(1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282
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(1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Chapitre XXI.
Le littérateur chez les peintres

Denis Diderot, qui fut homme de lettres à un degré incroyable, a laissé aux hommes de lettres la tradition d’écrire des choses de la peinture. Cette tradition flatte une de nos plus chères prétentions. Il n’y a pas un littérateur que ne chatouille le désir de composer un Salon : son goût lui permettra de deviner ce qu’il ignore, et son talent saura communiquer ses intuitions en formules assurées et définitives. Au vrai, nous n’y connaissons rien. Fernand Vandérem, ce bon sens aimable, l’expliquait l’autre mois, avec des anecdotes, aux lecteurs de la Revue Bleue. Il n’y a que les peintres pour savoir de la peinture, et les écrivains de l’écriture.

Nos appréciations du dessin, de la couleur, de la perspective et de la pâte ont l’insolence involontaire et naïve des graveurs, musiciens ou droguistes discutant la technique du vers moderne. Resterait à faire rédiger par des peintres des propos touchant leur art. Mais, las, la plume est lourde à leurs doigts, et puis osent-ils dire des camarades ce qu’ils pensent ? (Car les peintres avec infiniment de raison préfèrent la pratique d’une hypocrite camaraderie au débinage obstiné que nous observons, nous autres, dans l’orthographe.) — Je sais bien que Jacques Blanche a signé de spirituels comptes rendus ; mais n’est-il pas plus écrivain que peintre ? — Alors quoi ? Rien, peut-être. Renoncer. S’abstenir. Conquérir cette chasteté de pouvoir regarder cinquante toiles sans produire cent lignes.

Mais non. Notre incontinence a du bon. D’abord elle fait un peu de gloire, donc elle fabrique du bonheur. Et puis les comptes rendus contemporains valent au moins comme répertoires futurs plus commodes à feuilleter que les purs catalogues. Ils peuvent servir, pour se remémorer la peinture d’une année, aux historiens de l’art dont le travail, pour être chanceux, est moins vain que celui du chroniqueur immédiat. L’historien envisage des périodes plus considérables et surtout plus distantes ingénieux et documenté, il peut nous donner la reconstitution d’un siècle d’art, en négligeant les phénomènes sans valeur dont la mode a fait tout le succès ; il peut, en considérant minutieusement des époques successives et des pays différents, discerner sans erreur probable tels courants artistiques. Bref il fait œuvre estimable d’historien ; même les qualités de perspicace, de connaisseur, aussi d’écrivain, qui lui sont nécessaires feraient de l’archéologue le plus désigné des critiques si sa familiarité avec, les œuvres anciennes ne le rendait un peu indulgent jusqu’aux plus inutiles copistes qu’il aime pour les originaux évoqués à sa mémoire érudite, conséquemment un peu sévère aux novateurs, et si ses habitudes scientifiques de travail complet où les œuvres sont étudiées non seulement morphologiquement, mais dès leurs genèses et jusqu’à leurs influences, ne lui interdisaient presque la besogne hâtive et jetée de la chronique salonnière.

Ladite chronique, outre le plaisir qu’elle procure à ceux qui en sont l’objet et l’intérêt qu’elle gardera pour la science archéologique venir, peut encore avoir son prix, précisément comme chronique. Albert Wolff enchantait les lecteurs du Figaro quand il leur contait ses démêlés avec sa cuisinière, ses histoires de cercle, ses conversations avec les grands hommes ; pourquoi eût-il cessé de leur agréer le jour où il leur traduisait ses impressions du Salon ? Tel est encore le cas de M. Armand Silvestre, de M. Pierre Véron, de divers. Dans la mesure habituelle où ces chroniqueurs nous charment, leurs chroniques d’Exposition sont séduisantes. Et parfois elles peuvent l’être infiniment. Dans un autre courant intellectuel que celui où je viens de pécher quelques noms, il me suffira de nommer Gautier, et surtout Baudelaire. Le Salon de 1845 et celui de 1846 sont deux de mes plaquettes de prédilection, attestant la sûreté et la divination du même artiste qui, à peu près seul en 1861, saluera Richard Wagner et le Tannhäuser à Paris. Sans rétrospectif, les jugements annuels de tels rédacteurs modernes sont un commentaire agréable des expositions de peintures. Les enthousiasmes de M. Mirbeau, la finesse de M. Alexandre, la verve littéraire de M. Geffroy, nous ont valu, cette année encore, d’excellents articles, excellents surtout en ce qu’ils signalent des artistes indépendants, sans notoriété, déplaisants en général au public et qu’il n’est peut-être pas absurde de lui imposer quelques années, jusqu’à ce qu’il ait eu le loisir de les comprendre et de les aimer tout seul. Le plus louable critique, en ce sens, demeurera Huysmans, qui, il y a douze et quinze ans, sonnait la gloire d’artistes qu’on croit trop, ici ou là, avoir découverts hier…

