Maurice et Eugénie de Guérin
Frère et sœur
I.
C’est moins du frère que de la sœur que je voudrais m’occuper ici ; je ne parlerai donc
qu’assez brièvement de Maurice de Guérin, ayant déjà discouru de lui ailleurs. Je
rappellerai seulement que Georges Maurice de Guérin était un jeune Homme né en 1810,
mort en 1839, avant sa trentième année. Issu d’une ancienne famille noble, assez peu
aisée, qui vivait dans le Midi au château du Cayla, du côté d’Alby ; élevé dans une
maison religieuse à Toulouse, puis au collège Stanislas, abrité quelque temps à La
Chesnarye en Bretagne, dans le petit monde de M. de Lamennais au moment critique et
alors que ce grand et violent esprit couvait déjà « sa séparation » d’avec l’Église,
revenu bientôt à Paris et se livrant à la littérature, il mourut avant d’avoir rien
publié de remarqué ni d’important. Mais ses amis firent remettre à Mme Sand quelques-uns de ses fragments inédits, quelques-unes de ses lettres et
un morceau achevé, le Centaure, lequel, inséré dans la Revue des
Deux Mondes en mai 1840, suffit à poser▶, à fonder la réputation de Maurice
auprès des curieux d’entre les jeunes générations. Le reste des Œuvres :
se fit longtemps attendre et ne fut recueilli et publié pour la première fois qu’en
1860 ; par les soins de M. Trébutien de Caen, le savant et digne antiquaire, jaloux de
tous les beaux débris et particulièrement dévot à ces saintes reliques de l’amitié.
Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au
Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète
et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué
c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature
si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la
poésie »
; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et
charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait,
qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle
craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ;
qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa
plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant,
avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument.
La vie de ces deux êtres si finement doués fut bien simple et tout intérieure. Maurice,
celui des deux qui passait pour le vagabond et « le grand errant »
, ne
fit pas de plus long voyage que du Cayla à Paris, puis de Paris en Bretagne, puis de là
à Paris encore. Vers la fin il souffrait de la poitrine ; il retourna au Cayla après
cinq ans d’absence, en 1838, pour respirer l’air natal ; il se maria cette année-là même
avec une jeune Anglaise née dans l’Inde, qui lui apportait de la fortune, « une
Ève charmante, venue tout exprès d’Orient pour un paradis de quelques jours. »
Elle et lui jouirent peu de ce bonheur ; il mourut dans l’année. Sa sœur Eugénie était
venue à Paris pour assister au mariage, et bientôt elle le ramena mourant au Cayla.
C’était son premier voyage, à elle, son premier séjour à Paris ; elle en fit un second
en 1841, en venant de passer quelques semaines chez des amis, près de Nevers. Elle
mourut en mai 1848.
Une grande préoccupation était au cœur de Mme de Guérin : c’était, en même temps qu’elle recueillerait les restes poétiques de son frère, de donner quelques explications sur l’état moral de son âme, et de le revendiquer pour cette foi chrétienne et catholique dans laquelle il avait été nourri, dans laquelle il était rentré et il était mort. Mme Sand, en publiant le Centaure dans la Revue des Deux Mondes, avait insisté sur le caractère de naturalisme, de panthéisme, comme on dit, qui est en effet celui de cet étrange poème. Mlle Eugénie de Guérin, et, depuis sa mort, les autres membres de la famille, ont tenu à établir la distinction qui est à faire entre la foi de Maurice de Guérin et toutes les apparences contraires qui semblent résulter du fond même de son talent. L’édition actuelle porte en mainte page les marques de ce scrupule.
Nous la comprenons, cette tendresse de scrupule et de conscience, nous l’honorons et
dans la famille et chez les amis catholiques bretons qui la partagent ; mais qu’on me
laisse dire qu’elle est excessive et qu’elle ne saurait prévaloir contre les faits.
