Chapitre XIV.
L’auteur de Robert Emmet
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I
L’auteur de Robert Emmet !… Mon Dieu ! qui cela pourrait-il être ?…
Robert Emmet est publié depuis 1858, et cela n’a guère fait plus de bruit que si cela avait été publié dans le fond d’une cave. N’importe, du reste ! J’aime l’obscurité. Les absurdes gloires qu’on nous fait en quatre jours avec les trompes (et les tromperies !) des journaux, me font trouver l’obscurité une chose charmante, — comme un bandeau noir sur des cheveux blonds. Seulement, il faut que les cheveux soient très blonds et que le talent ait l’éclat de l’or, dans son ombre. Le talent de l’auteur de Robert Emmet a-t-il cet éclat ? Voilà la question. Et qu’est-ce que ce Robert Emmet lui-même, le héros de cette histoire qui porte son nom ?… C’est ce pauvre garçonnet irlandais de vingt-trois ans qui, en 1803 (si on se le rappelle), voulut s’insurger et insurger son pays contre la puissante. Angleterre, et qui se brisa contre elle, comme une pomme cuite qui s’écarbouillerait contre un mur. Ce jeune niais éloquent, car il y en a d’éloquents, des niais ! ne trouva derrière lui, au jour de l’action, que cinquante personnes qui prirent la fuite devant les Habits Rouges et le laissèrent pendre haut et court. Au fond, une triste page de l’histoire d’Irlande ! Cette page, qu’il vaudrait mieux oublier que reproduire, sinon pour Emmet, qui mourut bravement, au moins pour l’Irlande qui le laissa tuer, une femme (car c’est une femme que l’auteur de Robert Emmet) a eu la fantaisie de l’écrire ; et vraiment on se demande pourquoi, à moins que ce ne soit parce qu’il y a une autre femme dans cette histoire. Si Robert Emmet n’avait pas aimé Mlle Curran, aurions-nous eu ce. Robert Emmet de 1858 ?… Aujourd’hui, la femme qui l’a écrit, nous donne deux autres ouvrages : la Jeunesse de lord Byron et les Dernières Années de lord Byron, et elle ne les signe pas de son vrai nom. Si Robert Emmet était un chef-d’œuvre, je le comprendrais, mais c’est à peine une œuvre. C’est une dilution des journaux du temps dans un verre d’eau, incolore, insipide et gonflant comme tous les verres d’eau du monde. Cette insignifiance, que je veux bien par politesse ne pas appeler une platitude, l’autorise-t-elle à signer tout ce qu’elle écrira désormais comme d’un titre l’auteur de Robert Emmet… ? Vanité d’auteur qui se met coquettement, pour être mieux remarquée, derrière un livre qu’elle croit sa gloire, et qui n’est qu’une obscurité par-dessus une autre obscurité, — ce qui fait deux !
Mais c’est là de la coquetterie et du mystère inutiles. Par ce temps de publicité effrénée, les masques ne masquent plus rien. Ils sont percés à jour. S’il me plaisait de vous dire le nom de l’auteur de Robert Emmet, je vous le dirais : mais il ne me plaît pas. Je ne le dirai point, et c’est le meilleur tour à jouer peut-être à cette vanité de Galatée littéraire, qui fuit derrière les saules de ses livres pour être mieux vue… Elle les croit des flambeaux ! Elle ne se nomme point, je ne la nommerai pas et ce sera sa pénitence. Ah ! tu l’as voulu, Georgette Dandinette ! Qu’il suffise aujourd’hui de savoir que c’est une femme, une chausse bleue comme Mme de Blocqueville, dont je vais parler après elle, et qui, elle, s’est nommée à son premier livre, car les femmes ont mis la hardiesse, à la place de la pudeur, dans leur envahissement de la littérature.
