(1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »
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(1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Le Marquis Eudes de M***12

Les livres qui remuent des questions sont si rares, qu’entre tous les autres ce sont ceux-là que l’on doit arrêter au passage et placer sous les yeux ouverts de l’opinion Or, en voici un13, s’il en fut jamais… Mais comment parler d’un pareil livre, et quel ton prendre en le signalant ?… Il a tout ce qu’il faut pour produire ce scandale qui est au succès ce que la Renommée est à la Gloire. Il a tout ce qu’il faut pour provoquer le cri des préjugés ou leur silence, — plus habile souvent que leurs cris. C’est un livre singulier, direct comme un mémoire à une académie, dont il a pris la forme décidée, vibrante et personnelle. C’est un livre très hardi, très calme et très net, trois singularités ajoutées à la première (celle du sujet même), dans un temps où, en matière d’idées, la lâcheté du scepticisme donne la main à la quiétude des positions faites pour ne pas troubler la paix de l’erreur. Du reste, ce n’est ni une question ni deux que ce livre de cinq cents pages secoue avec puissance, mais c’est tout un ordre de questions qui, résolues au sens de l’auteur, entraîneraient du coup la ruine de toutes les philosophies connues, éclaireraient l’Histoire d’un jour nouveau, et consommeraient enfin et définitivement cette fusion, maintenant entrevue par tous les penseurs un peu forts, de la Religion et de la Science. Tout cela est si gros de visée, et dans le détail, comme on le verra, si blessant pour les idées acquises, si révoltant au premier abord, pour les éducations et les impressions contemporaines, que la Critique, fût-elle persuadée que la vérité est ici du côté de l’audace, doit, dans l’intérêt même du livre, s’interdire d’abord tout ce qui en dépasserait l’analyse complète et fidèle. Avant de juger cet étrange ouvrage et ce qu’il renferme, il faut commencer par le raconter.

Ce n’est point un livre de circonstance, improvisé sous l’empire des derniers faits magnétiques (les tables tournantes) qui ont éclaté parmi nous comme une véritable épidémie. L’auteur du livre ou du mémoire que nous annonçons l’avait médité et l’avait écrit depuis bien des années, ajoutant chaque jour à ses observations et à ses premières expériences. Il ne se pressait pas. Il attendait le moment, cet à-propos qui est tout pour les fortunes ! Aussi, en voyant les derniers faits qui se sont produits et qui semblent avoir posé eux-mêmes les questions à la science désorientée et muette, il a pensé que l’heure était venue d’une mise en demeure solennelle de cette science beaucoup trop… discrète, et il en a pris l’initiative. L’énorme mémoire que nous indiquons à la curiosité publique sera suivi d’un second non moins considérable, — car l’auteur est un de ces esprits vigoureux et persistants, un de ces mordeurs d’idées qui n’abandonnent pas le sujet dans lequel ils ont mis la dent. Il a la résolution de ce qu’il sait et le dévouement à ce qu’il croit. Caché sous le masque diaphane d’une initiale qu’un prénom et un titre rendent plus transparent encore, l’auteur jettera son dernier masque lorsqu’il le faudra, soyez-en sûr ! Et, d’ailleurs, son incognito n’en est peut-être déjà plus un pour personne. Quand le talent a le front si large, est-ce qu’il est possible de le cacher ?…

Le livre commence par une anecdote, non d’invention, mais historique. Nous la transcrivons tout entière : « Il peut y avoir vingt ans, — dit l’auteur, — dans l’église Saint-Étienne-du-Mont, un vieux prêtre faisait le prône à une grand’messe le dimanche ; l’auditoire était nombreux, attentif, ce qui n’empêchait pas tous les regards de se porter involontairement sur un grand jeune homme qui, debout en face de la chaire et les bras croisés, semblait suivre avec la plus grande attention tous les raisonnements du prédicateur. À l’excentricité de sa tenue, à l’étonnement de sa physionomie, il était facile de le juger : ce n’était pas un habitué de la paroisse, pas davantage un habitué d’autres églises, et certainement c’était le hasard seul qui l’avait fait entrer dans celle-ci.

« Cependant, nous le répétons, son attention paraissait tout à fait captivée par les paroles du vieux prêtre, et chacun pouvait suivre sur son visage la marche et les progrès de la pieuse influence.

« Mais le malheur voulut que vers la fin de son instruction le prêtre crut devoir parler à son troupeau de la protection des bons anges et des ruses des démons. Àce mot de démons, tout fut perdu. Cette physionomie si respectueuse jusque-là devint tout à coup sarcastique, le regard s’enflamma, et, le rouge lui étant monté au visage, l’inconnu s’écria, de la voix la plus forte : Ah ! pour le coup, monsieur l’abbé, voici qui devient par trop fort ! Puis, ayant remis son chapeau sur sa tête et s’étant frayé de vive force un passage, il s’élança hors de l’église et disparut.

