit dans l’histoire 20. L’intention qui rayonne dans les différents titres de ces livres, mais surtout dans le titre de ce dernier, semble la haine du commun, qui n’est jamais assez vigoureuse, le mépris du convenu, — je ne dis pas de la convenance, — la guerre faite à toute tradition menteuse ou frelatée, enfin la promesse d’une hécatombe des moutons de Dindenaut, ces sottes bêtes qui se suivent toujours de la même manière, en bêlant toujours de la même façon. Toutes ces choses entrevues nous paraissaient excellentes et nous rendaient, sur la foi d’autrui, mouton de Dindenaut nous-même, extrêmement sympathique aux travaux de Fournier. Il faut être d’aplomb (pensions-nous) pour oser se faire le policeman de l’histoire, et l’audace ne nous déplaît pas… Une seule chose nous tenait en défiance, c’était le succès de Fournier.

Le succès n’avait pas été contesté, — non ! pas même une pauvre minute contesté ! Fournier venait bousculer l’erreur accréditée et solidement assise dans tous les esprits. Il reprenait l’opinion en sous-œuvre et la chapitrait. Il touchait presque au paradoxe, cette crânerie détestée de tous les poltrons intellectuels, et ils ne l’avaient pas lapidé… au moins par derrière ! On ne l’avait pas traîné sur la claie ! On n’avait pas montré à ses ouvrages ce dédain et cette hostilité qu’on a pour tous les livres forts dans ce monde quand ils touchent à des idées faites ; car l’homme n’aime pas plus à être dérangé dans son esprit que dans son corps. Non ! au contraire, il avait réussi. Ses livres se lisaient comme s’ils n’avaient pas été des découvertes. Ils avaient réellement des éditions ailleurs que sur leurs couvertures, et, comme Sosie, Fournier était l’ami de tout le monde. C’est cela qui était inquiétant.

Eh bien, nous avons voulu avoir le cœur net de cette inquiétude, et nous avons ouvert ces petits livres (voyez-les, s’il vous plaît), qui font encore si joliment, en ce moment, leurs petites affaires ! Nous les avons ouverts pour, à notre tour, en rendre compte dans ce feuilleton, consacré à la littérature contemporaine, et, après les avoir lus, tout nous a été expliqué du succès facile de Fournier et du jeu sur le velours de ce novateur innocent et non scandaleux, qui ne fera, dans aucun sens, de révolution dans l’histoire. En effet, si ce n’est pas toujours très grand, c’est toujours très gros, une révolution. Or, ici, dans ces livres de Fournier, il n’y a que de très petites choses. Tout y est petit, depuis le format jusqu’à la conception première, et jusqu’à l’érudition mise au service de cette petite conception. Mais voilà ! c’est précisément le petit qu’on aime en ce pays, capable pourtant de grandes choses, et où les femmes disent gentil pour petit, dans leur langage, comme les Russes disent rouge pour beau. Et ce n’est pas tout. L’esprit mêlé à cette érudition est de la même taille. Il n’est pas plus grand. Il n’est pas violent, il n’est pas vibrant, il n’est pas éclatant. C’est un esprit doux. C’est du Charles Nodier qui rate. Du Charles Nodier rapetissé et très pâle, le fantoche de Charles Nodier ou plutôt son fantôme. Mais, certes ! ce n’est pas son revenant !

II

C’est Charles Nodier, en effet, qu’Édouard Fournier a intellectuellement adopté pour son père ; mais je ne crois pas que Charles Nodier, qui était malin quoique bonhomme, le lui eût rendu et l’eût adopté à son tour. Ce n’est pas tout que de vouloir être le fils de quelqu’un, il faut l’être, ou du moins tellement ressembler à ce quelqu’un-là qu’on puisse le faire croire, et ce n’est pas là le cas Fournier a beau grimer son sourire, il a beau se barder de bouquins, comme disait Nodier, qui se moquait bien de cette bouquinerie et qui ne l’aimait peut-être que pour s’en moquer, — car c’est encore une des manières d’aimer de cette aimable créature qui s’appelle l’homme, — il n’a point, lui, Édouard Fournier, cette fleur de raillerie charmante, qui fait tout pardonner, que Nodier fourrait entre les feuillets de ses vieux livres et qui ne s’y dessécha jamais.