Ainsi, en critique, depuis quelque temps et de plus en plus, le vent est aux femmes, et peut-être, ici, trouveront-elles qu’il n’est pas très doux… J’en suis désespéré pour ces dames, mais aussi pourquoi publient-elles… Pourquoi viennent-elles presque fièrement se placer sous le tranchant de la Critique, si c’est pour lui crier dès qu’elle les effleure : « On ne touche pas à la reine ! » Ah ! s’il y avait une reine en littérature, certainement qu’on n’y toucherait pas ! ou si on y touchait, ce serait pour lui baiser la main, signe d’hommage ! Mais quand c’est pour les femmes surtout que les Lettres sont une république, quand rien ou presque rien ne les distingue entre elles, quand elles ont l’égalité devant la loi de leur sexe, qui est d’imiter toujours quelqu’un, lorsqu’elles écrivent ; de refléter la lumière d’un autre, d’ajouter enfin aux bavardages connus, cette boule de neige qui s’entasse si vite et se fond si lentement dans toutes les littératures ; il ne serait pas permis de signalera lumière empruntée de tous ces caméléons et de couper un peu le sifflet à quelques-uns de ces perroquets ! Rappelez-vous donc ces vers d’un bon sens immortel ;
Et qui diantre les pousse à se faire imprimer ?…………………………………………………Si on peut pardonner l’essor d’un mauvais livreCe n’est qu’au malheureux qui travaille pour vivre,
Quant aux malheureuses, s’il y en a, l’Académie, ne le sait-on pas ? a des prix de pitié pour elles, qui font concurrence à ses prix de vertu… Mais lorsque des femmes du monde, et du plus grand, investies de tous les avantages de la vie, de la naissance, de la richesse et quelquefois de la beauté, qui ont des salons pour y être charmantes, des familles pour y être vertueuses, se détournent assez d’elles-mêmes et de leur véritable destinée pour vouloir être littéraires comme des hommes et prétendent ajouter la gloriole de la ponte des livres à l’honneur d’avoir des enfants, la Critique n’est-elle pas en droit de les traiter comme les hommes qu’elles veulent être, sans crainte de passer pour brutale, ainsi que le fut un jour l’empereur Napoléon avec Mme de Staël ? L’empereur préférait les enfants aux livres. Il avait besoin de conscrits ! Mais la littérature n’en a pas besoin, elle. Il y en a toujours assez, de conscrits, en littérature, et qui ne deviennent jamais maréchaux. Mais ce qu’elle n’a pas, comme au temps de Mme de Staël, et ce qu’elle accepterait très bien, s’il en pleuvait, ce serait des femmes de génie qui vaudraient mieux, à elles seules, que toute une famille… même la leur !
Et n’y a-t-il pas, du reste, une femme comme cela dans la famille de l’auteur de Robert Emmet ? Cette glorieuse descendance a eu probablement son ivresse… Pour peu qu’on ait du même sang et de la même chair, on se croit un peu du même esprit. Parce qu’on a eu une adorable et admirable grand’mère, qui s’est peinte en pied dans un tableau qui s’appelle Corinne, on veut se montrer la petite-fille de cette grand’mère, fût-ce en miniature. On s’imagine que noblesse oblige jusque-là et on Corinnise modestement, le mieux qu’on peut, dans des livres ou l’on se meurt d’envie de prouver de qui on descend, par un petit air de famille. Malheureusement, il n’y en a pas ici. Dans l’impossibilité de créer des romans comme Delphine et Corinne, qui sont des études superbes de passion et de société, on se rabat sur l’histoire et sur la critique ; et parce que Mme de Staël a jugé Gœthe et Schiller, et toute l’Allemagne intellectuelle de son époque, en l’inventant, il est vrai, plus qu’en la voyant telle qu’elle fut, l’auteur de Robert Emmet, qui n’a pas une pareille envergure de plume, se croit de la plus pieuse modestie filiale, en condescendant à un sujet moins vaste et moins ambitieux et en nous racontant Lord Byron.