Maurice de Guérin, dans les années où il a écrit les pages qui le recommandent à la
mémoire comme artiste, les belles pages dont on se souviendra dans une histoire de
l’art, — ou des tentatives de l’art au xixe
siècle,
— avait cessé de croire et de prier. Il avait cessé d’être chrétien. Il était une de ces
organisations tendres et vagues, ouvertes et profondes, que l’aspect de la nature
physique et champêtre passionne et attire jusqu’à les enivrer, jusqu’à les absorber en
soi et, par moments, les anéantir. Quand il créa le Centaure, son seul
morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante,
autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier),
quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre
vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens,
il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le
ciseau29 »
que fit-il, qu’imagina-t-il
dans sa conception vraiment puissante ? Est-ce, qu’il alla supposer un homme, tel qu’il
est aujourd’hui, avec, les pensées, et les sentiments actuels, et doublé, seulement,
d’une force de cheval pour galoper, et conquérir son gré d’espace, un cavalier bien
monté, toujours en selle et à la suprême puissance, ayant sous lui à demeure un cheval
parfait, correct et classique comme celui de Virgile ? Oh ! non pas. Il savait trop bien
que les sentiments et les idées mêmes résultent, dans un être organisé, de tout
l’ensemble, de sa structure, et qu’on n’est pas impunément homme et cheval, tête et
croupe tout ensemble. Est-ce que, d’autre part, il alla faire ce que j’ai entendu, un
juge délicat, mais purement spiritualiste. (M. Vitet), regretter, qu’il n’eût pas en
effet réalisé la lutte entre des deux natures, entre la nature humaine supérieure la
tête, la pensée, l’esprit, et entre la nature inférieure, animale, matérielle ? Oh ! pas
davantage. Guérin, quand il conçut le Centaure, ne songeait pas,
c’est-à-dire qu’en tant qu’artiste il ne croyait pas à cette distinction des deux
natures. Aussi, dans son Centaure à lui, ces deux natures ne sont pas opposées, elles
sont conjointes et confuses. Il a fait la physiologie du Centaure, si tant est qu’il y
ait une telle physiologie possible ; il en a tiré et rendu, certainement, toute la
poésie imaginable. Ainsi, pour exprimer le galop, fougueux, et les délices de cette
course effrénée ; éperdue, au sein des fleuves, à travers ; les forêts — (c’est le
Centaure vieilli qui parle et qui est censé raconter les plus chères sensations de sa
jeunesse à un homme venu dans sa caverne pour l’interroger) :
« L’usage de ma jeunesse, dit-il, fut rapide, et rempli d’agitation. Je vivais de mouvement, et ne connaissais pas de borne à mes pas. Dans la fierté de mes forces libres, j’errais, m’étendant de toutes parts dans ces déserts. Un jour que je suivais une vallée, où s’engagent peu les Centaures je découvris un homme qui côtoyait le fleuve sur la rive contraire. C’était le premier qui s’offrît à ma vue ; je le méprisai. Voilà tout au plus, me dis-je, la moitié de mon être !…
« Je me délassais souvent de mes journées dans le lit des fleuves. Une moitié de moi-même, cachée dans les eaux, s’agitait pour les surmonter, tandis que l’autre s’élevait tranquille et que je portais mes bras oisifs bien au-dessus des flots. Je m’oubliais ainsi au milieu des ondes ; cédant aux entraînements de leur course qui m’emmenait au loin et conduisait leur hôte sauvage à tous les charmes des rivages. Combien de fois, surpris par la nuit, j’ai suivi les courants sous les ombres !… Ma vie fougueuse se tempérait alors au point de ne laisser plus qu’un léger sentiment de mon existence répandu par tout mon être avec une égale mesure comme dans les eaux ; oui je nageais, les lueurs de la déesse qui parcourt les nuits. Mélampe, ma vieillesse regrette les fleuves…
« Une inconstance sauvage et aveugle disposait de mes pas. Au milieu des courses les plus violentes ; il m’arrivait de rompre subitement mon galop », comme si un abîme se fût rencontré à mes pieds, ou bien un dieu debout devant moi. Ces immobilités soudaines me laissaient ressentir ma vie tout émue… Autrefois, j’ai coupé dans les forêts des rameaux qu’en courant j’élevais par-dessus ma tête : la vitesse de la course suspendait la mobilité du feuillage qui ne rendait plus qu’un frémissement léger ; mais au moindre repos, le vent et l’agitation rentraient dans le rameau, qui reprenait le cours de ses murmures. Ainsi ma vie, à l’interruption subite des carrières impétueuses que je fournissais à traversées vallées, frémissait dans tout mon sein…
« La jeunesse est semblable aux forêts verdoyantes tourmentées par les vents : elle agite de tous côtés les riches présents de la vie, et toujours quelque profond murmure règne dans son feuillage. Vivant avec l’abandon des fleuves, respirant sans cesse Cybèle, soit dans le lit des vallées, soit à la cime des montagnes, je bondissais partout comme une vie aveugle et déchaînée… »