Et pourtant, oui ! le parfum de cette fleur qui ne lève point en lui Fournier l’a respiré, et c’est en ruminant le parfum que l’idée lui est venue d’imiter l’homme qu’on imite le moins, puisqu’il a été le La Fontaine de l’érudition fabuleuse. Malheureuse idée, qui, si elle ne l’a pas perdu, l’aura probablement empêché de se trouver ! Sans elle, qui sait ? Fournier se fût peut-être naturellement élevé de l’érudition à la critique ; il aurait virilement creusé le roc vif de l’histoire, et, s’il n’en eût pas percé les blocs et sondé les assises, il aurait au moins remué et retourné quelques-unes des pierres dont elle est faite, tandis qu’imitateur d’un vieillard dont les grâces séniles sont perdues, devenu sceptique… comme lui, par amour tremblant de la vérité, il ne nous a donné pour tout résultat que le petit regrattage de choses et de mots historiques qu’il appelle l’Esprit de l’histoire… L’Esprit de l’histoire ! un esprit qu’il n’y mettait pas, — dans l’histoire, — mais qu’il en ôtait !

Tel est le livre d’Édouard Fournier et tel est son travail. Il prend les mots les plus célèbres et les plus retentissants de l’histoire et il passe par-dessus son analyse, ses rapprochements de texte, ses à-peu-près d’autorité, et, après toutes ces diverses opérations, les mots s’amincissent, ils s’effacent, et finissent par entièrement disparaître. Il n’y en a plus. C’est, comme vous le voyez, un vrai regrattage, — insignifiant quand il n’est pas maladroit, — une espèce de travail semblable à celui que l’on fait parfois (et je n’ai jamais su pourquoi) sur les édifices que le temps a austèrement bistrés et qui portent, au rebord de leurs angles et sur le cordon de leurs nervures, la poussière chassée par les siècles ou la graine éclose qu’en passant l’oiseau du ciel y fit tomber.

Quel effet bizarre produit sur nous Fournier, ce singulier racleur de mots, cet effaceur d’esprit, qui semble suspendu sur une planchette d’érudition que je crois très mince et très fragile, mais pourtant avec moins de risques que ses confrères en regrattage, et dont tout le soin est d’enlever le noir et la poussière à l’histoire, d’essuyer incessamment avec son torchon d’érudit cette estompe poétique que les proprets de l’exactitude bien lavée prennent pour une tache, et de s’acharner, jusqu’à ce qu’elles soient abattues, sur ces fleurs tombées on ne sait d’où, ces traditions qui voilent moins l’histoire qu’elles ne l’ornent, et qui ne sont pas contraires à la réalité parce qu’elles sont beaucoup plus belles !

Travail qui, du reste, lui donne le vertige. Édouard Fournier, qui s’est fait sceptique par amour de la vérité, non de la vérité morale, de la grande vérité d’ensemble et d’effet, mais de la petite vérité matérielle, incertaine et pharisaïque, Édouard Fournier n’a pas même le scepticisme courageux. Voici les paroles que l’on trouve presque en tête du livre qu’il publie sous le titre un peu gascon de l’Esprit dans l’histoire : « Je me donne là, — dit-il avec un joli mouvement de faon dans les bois, — je me donne là, je le sais, un labeur rude et téméraire ; et cependant, tant est vif mon désir de démolir le faux et d’arriver au vrai, tant est grande ma haine pour les banalités rebattues, pour les raisons non prouvées, pour le scandale et pour les crimes sans authenticité, je voulais étendre mon travail au-delà des limites que je me suis assignées ; mais j’ai reculé devant cet effort après l’avoir mesuré. Toutefois j’avoue qu’il m’en coûte. Il m’eût été si doux de dauber d’importance sur ces immortelles erreurs ! » Certainement, on comprend cet éloquent regret, que Nodier aurait probablement exprimé d’une autre manière. Seulement, puisque le savant auteur en verve de démolition, ou plutôt, selon nous, de regrattage, circonscrivait ainsi son terrain, on pouvait croire que ce serait pour le creuser et le remuer mieux. Eh bien, pas du tout !