II
Mais sa modestie filiale l’a trompée. Lord Byron, à lui seul, vaut tous les poëtes et les philosophes allemands que Mme de Staël a jaugés d’une main trop protectrice et trop caressante dans ce livre de l’Allemagne, où il n’y a que ce qui n’est pas l’Allemagne qui soit beau ! Lord Byron, à lui seul, l’emporte, en intérêt littéraire et surtout en intérêt de nature humaine, sur tous ces Allemands sans passion ardente et profonde et qui n’ont de nature humaine que dans le cerveau… La vie de ce grand poëte, qui s’est élevé jusqu’au grand homme, est autre chose que celle de ces travailleurs en rêveries dont l’existence ressemble à une table des matières de leurs œuvres, dans laquelle elle tient… Pour tout homme, pour tout être si heureusement et si puissamment organisé qu’il soit, la vie de Byron est un sujet de critique et de biographie de la plus redoutable magnificence ; car Byron fut comme le plexus solaire du xixe siècle, et tous les nerfs de la société moderne, cette terrible nerveuse, aboutissent à lui… Toucher à cet homme central, magnétique et vibrant, qui mit en vibration son époque, c’est toucher à l’époque entière… Jusqu’ici, ceux qui y ont touché s’y sont morfondus. Quoi d’étonnant ? Que pouvait-on faire après Byron lui-même, mutilé comme la Vénus de Milo, dans ses Mémoires à Thomas Moore ? Galt a essayé, mais il n’y a dans sa Vie de Byron que le sérieux d’une conscience, en face d’un pareil sujet. Je connais un homme du talent le plus pénétrant et le plus robuste qui, de désespoir, y a renoncé. Mme de Staël, qui avait vécu avec lord Byron, aurait-elle osé ?… Toujours est-il qu’elle ne nous a donné sur le grand et douloureux poëte que des mots qui passent dans ses œuvres à elle, comme des éclairs. Cette femme, qui n’était pas un bas-bleu, quoiqu’elle ait écrit, cette femme qui heureusement pour elle n’était qu’une femme et non pas un homme, comme le disaient les hommes, lesquels en disant cette sottise, croyaient lui faire un compliment, et à eux aussi, cette vraie femme de Mme de Staël, d’un cœur si passionné et si sincère et d’une sagacité si enflammée, est morte sans avoir révélé tout ce qu’elle avait, sans doute, vu dans l’âme et dans l’esprit de lord Byron. Le génie a de ces embarras avec le génie. Mais ce qui n’est point le génie n’en a pas. Avec un sans-façon charmant et une admiration presque impertinente de familiarité, l’auteur de Robert Emmet met sa petite main blanche sur cet effrayant sujet de lord Byron que lui a laissé sa grand’mère, mais sans le lui léguer. « J’ai toujours eu un faible pour lord Byron », dit-elle dans son livre. Elle a raison. Ce n’est pas une force, et elle va tout à l’heure nous le prouver !
Son livre, en effet, est comme ce qu’elle éprouve. C’est un faible. Rien de plus faible, et faible est bien le mot : il n’est que cela. Il n’est pas mal pensé ; il n’est pas mal écrit ; il n’est point déclamatoire ; il n’est point ridicule ; il n’a ni la fausse poésie, ni le faux enthousiasme, ni la fausse profondeur. Non, il est faible tout simplement. Il est débile, anémique, inerme, sans style personnel, sans pensée nouvelle, correct et coulant (et déjà coulé !), très convenable en tout point, mais la faiblesse dans la convenance, et c’est à cette nuance qu’il faut s’arrêter. Ôtez les vers de lord Byron qu’à chaque page on cite ; ôtez les fragments des Mémoires de lord Byron qu’on y ajoute ; ôtez les faits connus et trimbalés partout sur ce génie, déjà légendaire ; ôtez enfin tout ce qui n’est pas de l’auteur de Robert Emmet, et il ne restera rien et ce sera son livre ! C’est une copie de tout ce que nous avons lu jamais sur lord Byron. C’est parfaitement exact, mais c’est un peu impudent, un peu effronté, ne trouvez-vous pas ?… Car une copie, si proprement faite qu’elle soit, n’est pas un livre. C’est éternellement une copie. Celle-ci est multiple. Elle est pentagone, hexagone, octogone, polygone ; elle a dix et cent côtés. C’est un amoncellement de copies. C’est un habit d’arlequin de copies ! Il s’y trouve de la copie Villemain, de la copie Sainte-Beuve, de la copie Sand, de la copie Taine, de la copie Rémusat, de la copie Tocqueville, de la copie Ampère, dit l’Aimable ! Mais l’aimable, c’est encore l’auteur qui cite tout ce monde pour se faire un livre. Aimable surtout pour elle… Comme les femmes révèlent ce qu’elles sont par leurs admirations, de même qu’elles se perdent par leurs