Et vous oserez dire qu’un souffle de panthéisme n’a point passé sur de telles pages ! Savez-vous, malgré toutes vos respectables, mais inopportunes protestations de famille et d’amitié toujours en alarmes, à quoi ce morceau, dans son inspiration du moins, ressemble et à quoi il fait penser ? Il faut bien le dire, car l’art aussi est sévère, scrupuleux, inexorable, et la critique, qui est son humble servante, ne connaît pas, quand on la presse de trop près, les ménagements timorés et les rétractations de pure complaisance. Voici donc le pendant de ce beau morceau du Centaure, mais en prose gauloise, digne des vieux aïeux rabelaisiens de la terre bourguignonne ; ce n’est plus un Centaure qui parle ici, mais un paysan (notez-le bien), un manant, fils et petit-fils de manants, d’anciens soldats redevenus bûcherons et un peu braconniers ; c’est l’ancien bouvier devenu trop citadin à son tour, et qui regrette les heures rustiques de sa jeunesse. Écoutez :
« Le paysan est le moins romantique, le moins idéaliste des hommes. Plongé dans la réalité, il est l’opposé du dilettante, et ne donnera jamais trente sous du plus magnifique tableau de paysage. Il aime la nature comme l’enfant aime sa nourrice, moins occupé de ses charmes, dont le sentiment ne lui est pas étranger cependant, que de sa fécondité… Le paysan aime la nature pour ses puissantes mamelles, pour la vie dont elle regorge. Il ne l’effleure pas d’un œil d’artiste ; il la caresse à pleins bras, comme l’amoureux du Cantique des cantiques : Veni, et inebriemur uberibus…
« Quel plaisir autrefois de me rouler dans les hautes herbes, que j’aurais voulu brouter, comme mes vaches ; de courir pieds nus sur les sentiers unis, le long des haies ; d’enfoncer mes jambes, en rehaussant (rebinant) les verts turquies, dans la terre profonde et fraîche ! Plus d’une fois, par les chaudes matinées de juin, il m’est arrivé de quitter mes habits et de prendre sur la pelouse un bain de rosée… À peine si je distinguais alors moi du non-moi. Moi, c’était tout ce que je pouvais toucher de la main, atteindre du regard, et qui m’était bon à quelque chose ; non-moi était tout ce qui pouvait nuire ou résister à moi. L’idée de ma personnalité se confondait dans ma tête avec celle de mon bien-être… Tout le jour, je me remplissais de mûres, de raiponces, de salsifis des prés, de pois verts, de graines de pavots, d’épis de maïs grillés, de baies de toutes sortes, prunelles, blessons, alises, merises, églantines, lambrusques, fruits sauvages ; je me gorgeais d’une masse de crudités à faire crever un petit bourgeois élevé gentiment, et qui ne produisaient d’autre effet sur mon estomac que de me donner le soir un formidable appétit. L’aime Nature ne fait mal à ceux qui lui appartiennent…
« Que d’ondées j’ai essuyées ! Que de fois, trempé jusqu’aux os, j’ai séché mes habits sur mon corps, à la bise ou au soleil ! Que de bains pris à toute heure, l’été dans la rivière, l’hiver dans les sources ! Je grimpais sur les arbres ; je me fourrais dans les cavernes ; j’attrapais les grenouilles à la course, les écrevisses dans leurs trous, au risque de rencontrer une affreuse salamandre ; puis je faisais, sans désemparer, griller ma chasse sur les charbons. Il y a de l’homme à la bête, à tout ce qui existe, des sympathies et des haines secrètes dont la civilisation, ôte le sentiment. J’aimais mes vaches, mais d’une, affection inégale ; j’avais des préférences pour une poule, pour un arbre, pour un rocher… »
Qui a écrit cela ? qui a parlé de la sorte ? qui a dit en cette prose épaisse, et riche, grassement paysanesque et roturière ; ce que Guérin a dit dans sa langue élégante et choisie, ce qu’il a exprimé de son ciseau mythologique, et fin ? Quel est ce sanglier qui se rue et se roule dans la nature, de même que le Centaure s’y plonge ? C’est Proudhon. Mais ce jour-là, quelles que soient, les différences de race, de tempérament, d’éducation, d’expression entre lui et Guérin, différences qui sont presque autant d’antipathies et de contrastes, tous deux ils se ressemblaient par un fonds de paganisme, par l’amour et la poursuite ; du grand Pan, et par le sentiment d’abandon, de fureur et d’ivresse démoniaque ou sacrée qu’il leur inspirait. Ce qui n’empêche pas que Guérin ne soit mort converti, repentant peut-être, ou du moins réconcilié. On reconnaît tout cela, et l’on n’y contredit en rien. Mais la mort est une chose, et le talent en est une autre. L’imagination n’est pas toujours d’accord avec le cœur. Bon gré, mal gré, qu’on le veuille ou non, Guérin reste bien Ce sera son nom dans l’histoire littéraire de ce temps-ci, s’il y obtient un nom distinct, ce que nous espérons bien. Ô vous, ses bons amis de Bretagne, cela dût-il vous contrarier un peu, il est puéril et inutile de prétendre le lui ôter.