« On devine combien fut grand le scandale et combien le bon prédicateur dut regretter une phrase qui, toute légitime qu’elle fût, avait eu la malheureuse vertu d’arrêter si complètement la grâce, ou du moins de compromettre un succès. Pour nous, — continue l’auteur du mémoire, — nous réfléchîmes beaucoup à l’exclamation de ce jeune homme. Nous avons fait partie de cette jeune école qui, dans les dix premières années de la Restauration, ramenée à la foi chrétienne par l’étude des de Maistre, des Bonald et des Frayssinous, succédait, non pas à l’école légère et railleuse de Voltaire, morte déjà depuis longtemps, mais à l’école positive et raisonneuse de l’Empire… Pleine d’amour pour la vérité, mais, après tout, fille de son siècle, et pleine aussi d’admiration pour la science, l’école dont nous parlons accueillait avec respect une foi dont elle sentait la grandeur et les bienfaits, mais elle n’en restait pas moins fidèle à la raison, dont elle comprenait l’autorité… La science était déjà venue en aide aux vérités chrétiennes… Cuvier montrait partout les traces du déluge et l’accord parfait des nouvelles découvertes géologiques avec le récit génésiaque. Champollion éclaircissait la chronologie égyptienne. Ampère vengeait la physique de la Bible. Des voyageurs instruits constataient par des monuments sa minutieuse exactitude… Les apologistes n’avaient plus qu’à justifier les dogmes et le passé de l’Église catholique. Dans les conférences de M. de Frayssinous, le succès dépassait toutes les espérances. Depuis le sort des enfants morts sans le baptême, et le dogme : Hors de l’Église, pas de salut ! jusqu’aux croisades et à la révocation de l’Édit de Nantes, la foi et la science s’entendaient merveilleusement sur toutes choses… Mais, en dehors de tous les dogmes justifiés, réhabilités, il en était un qu’on n’avait jamais abordé : c’était celui-là dont le jeune homme de Saint-Étienne s’était montré si révolté, c’est-à-dire la reconnaissance des puissances spirituelles et leur intervention dans les affaires de ce bas-monde. » Et ce fut à dater de cette époque que l’auteur des Esprits et de leurs manifestations fluidiques se mit à étudier un problème qui, comme il l’a dit très bien quelques lignes plus bas, renfermait le Christianisme tout entier.

Oui, le Christianisme tout entier, dans son principe et dans sa fin, dans son dogme et dans son histoire ! La haine perçante de la philosophie ne s’y était pas trompée quand elle avait lâché contre la vérité religieuse Rabelais et Voltaire, et fait de Lucifer tombé un diable grotesque, trop comique pour que l’on y crût. Éternelle frivolité de l’homme ! L’éclat de rire a toujours troublé sa pensée, son amour, son courage. C’est un lâche contre la moquerie, tremblant devant un ricanement, fût-il inepte. Après Rabelais, après Callot, après Voltaire, après le xviiie  siècle, nul n’aurait osé, puisqu’il faut dire le mot, croire au diable, et Chateaubriand, on s’en souvient, eut besoin de toutes les magies de sa païenne rhétorique pour faire accepter le démon à l’imagination retiédie d’une époque cadavéreuse d’athéïsme, qui croyait que c’était bien assez de revenir vers Dieu ! Cependant Voltaire l’avait dit, avec ce bon sens qu’avait quelquefois le perfide : « Plus de Satan, plus de Jésus-Christ ! » et le bois de la croix qui avait sauvé le monde aurait bu un sang inutile. Mais où les hommes supérieurs voient et concluent, les hommes superficiels n’osent pas seulement regarder. Même les doctes parmi les croyants, même les prêtres faits pour pétrir toutes ces têtes dures qui viennent s’incliner sous leurs chaires, personne enfin ne se risquait à toucher d’une main ferme, d’une maîtresse main, à ce dogme mutilé et saignant sous deux siècles de plaisanteries. Et le chef-d’œuvre de la prudence, dans le pansement de ces âmes si longtemps athées, était de glisser en n’appuyant pas… Il fallait donc ce hasard d’un jeune homme insurgé en pleine église pour qu’un penseur et un observateur catholique qui se trouvait là eût sa pomme de Newton, cette occasion qui incline le génie du côté où il doit verser, et pour qu’il prouvât, au bout de vingt ans, à la science souffletée de toutes parts par des phénomènes qui la déshonorent, puisqu’elle ne peut les expliquer, que les seules explications qu’il y ait à ces phénomènes c’est la Foi qu’on croyait décrépite, l’antique Foi qui doit les donner !