Nous avons, dès le premier pas, reculé de l’histoire à l’histoire de France, et de l’histoire de France nous sommes tombés dans des historiettes dont la plupart étaient déjà suspectes d’exagération ou d’infidélité, et quelques-unes brillaient d’une netteté d’apocryphe qui ne laissait rien à désirer bien avant que Fournier eût fait claquer son fouet… dans les airs ! Ces historiettes même ne sont pas excessivement nombreuses, et, quand nous aurons signalé les plus piquantes, on verra que l’étonnement ne doit pas exister dans le sens où croit le produire ce dénicheur d’erreurs plus ou moins déjà dénichées, mais plutôt dans le sens contraire. En effet, avec tout ce qui fausse ou entrave en toute chose le jugement des hommes, avec tout ce qui cache à leurs faibles yeux la pointe de la vérité, avec tous les impedimenta de l’histoire, et les passions, et les partis, et les dauphins, et leurs précepteurs, et les bourgeois qui ont remplacé les dauphins, et les Martin qui ont remplacé les Bossuet, ce n’est pas qu’il y ait dans l’histoire quelques déplacements d’anecdotes, quelques reflets des autres temps, quelques inventions, quelques préjugés, quelques misères, qui doit étonner, mais c’est plutôt qu’il n’y en ait pas beaucoup plus !

III

Et d’ailleurs, dans le livre de Fournier, j’ai cherché vainement les scandales non prouvés, les crimes sans authenticité dont il se vante, c’est-à-dire, en définitive, les grandes choses qui changent l’aspect des annales du monde et importent à la morale des nations parce que ces mensonges-là sont des oppressions et des injustices, et à cela près de deux ou trois faits remis sur la pierre du lavoir et sous le battoir, comme, par exemple, l’arquebusade de Charles IX, par cette fenêtre équivoque, le jour de la Saint-Barthélemy, — ce qui ne blanchit pas beaucoup, du reste, la mémoire tachée de sang de cet insensé du fait de sa mère, — je ne vois guères que des faits de très peu d’importance et je comprends mieux le sous-titre de ce livre de l’Esprit dans l’histoire : L’Esprit dans l’histoire, ou recherches et curiosités sur les mots historiques. Évidemment, tout le livre est là. Des mots ! des mots ! des mots !

Or, ces mots, qui sont la grande affaire de Fournier, croyez-vous qu’il y en ait beaucoup qui restent à terre sous sa massue, ou qu’il nous en tire d’autres de l’obscurité qui doivent briller désormais comme les escarboucles de l’histoire ? Hélas ! non ! ces curiosités ne sont pas si curieuses que cela. Voulez-vous vous faire une idée des changements terribles pratiqués sur les mots historiques par ce grand critique désintéressé qui veut chasser l’esprit de l’histoire ? Prenez, par exemple, la lettre d’Henri IV à Crillon, la lettre qui dit : « Pends-toi, brave Crillon, nous avons combattu à Arques, etc. » ; et lisez « Pendez-vous, brave Crillon, de n’avoir pas été ici près de moi, lundi dernier, à la plus belle occasion qui se soit jamais vue, etc. » ; puis un délayage de six lignes qui ne change rien au fond des choses, mais qui emporte cette adorable forme du laconisme et du tutoiement ! Prenez encore le mot de Richelieu : « Quand j’ai une fois ma résolution, je renverse tout, je fauche tout, puis je couvre tout de ma soutane rouge. » Le peseur d’atomes, Fournier, rétablit le texte du mot : « Quand une fois j’ai ma résolution, je vais droit à mon but et je renverse tout de ma soutane rouge », et il dit que c’est bien différent. Comme si la physionomie effrayante de ce mot n’était pas dans l’effet de cette soutane rouge, qui fait penser à tout ce qui en a foncé la pourpre ! Presque tous les mots historiques restitués dans ce recueil le sont comme ces deux-là. C’est la virgule de Figaro ! « Ouvrez ! je suis la fortune de la France. » Il faut lire : « Je suis l’infortuné roi de France », dit Fournier. Quant au billet héroïque, « Tout est perdu fors l’honneur ! » que la France, qui l’aurait écrit, disait Chateaubriand, tient pour authentique, Fournier ne le nie pas, mais le reporte dans une lettre de vingt lignes où il se noie, accusant Antonio de Vera, un historien espagnol, d’avoir le premier arrangé ce billet à la laconienne, — ce qui prouve seulement que l’historien Vera est plus artiste que Fournier, qui n’est qu’un grammairien historique. La lettre du mot historique, que dis-je ? le nombre de syllabes dont il était composé, voilà ce qui importe principalement à Fournier !