Ces bons écrivains pratiquent la bonne méthode ; avec le minimum de préjugés, ou avec des préjugés qui me plaisent, ils disent le sentiment qui devant tel tableau les retint ; leur dire vaut par la délicatesse de leur tact, et la grâce de leurs racontars les plus philosophes intercalent quelques théories d’ensemble, intéressantes puisqu’ils sont intelligents. Et il suffit. Cela fait toujours passer une heure ou deux.

J’avais accepté d’écrire « un Salon », mais à la vérité les jugements que j’allais avancera la légère ne me parurent point, sur mes notes, différents de ceux des critiques indulgents aux modernes ; et par où j’en différais j’étais trop mal ferme en mes impressions pour être sûr d’avoir raison contre eux. Donc fiez-vous à Mirbeau, à Alexandre, à Geffroy, à moins que vous ne préfériez aller vous-même aux Expositions, ce qui est certes d’un plaisir plus fatigant.

Ici, seulement, avec l’à-propos des étalages ouverts encore, quelques idées générales nous appellent.

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L’institution même du ou des salons de peinture serait le premier point discutable, précisément parce qu’elle est aujourd’hui, et chaque jour davantage, discutée.

Les salons privés se font de plus en plus fréquents. Je ne parle pas de la régulière exposition de pastellistes ou d’aquarellistes ou de peintres-graveurs ; car il ne s’agit pas là de peinture à proprement parler, et de plus l’exposition n’est particulière qu’en nom. À la même cimaise de Georges Petit, qu’est-ce qui apparente les pastels de Besnard à ceux de Doucet ? Ce sont encore des expositions générales, seulement d’un procédé artistique particulier. Mais chez Boussod et Valadon, chez Le Barc de Bouteville, chez Vollard, chez Bing, à l’École des Beaux-Arts, on a pu voir ces mois passés des séries d’expositions personnelles ou partielles : de Degas, de Pissarro, de Meissonnier, de Toulouse-Lautrec, de Sisley, des peintres symbolistes, etc. Des gons de goût préfèrent au déballage annuel des mois de mai, juin, juillet ces expositions particulières où un artiste, un groupe d’artistes au plus, présente un ensemble cohérent de productions. Les visiter n’est point une fatigue : les magasins sont dans le centre, qui les organisent ; les toiles sont en petit nombre, en bon jour, dans des salles aérées ; en même temps l’effort réalisé d’un peintre durant un certain nombre d’années est mis sous les yeux du curieux, qui peut suivre et comprendre l’évolution de l’artiste.

Ces délicats sont excusables d’être rebutés par les deux mille morceaux de peinture tombant à date fixe sur chaque salon, où les œuvres qu’ils préféreraient les attristent quand ils les découvrent dans leur lamentable entourage, à moins qu’ils ne parviennent pas à les découvrir parce qu’on les a juchées trop haut, ou, plus simplement, parce qu’on les a refusées. Et la mauvaise humeur de ces dillettanti voudrait la suppression des Salons. Tout au plus consentent-ils le Vernissage. L’un d’eux, Ch. Chincholle, m’écrivait l’autre semaine, avec son humour habituel :