II.
C’est assez, revenir sur Maurice de Guérin, et nous aurions regret de voir instituer une controverse autour de sa tombe. Je veux maintenant parler de sa rare et touchante sœur Eugénie, dont les Œuvres ou plutôt les fragments sont réunis devant nous, grâce aux soins du pieux éditeur, M. Trébutien. On n’en connaissait jusqu’ici qu’une très faible partie, un Mémorandum imprimé à Caen en 1855, et pour quelques amis seulement ; mais ce peu qu’on avait vu d’elle, chez ceux à qui il avait été donné d’en être confidents, avait excité un vif désir d’en avoir et d’en savoir davantage. Eugénie était l’aînée de Maurice ; elle avait cinq ans de plus que lui. Elle naquit poète. Tout enfant, dans un séjour à Gaillac chez des cousines, c’est elle qui le raconte, elle se levait souvent, quand on l’avait couchée, pour regarder les étoiles à une petite fenêtre qui était au pied de son lit. On la surprit et l’on cloua la fenêtre, car elle s’y suspendait au risque de se jeter dans la rue. Elle avoue qu’elle fut d’abord un peu jalouse de Maurice, le dernier-né, et qu’elle enviait les caresses, les bonbons et les baisers qu’il recevait plus qu’elle.. Mais peu à peu elle comprit que l’âge fait changer l’expression de l’amour et que « les tendresses, les caresses, ce lait du cœur, s’en vont droit vers les plus petits » ; et elle se mit à aimer passionnément ce jeune frère. « Maman, lui disait-elle plus tard, était contente de cette union, de cette affection fraternelle, et te voyait avec charme sur mes genoux, enfant sur enfant, cœur sur cœur, comme à présent. » Ces sentiments ne firent que grandir et se fortifier avec l’âge. Elle se plut de bonne heure aux entretiens de ce frère poëte d’imagination et de nature :
« Il m’était si doux de t’entendre, de jouir de cette parole haute et profonde, ou de ce langage fin, délicat et charmant que je n’entendais que de toi !… Avec ton parler commença notre causerie. Courant les bois, nous discourions sur les oiseaux, les nids, les fleurs, sur les glands. Nous trouvions tout joli, tout incompréhensible, et nous nous questionnions l’un fautre. Je te trouvais plus savant que moi, surtout lorsqu’un peu plus tard tu me citais Virgile, ces Églogues que j’aimais tant et qui semblaient faites pour tout ce qui était sous nos yeux. Que de fois, voyant les abeilles et les entendant sur les buis fleuris, j’ai récité :
Aristée avait vu ce peuple infortunéPar la contagion, par la faim moissonné ! »
Elle lut Lamartine à seize ans, les Méditations, et ne retrouva jamais
depuis, au même degré, ce charme indicible, cette extase première ; Lamartine resta
toujours pour elle « le cher poëte » par excellence. Elle en vint par la suite à
admirer, mais elle ne put jamais prendre sur elle d’aimer et de goûter ces autres génies
incontestables, mais dont les écrits ont
des laideurs qui choquent
l’œil d’une femme
. « Je déteste de rencontrer, disait-elle, ce que je
ne veux pas voir. » Bientôt elle fit des vers elle-même ; elle avait reçu de la nature
le rythme intérieur et la mélodie. Elle eut l’idée de composer pour les enfants un
recueil qui se serait appelé les Enfantines ; quelques-unes de ces pièces
se sont conservées ; il en est une fort jolie, intitulée : L’Ange Joujou.
Les premiers rêves, les premières ardeurs, les premières peines (car elle en eut) de
cette noble fille se dérobent à nous : il y a des choses qu’elle ne dit jamais qu’à Dieu
ou à son confesseur. Sans fortune, ayant plus de physionomie que de beauté, ou même
n’ayant pas de beauté du tout (quoique sa vivacité d’expression ne donnât pas le temps
de la trouver laide), quand elle se découvre à nous et à son frère Maurice dans son
Journal le plus intimé, elle n’a pas moins de vingt-neuf à trente ans, elle semble avoir
renoncé au mariage, elle est bien près d’avoir renoncé au monde : c’est une âme vierge
et un peu veuve, c’est une âme sœur. La sœur parfaite, à la longue, se forme et se
compose de bien des sacrifices intérieurs.