Il n’a nul égard à l’accord parfait du caractère, de l’esprit, de la vie tout entière de celui à qui il est imputé, avec le mot même. Non ! il ne voit, de ses petits yeux et de ses petites lunettes, que le mot brut, uniquement le mot, et il gratte, il gratte… jusqu’à ce qu’il n’existe plus. Assurément, et surtout en histoire, tous les travaux, même les plus petits, même les plus enfantins, peuvent avoir leur utilité, même ceux de la « petite horde » dans Fourier ; mais ce grattage des mots éloquents ou expressifs dans l’histoire, lesquels, vrais ou arrangés par l’art qui suit la gloire et aime à la parer, illuminent d’un jour vrai tout un caractère, est un travail mauvais en soi et d’une tendance funeste, car on ne va à rien moins, en faisant ainsi, qu’à désillustrer l’histoire sous prétexte de la purifier !

Et ce n’est pas seulement de la puérilité d’érudition, c’est de l’abaissement dans la vue. Édouard Fournier, toujours faon dans les bois, a des tressaillements qui l’honorent sur la puérilité de son érudition. À la page 143 de son recueil, il parle avec inquiétude de sa tâche, qu’il continuera, « au risque de glaner des riens et de tondre sur des vétilles ». Mais nous voudrions que sur l’abaissement de sa vue historique il fût un peu moins rassuré. Il ne s’agit plus ici de riens savants, ce luxe des pédants, ou de vétilles innocentes. Il s’agit de l’éducation des hommes par l’histoire, par cette histoire qui nous fait aimer la patrie et qui nous l’enfonce dans le cœur à coups de grands exemples, à coups de grands hommes morts pour elle et dont l’âme vibre en certains mots qui les peignent, — ne les eussent-ils pas dits ! — aussi ressemblants que s’ils les avaient prononcés.

Et qu’on n’appelle pas ces mots fameux des impostures ! Ils sont plus vrais que la réalité même, car s’ils n’ont pas été prononcés tels que l’histoire les a gravés sur son marbre éternel, ineffaçables à tous les regrattiers de bonne volonté ou d’instinct, ils ont dû l’être, et ce n’est pas seulement la patrie qui les tient pour authentiques, comme dit Chateaubriand, c’est l’âme même de l’humanité !