« Le 30 avril, on se rendrait, au Palais de l’Industrie, pour “voir” le Salon. MM. Roybet, Chaperon et Jambon auraient fixé des décors le long des murs, représentant des tableaux de toute grandeur, de tous sujets et de toute école, avec leurs cadres, et leurs intervalles : le tout dûment brossé et marouflé. Des arbustes interposés entre les décors et le public assureraient un suffisant trompe-l’œil aux élégants de bonne volonté et orneraient cette réunion printanière. Le lendemain, les toiles seraient roulées et le Garde-Meuble les conserverait, trois cent soixante-trois jours. Quelques retouches conviendraient au décor l’année suivante, pour donner aux mondains tout ensemble la sensation du nouveau et celle du recommencement. Ainsi fait-on au Châtelet, toutes les fois qu’on remonte Michel Strogoff : cet hiver on y ajoutait le décor de Cronstadt. Au Salon M. Faure reçu dans le port du Havre pourrait être, une autre année remplacé par Le général Dodds présidant son ministère. — Dix jours après on se retrouverait aux Palais des Arts Libéraux, où ce serait :

Mais plus aiguë et plus parfaite
Exactement la même fête.

Seulement le décor mural serait plus ingénument bariolé. — Et après ce double Vernissage, sauvé parce que Paris n’a pas d’autre fête entre l’Hippique et le Derby, on mettrait la clef sous la porte du Salon. »

Je ne contresignerai pas l’excentrique proposition que me recommande Chincholle, avec son dilettantisme aigu. Certes, les Salons que nous revoyons annuellement ne me satisfont pas plus que vous ; mais cela ne prouve pas l’inutilité de l’institution. Voici des Salons ennuyeux, mais il y en a eu de charmants, en des temps, il est vrai, lointains, et les prochains seront peut-être délicieux. Nous nous blasons même des excellents paysages norwégiens, des Harrison et des Mesdag, qui nous prirent tant il y a quelques années, nous sommes saturés du plein air et de la pleine vie, mais n’est-ce pas déjà charmant de constater la réunion de deux ou trois jeunes talents, les Aman-Jean, les Louis Picard, les Jean Veber ? Et toutes les fâcheuses impressions que peuvent laisser des visites aux Champs de Mars ou Élysées ne tiennent pas contre ce bon raisonnement : il est louable de présenter gratuitement les œuvres des artistes au public à qui elles sont destinées. Les peintres n’ont pas encore trouvé le moyen de vivre sans vendre de la peinture. Dans une démocratie bourgeoise le seul grand acheteur est le grand public. L’État, les musées, les municipalités, les conseils de fabrique n’acquièrent presque rien. C’est le banquier d’en bas qui achète. Or, il va à l’Exposition, et fait son choix. Nous avons tout dit contre les Salons quand nous déplorons : « Ce sont des halles. » Eh, tant mieux pour le peintre s’il y peut débiter ses produits sans aller faire la criée à domicile. Il acquiert la gloire par surcroît.

D’autres temps s’accommodaient d’autres systèmes. Un grand seigneur suffisait à faire vivre quelques artistes. À cette heure de médiocrités dorées, le cas d’un Gustave Moreau a juste la rareté du cas d’un Roux ou d’un Hayem. Supprimer les Salons, les négliger, les faire tomber en désuétude, c’est mettre les peintres dans la triste position sociale des musiciens. « Se faire connaître », on sait, pour un musicien, c’est exactement impossible, sauf fortune ou bonne fortune. Allez, pour voir, proposer une symphonie de génie à Lamoureux ou à Choudens. Les peintres ont ce privilège que tout Paris, une fois l’an, se déplace pour regarder ce qu’ils ont fait, sans qu’il leur en coûte rien. Ils y renonceraient, de gaîté de cœur ? Ce serait un peu sot.

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Autre problème annuellement tiraillé chez Ledoyen. « On reçoit trop de mauvais tableaux, on est trop indulgent. » — « On refuse trop de bonnes choses, on est trop dur. » D’où la question : Du choix des tableaux et du tempérament du jury.