Rien de plus monotone que sa vie ; elle a perdu sa mère depuis bien des années ; elle habite avec son père au château du Cayla ; elle a une autre sœur plus jeune qu’elle, Marie ou Mimi ; elle a un frère Éran ou Érembert, aimable et assez dissipé ; mais le frère chéri, le frère unique, celui de qui elle dirait volontiers ce que cette reine de Hongrie, la digne sœur de Charles-Quint, disait du grand Empereur, son frère : « Il est mon tout en ce monde après Dieu », c’est Maurice, le génie tendre et sans défense, qu’elle considère comme aventuré à travers tous les écueils de la vie et du monde. Il était chez M. de Lamennais, il vient d’en sortir : il a fort à faire, craint-elle, de lutter avec cet éloquent démon et ce grand tentateur. De loin donc, elle prie pour lui, elle écrit à son intention ce petit Journal qu’il aime pour en avoir vu les premiers cahiers, et qu’il lira un jour. Âme innocente, élevée, pure, non pas inexpérimentée, mais droite et simple, elle y cause avec elle-même, avec ses plus hautes et ses plus secrètes pensées, avec Dieu, priant, pleurant, se chantant parfois des vers, se disant
« La solitude fait écrire parce qu’elle fait penser. On prend son âme avec qui l’on entre en conversation. Je demande à la mienne ce qu’elle a vu aujourd’hui, ce qu’elle a appris, ce qu’elle a aimé, car chaque jour elle aime quelque chose. Ce matin.j’ai vu un beau ciel, le marronnier verdoyant, et entendu chanter les petits oiseaux. Je les écoutais sous le grand chêne, près du Téoulé dont on nettoyait le bassin. Ces jolis chants et ce lavage de fontaine me donnaient à penser diversement : les oiseaux me faisaient plaisir, et, envoyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. »
Elle-même, elle se laisse couler sur ce papier qu’elle quitte et reprend souvent ; elle
est triste, il lui manque quelque chose, sa tranquillité n’est qu’à la surface ; cela
lui faitdu bien d’écrire et lui décharge l’âme de ce triste qui
parfois la trouble ; elle se sent mieux après. « Quand une eau coule, elle s’en
va avec l’écume et se clarifie en chemin. Mon chemin à moi, c’est Dieu ou un ami, mais
Dieu surtout. Là je me creuse un lit et m’y trouve calme.
Il y a des enfances dans ce Journal, mais à tout instant il est émaillé de jolies
choses, de pensées délicates, de nuances exquises, le tout dit dans une langue heureuse,
souvent trouvée, avec un mouvement et une grâce d’expression qui ne s’oublient plus, il
faut bien appeler les choses par leur nom, elle s’ennuie : c’est une âme inemployée et
même sevrée. Elle se retourne sur elle-même, elle souffre tout bas ; quand elle se prête
aux rires de ses jeunes amies, charmantes compagnes qu’on entrevoit passer, Louise,
Marie, Lili, « ce lis intelligent »
, comme elle
l’appelle, il y a de sa part moins de laisser-aller que de complaisance et
d’indulgence ; mais elle, elle est ailleurs, ce n’est plus une jeune fille ; elle aspire
déjà à se consumer uniquement du côté de son frère et de Dieu. À la voir aimer ses
enfants, on sent qu’il manque cette nature aimante d’être mère ; on croit entendre le
murmure du cœur, le gémissement des entrailles ! Écoutez ce qui vient à la fin de ce
joli récit, où son vœu secret lui échappe :
« Le 14 mars 1836. — Une visite d’enfant me vint couper mon histoire hier (une histoire de pauvre vieille et de mendiante sur son grabat). Je la quittai sans regret, j’aime autant les enfants que les pauvres vieux. Un de ces enfants est fort gentil, vif, éveillé, questionneur ; il voulait tout voir, tout savoir. Il me regardait écrire et a pris le pulvérier (le sablier) pour du poivre dont j’apprêtais le papier. Puis il m’a fait descendre ma guitare qui pend à la muraille pour voir ce que c’était ; il a mis sa petite main sur les cordes, et il a été transporté de les entendre chanter. — Quès aco qui canto aqui ? (Qu’est-ce que c’est que ça qui chante là) ? — Le vent qui soufflait fort à la fenêtre l’étonnait aussi ; ma chambrette était pour lui un lieu enchanté, une chose dont il se souviendra longtemps, comme moi si j’avais vu le palais d’Armide. Mon christ, ma sainte Thérèse, les autres dessins que j’ai dans ma chambre lui plaisaient beaucoup ; il voulait les avoir et les voir tous à la fois, et sa petite tête tournait comme un moulinet. Je le regardais faire avec un plaisir infini, toute ravie à mon tour de ces charmes de l’enfance. Que doit sentir une mère pour ces gracieuses créatures !