IV

Ainsi nous condamnons absolument, dans sa tendance générale et dans sa portée, le livre de l’Esprit dans l’histoire de Fournier, qui en arracherait l’âme avec l’esprit, si l’esprit et l’âme dépendaient des pinces d’un entomologiste de mots ! Au point de vue absolu de l’histoire et de sa vérité morale, comme au point de vue de son autorité et de son influence sur les imaginations et sur les cœurs, un livre pareil, nous n’hésitons pas à dire le mot, est détestable. Mais au point de vue du fait même, du fait raccourci, et de l’érudition, exacte et liardeuse, ce procès, — non, le mot est trop fort ! — mais toute cette chicane faite à l’histoire, dans les coins et recoins de ses détails, mérite-t-elle l’attention de ceux qui recherchent ces bas et petits côtés des grandes questions ?… Pour ma part, je n’ai pas très bien vu ce que l’information pure et simple a gagné au livre de Fournier ; je n’ai pas vu quelles modifications importantes en sont résultées dans l’ordre des connaissances, ordinaires ou vulgaires, — et, excepté le divertissement qui vient de toute nouveauté pour la masse des esprits ennuyés et superficiels, heureux et surpris de trouver un passe-temps dans des études qui devraient toujours rester sévères, excepté le divertissement des enfants et des femmes qui a fait son succès, je ne vois rien en l’Esprit dans l’histoire qui le recommande aux esprits seulement curieux. Ce Petit Poucet de l’érudition atomistique, qui va à la picorée des miettes de vérité semées dans les ornières des chemins, en ramasse parfois ; mais c’est là trop peu de chose pour nourrir personne.

Voulez-vous encore un échantillon de ces fières trouvailles d’érudit ? Jeanne d’Arc n’était pas bergère. Pleurez, poètes, qui la voyez ainsi dans le miroir d’argent enchanté des légendes ! Elle n’était pas bergère. Quel désespoir pour l’imagination confondue ! Mais écoutez. Consolez-vous. Il est des accommodements avec l’érudition d’Édouard Fournier. Elle n’était pas bergère quand elle fut prise (parbleu !) ; mais elle l’avait été à la première aurore de cette vie où tout fut prématuré, miraculeux et idéal ! Seulement, non, elle ne l’était plus, — nous dit le très renseigné Édouard Fournier, — depuis qu’elle était « devenue grande et fille d’entendement ».

Vous reconnaissez là, n’est-il pas vrai ? la critique ordinaire de Fournier, qui ne change qu’un grain de sable, — un infiniment petit, — une date obscure, — l’obole d’un détail, — dans une vie éclatante ou dans une immense destinée, et qui souffle et halète de ce prodigieux changement introduit par lui dans l’histoire, comme un Hercule éreinté !…

De même, laissez-moi vous faire encore cette citation dernière. Nous voici bien loin de Jeanne d’Arc. Louis XV n’a pas dit, comme on le croyait : « Après moi le déluge ! » mais c’est sa moitié d’égoïsme et de vice qui l’a dit, c’est madame de Pompadour. Chose excessivement différente. Louis XV ne l’a pas dit, mais il a souffert qu’elle le dît, et peut-être l’a-t-il répété. Qui sait ? Nous trouverons peut-être qu’il l’a répété dans le prochain ouvrage de Fournier, qui va continuer ses publications érudites, et va, je l’espère bien, continuer à râper son sucre toujours aussi fin, dans ces sucriers recherchés des dames et qui s’appellent de ces agréables noms : le Vieux-neuf 21 (j’aimerais mieux du Vieux-Sèvres !) ou l’Esprit des autres 22.

L’Esprit des autres ressemble infiniment à l’esprit de Fournier, qui doit être un petit neveu de l’abbé Trublet ; car c’est un recueil que ce livre de citations, faites par tout le monde, et qui vous rappelle (pour moi du moins, horrible lecture !) toutes les phrases et tous les vers des malheureux gens de génie qu’ont fanés, en les citant, tous les sots que vous connaissez. De toutes les éruditions dont Édouard Fournier a fait montre dans ces trois volumes, j’avoue que c’est la seule qu’il m’est impossible de lui pardonner.

Les autres, on les subit tout en se gardant d’elles, mais celle-ci ne peut vraiment se supporter. Elle vous rappelle, par ces citations déformées, tous les imbéciles qui les mâchonnent. Or, n’eût-on rencontré que quatre imbéciles dans sa vie, — et qui peut se vanter de n’avoir jamais connu que quatre imbéciles ? — ce serait encore quatre fois trop !