Évidemment, on reçoit trop ; évidemment on refuse trop. Parce qu’on juge trop. Le jury d’admission n’a pas à formuler des préférences, à encourager telle école. Là, pourvu que vous marchiez derrière Detaille, dignus es intrare ; ici, si seulement vous démarquez Carrière, voilà votre place. Je voudrais un seul Salon, où les juges fussent assez indifférents pour n’être sensibles qu’aux marques du talent, à quoi qu’il soit appliqué. Que M. Paul Dubois ait du talent, cela est incontestable, même si M. Huysmans ou M. Mauclair le traitent de chromolithographe ; que M. Anquetin ait du mérite, cela est également indéniable, malgré les dénégations de M. Michel ou de M. Mantz. Le seul élément haïssable, inacceptable, c’est celui qui fait le fond des expositions, chez les conservateurs et chez les révolutionnaires : c’est le quelconque de dessin, de couleur, et d’inspiration. Il a de l’assimilation. Selon les hasards de la vie il s’accrochera à l’Institut et ne fera que poncif, ou à la Révolution et ne fera que violent. — Pour tous ceux qui ont du talent, il faut ouvrir les portes.

Et ils viendront. La réserve de peintres novateurs à l’égard des salons est moins de l’orgueil que de la pudeur. Ils savent que, si on n’ose pas les refuser, on les « perchera », et ils s’abstiennent. Je dis qu’on doit les recevoir : j’entends, comme reçoit un maître de maison qui ne vous loge point au bout de la table.

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J’ai nommé les peintres novateurs. En temps que novateurs, je les aime. À propos des peintres de la venue la plus récente, une seule question se pose : sont-ils vraiment novateurs ? (Inutile de s’adjoindre ce problème : « Et leurs nouveautés sont-elles préférables ? » car tous les pires ont été faits, et le nouveau sera forcément du mieux.)

Or, entre ce qu’en gros on appelle les modernes, il y a déjà des écoles à bien distinguer. En écriture, les parnassiens étaient encore des révolutionnaires pour Vacquerie, et les réalistes pour Camille Doucet. On est toujours le communard pour quelqu’un.

En peinture Manet est demi-classique, demi-révolutionnaire. On parle couramment, en 1896, de Renoir, de Degas, de Camille Pissarro comme d’artistes d’avant-garde. En vérité pour nous ils sont classés, et classés haut, entre les définitifs.

Aujourd’hui, il est même abusif de considérer les pointillistes comme des novateurs ; ils le furent il y a dix ans. On peut aimer ou n’aimer pas les bords de la Seine de Seurat, les toiles de Signac, de Maximilien Luce, on sait de quel heureux effet est leur procédé, et le moindre charme du tableau de M. Henry Martin, à qui fut décernée la première médaille, n’est pas d’avoir usé d’un fonds pointillé.

Les coloristes violents du paysage et du nu, les Émile Bernard, les Van Gogh, les de Groux, les Lautrec, les Anquetin, antérieurs aussi à nous, et jugés. Je ne sens de peinture contemporaine à notre jeunesse que chez les artistes appelés symbolistes, du nom des littérateurs qui les encouragèrent. Édouard Vuillard, Maurice Denis, Pierre Bonnard, Félix Vallotton, ceux-là sont bien d’aujourd’hui, et vous ne les trouverez pas aux Salons.

Leurs personnalités sont certes accusées et distinctes. Qu’ils me permettent pourtant de les nommer en groupe, puisqu’aussi bien plus que des amitiés les rapprochent. Ils sont très artistes, c’est-à-dire qu’ils ont une conception désintéressée de leur art en même temps qu’un amour familier de leur métier. Ils sont adroits à réaliser avec peu et précisément leurs rêves. On ne doit pas se méprendre à ce mot de rêves, croire à des mystiques forcenés de la palette. Il y en a assez à côté qui font de la peinture littéraire. M. Édouard Vuillard n’a pas de sujets plus irréels qu’un hollandais ou qu’un flamand. Ceux qui virent la seule exposition un peu considérable de ses peintures s’en souviennent : c’était Le Chocolat, La Couturière bleue, La Femme aux chiffons, La Lampe. Seule la vision est nouvelle. M. Vuillard, et je cite volontiers le plus plein d’avenir de ces jeunes talents, a dépassé en hardiesse et en réussite le problème des artistes sincères : « Ne faire que ce qu’on voit. » Il n’y a pas une ombre, pas un reflet, pas une teinte de chic. Mais il pèche par prétérition. Sa vision est rigoureuse, mais limitée. Même dans un modeste cadre, il se restreint à la considération de quelques objets.