amitiés, nous pouvons juger l’auteur de Robert Emmet par les siennes. Elle adore Villemain. C’est son idéal. Elle ne conçoit rien de mieux que Villemain sur Byron, Villemain qui a fait de l’épithète d’homme de goût qu’on lui a tant donnée, une injure ! Villemain capable de juger Byron à peu près comme il a jugé Cromwell et Grégoire VII ! Villemain, cette absence d’âme, pour juger l’âme la plus orageuse qui ait jamais secoué un homme ! Et après Villemain, c’est Sainte-Beuve, non pas seulement, sur Byron, mais sur tout, le Sainte-Beuve qui plaît aux femmes, parce qu’il est fin et faux comme elles, fin de la finesse de leurs aiguilles et de leurs épingles, sans plus de largeur et de longueur ! Je ne saurais pas qui elle est, l’auteur de Robert Emmet, et elle n’aimerait que Villemain, je ne serais pas bien sûr qu’elle fût une femme, car Villemain a le pédantisme sec que les femmes doivent détester, — il est vrai que celle-ci est de race doctrinaire, — mais l’amour de Sainte-Beuve m’aurait fait reconnaître la femme si, malgré la faiblesse du livre et ce bariolage d’opinions avec lesquelles les femmes font un livre comme elles font des tapis avec des petits morceaux d’étoffes de diverses couleurs, j’avais pu, une minute, en douter !
III
C’est donc une femme, mais, hélas ! littéraire ; mais, hélas ! bleuie par ce fameux canapé doctrinaire qui était bleu, sur lequel, toute petite, on l’a couchée et qui a désagréablement déteint sur elle, — sur ce qu’elle avait naturellement de rose et de frais. Ses doigts de femme, que j’imagine charmants, ont la tache d’encre comme les doigts de Rosine, mais Rosine l’avait attrapée, cette vilaine petite tache, en écrivant à Almaviva, — une vraie occupation de femme ! — tandis que l’auteur de Robert Emmet s’est barbouillée en écrivant des livres graves pour ce public de Bartholo, qui ne les lira pas ou qui dormira en les lisant ! Jolie peut-être autant que Rosine, qui faisait probablement des fautes d’orthographe dans ses billets doux et qui en faisait certainement une, en conduite, quand elle les jetait par la fenêtre, l’auteur de Robert Emmet n’en fait ni dans ses livres, ni nulle part Pour en faire, elle est trop instruite, elle a été trop bien élevée, elle est trop précieusement correcte. À cela près de l’orthographe religieuse qu’elle a un peu trop étudiée dans ce mauvais livre suisse du Vicaire savoyard, qui est son curé, elle sait tous les genres d’orthographes, et l’orthographe littéraire et l’orthographe philosophique, cette vertueuse et prude femme en littérature, qui a étudié ses auteurs jusqu’en leurs virgules et leurs points.
Et par exemple, elle sait Villemain, en particulier, le grammairien Villemain, comme chez les Femmes savantes on savait le grammairien Vaugelas. Bélise de cette maison, mais qui n’a pas vieilli fille, comme l’autre Bélise, elle est devenue une madame Philaminte de haut parage qui a dégourdi son mari Chrysale, lui a appris Villemain, l’a voué à la littérature et l’a fait académicien, en attendant qu’elle devienne académicienne à son tour ! Il est certain que si elle eût moins su, elle aurait moins cité, qu’elle eût été obligée de penser par elle-même, ne tirer un livre de sa propre tête… et, si elle n’avait pu, de se taire. Profit pour nous, dans les deux cas ! Et en effet, cet éternel ruminement sur Lord Byron d’une mémoire qui a deux estomacs et, qui remâche tout ce qu’elle a avalé, finit par être terriblement impatientant… On s’attend toujours, en ces Premières et Dernières Années de lord Byron, à une notion inconnue qui va paraître, à un aperçu, si petit qu’il soit, qui va jaillir et rien ne vient ! Elle est pourtant allée en Angleterre dans l’intérêt de ces deux volumes, mais elle n’en a rien rapporté… Elle a beau citer les plus splendides vers de lord Byron, à toutes places, pour nous empêcher de fermer le livre et de la planter là, nous voyons mieux à ce soleil des vers de, Byron, qu’elle n’est que la lune de tout le monde. Ah ! que dirait le grand poëte qui a écrit sur les bleues de son pays tant de choses d’une moquerie et d’une justesse meurtrières, en voyant un bas-bleu le raconter, le traduire, l’interpréter, vouloir creuser dans son âme et dans son génie !… Lui qui n’était pas pédant comme Villemain ni tiré à quatre épingles comme un doctrinaire, lui qui s’est permis tant de jeux de mots dans son Don Juan, il dirait, ma foi ! qu’on l’a passé au bleu.