« Après avoir donné au petit Antoine tout ce qu’il a voulu, je lui ai demandé une boucle de ses cheveux, lui offrant une des miennes. Il m’a regardé un peu surpris : « Non, m’a-t-il dit, les miennes sont plus jolies. » Il avait raison : des cheveux de trente ans sont bien laids auprès de ces boucles blondes. Je n’ai donc rien obtenu qu’un baiser. Ils sont doux les baisers d’enfant / il me semble qu’un lis s’est ◀posé sur ma joue. »
Elle aime à instruire les enfants et à leur faire le catéchisme. Elle a besoin d’aimer,
elle n’ose dire d’être aimée. Si elle lit un jour le bon vieux saint
de ses amis, saint François de Sales, au chapitre des Amitiés :
« C’est bien le mien, remarque-t-elle, le cœur cherche toujours sa pâture. Moi,
je vivrais d’aimer : soit père, frères, sœur, il me faut quelque chose. »
Ce Journal même où elle s’écoule, et qui ne laisse pas de lui donner, de temps en
temps, de petits scrupules à cause du plaisir qu’elle y prend, ne lui suffit pas. Elle a
beau se dire par moments :« C’est ma lyre à moi que ma
plume »
, et s’y confier comme à une amie, les pensées abondent ; elle ne
sait qu’en faire dans sa solitude : « Si j’avais un plan, dit-elle, un cadre
fait, je le remplirais tous les jours un peu, et cela me ferait du bien. Le trop-plein
fait torrent parfois… »
Il y a des jours où, dans ce trop-plein qui lui pèse et qui fait cauchemar quand il ne
fait pas torrent, elle se dit que l’aiguille lui va mieux que la plume : « J’ai
pris la couture pour tuer cela à coups d’aiguille, mais le vilain serpent rémue
encore, quoique je lui aie coupé tête et queue, c’est-à-dire tranché la paresse et les
molles pensées. »
Ce désaccord entre le cœur ou l’imagination de la noble
fille et son cadre étroit, isolé, se fait sentir ; des plaintes qu’elle s’avoue à peine
à elle-même nous en arrivent fréquemment.
Et pourtant est-ce désaccord qu’il faut dire ? Elle semble heureusement née pour
habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les
bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de
Dieu. »
Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des
symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des
mondes dans un fraisier :
« Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. »
Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage. Elle a, au réveil, des esquisses de matin d’une fraîcheur délicieuse :
« J’admirais tout à l’heure un petit paysage de ma chambrette qu’enluminait le soleil levant. Que c’était joli ! Jamais je n’ai vu de plus bel effet de lumière sur le papier, à travers des arbres en peinture. C’était diaphane, transparent ; c’était dommage pour mes veux, ce devait être vu par un peintre. Mais Dieu ne fait-il pas le beau pour tout le monde ? Tous nos oiseaux chantaient ce matin pendant que je faisais ma prière. Cet accompagnement me plaît, quoiqu’il me distraye un peu. Je m’arrête pour écouter ; puis je reprends, pensant que les oiseaux et moi nous faisons nos cantiques à Dieu, et que ces petites créatures chantent peut-être mieux que moi. Mais le charme de la prière, le charme de l’entretien avec Dieu, ils ne le goûtent pas ; il faut avoir une âme pour le sentir. J’ai ce bonheur que n’ont pas les oiseaux. Il n’est que neuf heures, et j’ai déjà passé par l’heureux et par le triste. Comme il faut peu de temps pour cela ! »
Son âme reflète le ciel ; elle a l’âme couleur du temps, et elle se le reproche ; car il y a des jours tristes, — les jours de neige « où l’âme se recoquille et fait le hérisson » ; — les jours de pluie, où l’on a envie de pleurer :
« Il pleut ; je regardais pleuvoir, et puis je me suis dit de laisser tomber ainsi goutte à goutte mes pensées sur ce papier. Cela éclaircira mon ciel qui, aussi bien que l’autre, est chargé, non pas de gros nuages, mais de je ne sais quoi qui voile le bleu, le serein. Je voudrais sourire à tout, et je me sens portée aux larmes ; cependant je ne suis pas malheureuse. D’où cela vient-il donc ?… »