M. Maurice Denis m’apparaît avec des déformations plus graves de la vision normale de la nature. Un égal insouci de la ressemblance de détail au profit de l’impression d’ensemble l’apparente à M. Vuillard. On dit qu’ils imitent les préraphaélites, parce qu’ils se sont attardés à quelques figures et à quelques académies décharnées (exercice sur lequel des médiocres se sont rués). Je suis sûr qu’ils reviendront à la traduction la plus franche du vu. Seulement ils garderont ce scrupule de l’impression d’ensemble, sans lequel il n’y a pas d’œuvre d’art, scrupule qui les ferait, mieux que symbolistes, appeler des harmonistes.

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Subsidiairement, les peintres révolus, du Pont des Arts et du quai Malaquais, mériteraient, des jeunes gens, de moins gouailleurs commentaires.

Deux façons de les voir, alternatives et antithétiques.

1º Ils ont eu du mérite à leur heure, et ils ont le droit de continuer à voir et à peindre, comme à vingt-cinq ans. Meissonnier avait été novateur, par rapport au baron Gros. Si ces artistes n’avaient rien apporté de nouveau, ils n’auraient pas gagné la curiosité, l’admiration et la gloire.

2º Ils sont, ils ont été, ils seront les médiocres et les copistes. C’est leur platitude obséquieuse au goût d’une foule ignorante qui a fait leur succès. Bonnat était inutile après Ingres. Qui jamais soupçonna la nécessité de M. Benjamin Constant ?

J’oscille entre ces deux opinions, mais la seconde est plus juste. — Pourtant, il y a eu de l’art avant les artistes modernes, et depuis Delacroix. Mais est-ce chez ceux de l’Institut, de la Médaille d’honneur et de la Croix de Commandeur ? Pendant que florissaient Bastien Lepage, Gustave Boulanger, Bouguereau, il y avait, dehors, Millet, Manet, puis Claude Monet, Raffaelli. Et quand bien même ceux-ci n’eussent pas été, la possibilité d’un second empire et d’une troisième république dépourvues d’art pictural ne serait pas à ce point exorbitante.

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Est-il temps d’aborder cette modeste question : « De la nature et de la fin de l’art de peindre ? »

La coloration de surfaces est un art soustrait de celui de l’architecte et de l’ornemaniste, et qui y retourne. — La teinture d’un mètre carré de toile pour représenter le passage d’un ruisseau par un chasseur entreprenant devant l’embarras d’une blanchisseuse, et l’application de cette toile, en faux jour, sur le panneau blanc et or d’un salon de damas rouge n’est pas le résultat définitif de siècles de peinture. Trois ou quatre modes me semblent plus intéressants :

1º Le décor public, fresques modernes des grandes surfaces, en harmonie avec l’architecture et la destination de l’édifice ;

2º Le décor intime, utilisation des murs de nos appartements modernes pour des colorations agréables, sans le ressassement immobile d’un sujet de fait-divers ;

3º La fixation sur la toile d’impressions visuelles de peinture, sans apposition ménagère, conservée dans des châssis, ou roulée à des poulies mobiles à nos grés ;

4º L’ornementation d’objets de luxe qu’on pourrait retirer aux maroquiniers de la rue de la Paix et confier à des artistes auxquels je recommanderais personnellement la peinture sur maroquin qui nous a fait en d’autres siècles les belles reliures de maioli.

— Maintenant, si vous préférez le chasseur entreprenant, mettons que je n’ai rien dit.