IV
Mais il faut conclure et finir sur un livre qui ne prendra personne. Les Premières et Dernières Années de lord Byron, écrites en deux fois, — deux coups manqués ! — sont deux productions absolument vaines au double point de vue de la gloire de Byron et de la réputation de leur auteur. Elle peut continuer de s’appeler l’auteur de Robert Emmet tant qu’il lui plaira ! On ne soulèvera pas ce domino couleur de muraille pour voir ce qu’il y a dessous.
Lord Byron qui, comme quelques-uns de ses héros, est resté par bien des côtés un mystère, après ce livre, continuera d’en être un… Il semblait cependant qu’une femme, une nature de femme, ne devait pas être entièrement incapable de comprendre quelque chose à cette âme de lord Byron, à cette âme violente et douce, égoïste et magnanime, contradictoire comme toutes les femmes de la terre, et qui avait les deux sexes comme Tirésias. Seulement, pour y connaître et y comprendre, il fallait le tact, la sensibilité, la divination de la femme ; mais on n’a plus rien de tout cela, quand on s’est fourré dans un bas-bleu, cette gaine étranglante de toutes les facultés des femmes ! il fallait deviner Byron, ou du moins étudier l’homme sur l’homme, l’aller chercher sous ses œuvres mêmes et ne pas poursuivre son image dans des miroirs plus ou moins tremblants, plus ou moins infidèles où son spectre décomposé oscille toujours ! Il est vrai que l’auteur d’Emmet a dit que, pour elle, le dernier mot de Byron, — le dernier mot possible, définitif et suprême, — était le mot de Villemain ; alors pourquoi le sien, à elle ?… Évidemment il est de trop. Toujours est-il que, quel qu’il soit, c’est le mot des idées communes…
Ce problème curieux et si souvent posé, sans qu’on l’ait résolu, de la moralité de lord Byron, sortira de ce livre comme il y est entré, tout aussi problème que devant. Qui sait ? pour pénétrer ou seulement pour entrevoir un être aussi complexe, aussi désordonné, aussi mêlé de poussière et de lueurs d’étoiles que Byron, une autre femme aurait mieux valu que celle-là qui sait si bien toutes les orthographes de la vie. Seule, la femme, forte en orthographe de l’école doctrinaire, pouvait, à propos du mouvement d’imagination généreuse par lequel lord Byron fut emporté vers la Grèce, écrire, sans se déferrer, dans un style d’institutrice anglaise qui a lu Wilberforce, que Byron n’avait ni la foi d’un croisé (merci de me l’apprendre), ni l’ignorante ardeur d’un jeune homme, MAIS le sentiment d’un PHILANTHROPE SAGE et ÉCLAIRÉ ! Faut-il être philanthrope soi-même et éclairée pour faire de lord Byron un philanthrope, et sage encore !!! Ce n’était pas assez d’être philanthrope ! Je me trompais donc et je m’en aperçois à temps, lorsque je disais plus haut qu’il n’y avait pas, en ces deux volumes publiés sur Byron, une seule idée nouvelle. Il y a celle-là. Mais c’est la seule illustration et c’est aussi la seule gaieté à recueillir pour les gens qui aiment à s’amuser un peu, dans ce torrent de bavardages, de vocalises et d’échos qui sonnent creux sur une si grande mémoire… et qui finissent par ennuyer.
Il n’y a que les femmes pour juger les femmes, et surtout les roses pour juger les bleues. Je parlais, il y a quelques jours, des caquetages littéraires de ces deux volumes à une femme qui a des caquets plus aimables. « Ça n’est pas écrit avec une plume d’aigle, me dit-elle, mais avec une plume de pie, et de pie qui n’a plus ses deux yeux ! »