Il y a aussi des jours mêlés, moitié gais, moitié tristes, indécis, d’une teinte indéfinissable ; mais elle sait très bien les définir :
« Le 25 mai. — Notre ciel d’aujourd’hui est pâle et languissant comme un beau visage après la fièvre. Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant, que j’aime… »
Ne reconnaissez-vous pas le paysagiste d’instinct, qui se joue et qui s’essaye, sans maître, et auquel il faudrait bien peu de chose, — seulement un cadre, plus grand, — pour devenir, un maître en son genre, et lutter peut-être avec notre grand paysagiste du Berry ? — Enfin il y a encore (car je veux faire avec elle le tour de l’année), il y a les jours d’hiver et de tempête :
« Le 7 février. — Grand vent d’autan, grand orchestre à ma fenêtre. J’aime assez cette harmonie qui sortait de tous les carreaux mal joints, des contrevents mal fermés, de tous les trous des murailles, avec des notes diverses et si bizarrement pointues, qu’elles percent les oreilles les plus dures. Drôle de musique du Cayla, que j’aime, ai-je dit, parce que je n’en ai pas d’autre. Qui n’entend jamais rien, écoute le bruit, quel qu’il soit. »
Elle ne sait pas la musique, et elle le regrette : il lui semble qu’elle aurait un moyen plus puissant et plus efficace que tout autre pour s’exprimer, pour s’épancher.
Son imagination, d’ailleurs, n’est jamais à court. « Là où les autres ne voient
rien, elle trouve beaucoup à dire »
, comme le remarquait un jour une de ses
compagnes. Que ce soit la couleur du temps, le loquet d’une porte, un vieux château
qu’elle visite, ou l’une quelconque des fêtes et, cérémonies rurales, le baptême ou la
fonte d’une cloche, la bénédiction des bestiaux, la messe de Noël où elle se rend en
famille à minuit « par des chemins bordés de petits buissons blancs de givre, comme
s’ils étaient fleuris », elle trouve sur tous ces thèmes fortuits ou naturels des
pensées charmantes, légères et célestes, dignes d’une Cymodocée chrétienne. Elle a non
seulement ses croyances fermes où elle se fonde, mais aussi ses superstitions flottantes
qu’elle admet un peu à volonté : « Ils ne savent pas être heureux, dit-elle, ceux
qui veulent tout comprendre. »
N’allez pas vous figurer, en pensant à elle, ni
une femme poëte, sentimentale et toujours dans l’attitude de la rêverie, ni une
catholique raisonneuse et théologienne, ni une demoiselle châtelaine un peu haute ; si
elle lit Platon, c’est bien souvent au coin du feu de la cuisine, et les jours de
carnaval elle n’est pas chiche de retrousser ses manches pour faire des croustades. Elle
a gardé du bon vieux temps des aïeules l’habitude de filer. Je lis à un endroit du
Journal : « Filé ma quenouille et lu un sermon de Bossuet. » Ou bien, après quelque élan
mystique où elle s’est sentie comme ravie dans la quiétude défloraison : « Allons, ma
pauvre Âme, reviens aux choses de ce monde. Et je prends ma quenouille, ou un livre, ou
une casserole, ou je caresse Wolf ou Trilby. » Voilà le vrai ; elle est ménagère, elle
sait être pratique, et elle nous dira son vœu le plus humble, son rêve d’Horace, de
Jean-Jacques ou de La Fontaine :
« Mon ami (c’est toujours à son frère qu’elle parle), quand je ne pense pas le faire plaisir ou t’être utile, je ne dis rien ; je prends ma quenouille, et au lieu de la femme du xviie siècle, je suis la simple fille des champs, et cela me fait plaisir, me distrait, me détend l’âme. Il y a en moi un côté qui touche aux classes les plus simples et s’y plaît infiniment. Aussi n’ai-je jamais rêvé de grandeur ni de fortune ; mais que de fois, d’une petite maison hors des villes, bien proprette avec ses meubles de bois, ses vaisselleries luisantes, sa treille à l’entrée, des poules ! et moi là, avec je ne sais qui, car je ne voudrais pas un paysan tel que les nôtres, qui sont rustres et battent leurs femmes… »
Elle n’achève pas, mais la nature a parlé, et il se retrouve là encore, au fond de ce jeu et de ce rêve d’idylle, un mari… pas trop brutal… et des enfants.
