(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Vacquerie, Auguste (1819-1895)

[Bibliographie]

L’Enfer de l’Esprit, poésies (1840). — Les Demi-Teintes (1845). — Drames de la grève, poésies (1855). — Profils et grimaces (1856). — Souvent homme varie, comédie en vers (1859). — Les Funérailles de l’honneur, drame en cinq actes (1862). — Jean Baudry, comédie en quatre actes (1863). — Les Miettes de l’histoire (1863). — Le Fils, comédie en quatre actes (1866). — Mes premières années de Paris (1872). — Tragaldabas (1874). — Aujourd’hui et demain (1876). — Le Théâtre d’Auguste Vacquerie (1879). — Formosa, drame en quatre actes et en vers (1888). — Jalousie, drame en quatre actes (1888). — Futura, poèmes philosophiques et humanitaires (1890).

OPINIONS.

Louis Ulbach

Un journaliste n’ayant d’autre ambition que son journal, s’y renfermant par honneur et par fierté, refusant tout, ne se prêtant à aucune vanité de place, de ruban, de tribune, dépensant dans un labeur quotidien, mais non routinier, toujours nouveau et toujours égal, de l’esprit, de la logique, de l’éloquence, de la poésie, sans tarir aucune source. Voilà le phénomène devenu très rare et voilà précisément l’originalité d’A. Vacquerie.

[Biographie d’Aug. Vacquerie ().]

Jules Lemaître

J’ai pris le plus vif plaisir à la représentation de Souvent homme varie. La forme de cette comédie élégante m’a donné beaucoup à penser sur ce que c’est que le Romantisme, et le fond m’a donné beaucoup à penser sur ce que c’est que l’Amour. Et j’ai vu que je ne savais ni l’un ni l’autre… Quand on n’a pas lu M. Vacquerie, on est tenté de le prendre pour un romantique intransigeant, d’autant plus qu’il a été longtemps le disciple du chef de l’école romantique, ou qu’il s’est donné pour tel (avec une modestie qui l’honore), et que les disciples ont, comme on sait, l’habitude d’exagérer les défauts des maîtres. Or, nous sommes ici loin de compte. Nous trouvons dans Souvent homme varie, à peu près tous les caractères qu’on attribue d’ordinaire aux œuvres de la littérature classique… J’oserai dire que Souvent homme varie est une fantaisie très sévèrement composée et déduite presque sans caprice, par un esprit très lucide et très raisonnable. Le style même n’a point l’intempérance que vous pourriez supposer chez un si fervent adorateur de Victor Hugo. Il est net, court, concis, un peu laborieux, un peu heurté, avec quelque chose d’anguleux et de sec, et, si je puis dire, des arêtes d’un luisant un peu froid. De rares couplets font exception et rappellent un moment que le romantisme a pourtant passé par là… pour le reste (je ne vous livre là qu’une impression), le style et la versification de M. Vacquerie m’ont très souvent fait songer à la façon fine et sèche de certaines comédies (trop peu connues), de qui ?… Mon Dieu, de Dufresny, si vous voulez le savoir.

[Impressions de théâtre ().]

Anatole France

Futura est un poème largement, pleinement, abondamment optimiste, et qui conclut au triomphe prochain et définitif du bien, au règne de Dieu sur la terre…

Un souffle de bonté passe sur ce grand poème. Je plaindrais ceux qui ne seraient pas touchés de la douce majesté de cette scène finale où se dresse en plein air une table à laquelle s’assied la foule des malheureux, une table servie dont on ne voit pas les bouts. Si cette image semble le rêve d’un autre âge, j’en suis fâché pour le nôtre.

[La Vie littéraire ().]

Philippe Gille

Sous ce titre : Depuis, M. Auguste Vacquerie a fait paraître un recueil de pièces de vers qui est, en même temps qu’une œuvre poétique considérable, une sorte d’autobiographie, comme il le dit dans une courte préface. Bien que ne commençant son récit qu’à la Révolution de février, l’auteur remonte parfois, par la pensée, aux premiers jours de cette belle et forte amitié qui l’a lié à Paul Meurice et que ni les années ni les traverses de la vie n’ont jamais altérée un seul jour ; toute une pièce dédiée à M. Paul Meurice rappelle ces grandes crises littéraires de leur jeunesse ; d’un œil plus froid aujourd’hui, le grand défenseur du romantisme considère les jours de lutte pour les Burgraves et l’arrivée de Ponsard, posé imprudemment par « l’école du bon sens » en adversaire de Victor Hugo ; Ponsard, dit M. Vacquerie, ne s’aperçut pas tout de suite que cet amour pour lui n’était que de la haine pour Victor Hugo :

…… Un jour n’étant pas bête,
Il le vit, et le dit tout haut, étant honnête.
Mais alors il était l’ennemi. Sans arrêt
Nous cognâmes. L’envie à son aide accourait.
Des gens dont le public vénérait les perruques
Glorifiaient « l’art sobre et continent ». — Eunuques !
Leur criai-je en colère, et, dans l’ardeur du feu,
Les dévots n’étaient bien frappés que dans leur dieu.
Je maltraitai Racine et j’eus tort, à vrai dire.
Mais c’est que nous étions enragés de Shakespeare
Qu’ils insultaient ; car nous, dès notre premier jour,
Nos haines n’ont jamais été que de l’amour.

Je signalerai encore d’autres superbes parties de cette œuvre : la pièce du Cimetière de Villequier, un chef-d’œuvre de tendresse ; l’Arbre, une des plus belles conceptions du poète… Je m’arrête, renvoyant le lecteur à ce livre plein de hautes pensées, de l’amour de l’humanité et de la justice.

[Les Mercredis d’un critique ().]

Jules Claretie

Vacquerie, en quelque endroit qu’il fût et quelque genre qu’il abordât, était partout un maître. Son style a la solidité, la vigueur de la belle langue classique, avec un éclat, une couleur, un mouvement tout modernes. Lisant beaucoup, connaissant tout, lettré jusqu’aux ongles, Vacquerie était, en même temps qu’un curieux d’art et un passionné de lettres, un travailleur infatigable, admirable… Toute cette existence fut un exemple… Les lettres françaises garderont, en leur histoire, une place glorieuse à ce disciple qui fut un maître, à ce poète qui, pour avoir marché dans le sillon du grand remueur de mots, de formes et de rythmes de ce siècle et de tous les siècles, n’en a pas moins fait sa gerbe, lui aussi !

[La Vie à Paris ().]