Loin de moi l’idée d’établir une rivalité, de risquer un parallèle qui pourrait devenir une pomme de discorde et allumer la guerre civile dans un certain monde ! mais on a parlé de classique dernièrement à propos des écrits d’une dame russe fort vantée, et j’ai protesté contre cette manière d’éloge : Mme Swetchine, avec tout son esprit, ne saurait, en effet, être appareillée aux véritables classiques, même en matière de spiritualité ; celle qui mériterait véritablement ce nom par la grâce du tour, la correction du trait, le naturel et la propriété des images, la simplicité (au moins relative) des pensées, ce serait Mlle Eugénie de Guérin, si elle avait fait un livre.
Je n’ai voulu que mettre en goût ceux que ce genre de lectures intimes est de nature à intéresser. La fin du journal de Mlle de Guérin offre plus de variété que le début : elle est formée, elle est mûre : elle a reçu tous les enseignements de la douleur. Son voyage de Paris fut un grand événement dans sa vie : elle dut, selon son expression, y être fréquemment tentée ; son intelligence si ouverte put y donner plus d’un secret assaut à sa foi ou du moins à son cœur. Elle a parlé amèrement des « déceptions d’estime, d’amour, de croyance. », dont elle eut à y souffrir : Chose piquante ! elle y vit, beaucoup, pendant son séjour ; un des meilleurs amis, — le meilleur ami de son frère, — Barbey d’Aurevilly, jeune alors et dont les façons si tranchées pouvaient ne sembler encore qu’un des travers passagers de là jeunesse : sa conversation brillante exerça incontestablement sur elle une espèce de séduction.. C’était un singulier contraste, on l’avouera », que cette âme virginale, cette colombe » du Cayia, au sortir de son désert ; faisant connaissance pour la première fois avec Paris et le monde lettré par cet échantillon, d’homme, d’esprit, par ce bouquet de feu d’artifice. Esprit contre esprit ; elle était bien fille d’ailleurs à croiser le fer et à tenir la gageure.
Mais ce qui est beau, attachant, ce qui caractérise Mlle de Guérin à mes yeux, c’est la passion et le culte qu’elle a pour son frère. Elle est le modèle et comme le type idéal, dans l’ordre poétique, des sœurs aînées, admiratrices, inquiètes vigilantes, prêtes à se sacrifier pour le salut ou la gloire d’un frère chéri. Il faut l’entendre dans ses cris et ses vœux de chrétienne alarmée, lorsqu’elle le voit égaré, dévoyé, selon elle, emporté vers un art d’une application funeste, souffrant de la poitrine avec cela, et, à travers les distractions mondaines, déjà atteint du mal mortel :
« Ô frères, frères, nous vous aimons tant ! Si vous le saviez, si vous compreniez ce que nous coûte votre bonheur, de quels sacrifices on le payerait ! Ô mon Dieu ! qu’ils le comprennent et n’exposent pas si facilement leur chère santé et leur chère âme.
Quand elle l’attend, quand elle l’espère au Cayla après cinq années d’absence, elle lui prépare des fleurs dans un gobelet :
« J’en ai longtemps regardé deux, dit-elle, dont l’une penchait sur l’autre qui lui ouvrait son calice. C’était doux à considérer et à se représenter l’épanchement de l’amitié dans ces deux petites fleurettes. Ce sont des stellaires, petites fleurs blanches à longue tige des plus gracieuses de nos champs… C’est ma fleur de prédilection. J’en ai mis devant notre image de la Vierge. Je voudrais qu’elles y fussent quand tu viendras, et te faire voir les deux fleurs amies. Douce image qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur… »
Aussitôt qu’il est parti, elle rentre dans la chambrette qu’il occupait ; elle prend le livre qu’il a lu : c’est un Bossuet où il a mis des signets de sa main, souvent aux mêmes endroits qu’elle avait notés elle-même : « Ainsi nous nous rencontrons partout comme les deux yeux ; ce que tu vois beau, je le vois beau. » Quand il est près de se marier, elle semble que cela ne réussisse pas et ne vienne à manquer par quelque côté, car ce frère chéri est, comme elle l’appelle, « un mauvais artisan de bonheur. » Elle se met à sa place et craint qu’il ne recule au dernier instant. « Toujours me semble « effrayant pour toi, aigle indépendant, vagabond. Comment te fixer dans ton aire ! » Il meurt, et dès lors sa vie, à elle, n’est plus qu’un deuil, une consécration de toutes ses pensées et de toutes ses heures au cher et unique absent, un soin religieux de sa mémoire, un dialogue avec lui d’un monde à l’autre. Ce livre se pourrait intituler le Livre des frères et des sœurs.