Telle est, en bloc, la thèse de l’auteur des Esprits. N’avons-nous pas eu raison de dire qu’elle était hardie ?… Elle l’est même pour ceux qui, catholiques conséquents, la croient vraie, mais qui, sensibles comme dans leur chair pour la religion de leurs entrailles, pâliront peut-être de voir un dogme sur lequel la Précaution oubliait son voile à dessein affronter indifféremment la risée. Rassurons-nous pourtant. La thèse orthodoxe de l’auteur des Esprits est trop savante, trop étoffée, trop imposante ; l’auteur est trop au courant des sciences naturelles et médicales de son époque ; il a même, ici et là, trop de cette puissance de plaisanterie qui ne manque jamais en France aux écrivains supérieurs, et qui circule au sein des graves discussions auxquelles il se livre comme l’Esprit dormait sur les eaux, pour que la risée qui peut accueillir sa thèse soit bien forte. Le xviiie  siècle riait aux éclats ; il éclaffait, comme eût dit Rabelais, digne d’en être, vaste convive qui les eût tous noyés dans la mousse tombée de son verre s’il avait soupé chez d’Holbach ! Mais le xixe  siècle n’a qu’un assez maigre sourire, et il tarira bientôt sur les lèvres de ce pauvre siècle gourmé de doctrine quand il verra et rencontrera, comme un obstacle devant lui, la science immense qu’un catholique a su mettre au service de sa pensée et dont il construit la justification rationnelle de sa foi.

Car voilà le côté par lequel, à cette époque de discussion et d’analyse, le livre des Esprits s’imposera à ceux-mêmes qui, d’instinct ou de philosophie, seraient les plus disposés à le rejeter : la science, et, ajoutons-y encore, la loyauté dans la méthode. L’auteur s’est oublié lui-même pour ne penser qu’à ses adversaires, à ceux qui n’avaient pas sa croyance. Catholique pour son propre compte, ayant accepté par conséquent le dogme et la tradition catholiques sur la question des influences surnaturelles et l’existence des bons et des mauvais esprits, il a voulu faire pour d’autres que pour lui même la preuve d’un fait auquel il croit, lui, mais que les autres auxquels il s’adresse repoussent et nient. Il a donc développé avec beaucoup de soin, dans l’introduction de son livre, les conditions de son programme : « Nous prenons — dit-il — l’engagement de démontrer dans une foule de cas physiologiques, psychologiques, historiques et physiques, l’intervention très fréquente de ces agents mystérieux que nous appelons des forces intelligentes, autrement dit des esprits. Ces forces sont de deux ordres opposés : celui du bien et celui du mal. Mais, comme les circonstances y obligent et qu’il faut, avant tout, se débarrasser du fardeau le plus pesant, ce premier mémoire sera consacré aux forces du dernier ordre. Notre mission n’est pas de chanter un hymne, mais de conjurer un fléau. » Et il ajoute : « Nous prendrons de plus l’engagement de n’appeler à notre aide que l’élite de la science, ou les autorités les plus graves, car ce premier mémoire n’est guères qu’une exposition sur pièces officielles, exposition raisonnée, il est vrai, discutée et terminée par des conclusions ; mais ces conclusions auront leur conséquence et ne sont, en définitive, que le prélude de débats et de questions bien autrement graves, réservés pour un second mémoire. »

Après avoir tracé et déterminé les caractères qui doivent donner son autorité à tout témoignage et garantir l’authenticité de chaque fait, il commence l’histoire de ces phénomènes qui ne sont pas d’hier dans le monde, mais qu’une science infatuée et superficielle y croit d’hier, parce qu’elle les a nommés de noms nouveaux. Mesmérisme, magnétisme, somnambulisme, rien ne lui échappe de cette triple face d’un même problème. Il dit les tristes variations des corps savants sur ce sujet, et, mêlant la polémique à l’histoire, séparant, dans la question magnétique, l’agent mystérieux confondu tous les jours avec le fluide qu’il emploie, il marque l’agent magnétique du double caractère de la fascination et de la surintelligence, et fait alors sortir la notion catholique de l’observation de tous les faits.

Et il n’en omet aucun, à ce qu’il semble. Hallucinations, névropathies mystérieuses, monomanies, dans lesquelles l’homme paraît, d’après tous les témoignages de la science, être obsédé, ou possédé, ou dominé par « les esprits », toutes ces affections épouvantables qu’il a étudiées avec le sens exercé du médecin qu’ont-elles inspiré à la science moderne, si ce n’est des « hypothèses malheureuses pour remplacer un vieux dogme oublié » ? L’auteur des Esprits oppose la science à elle-même dans ses plus célèbres représentants, dont il ouvre les livres sous nos yeux, et, le croira-t-on ? voilà qu’il trouve, pour résultat d’une étude faite dans les écrits de nos plus forts manigraphes et de nos physiologistes les plus avancés, la conclusion déconcertante que les anciennes possessions, au sens théologique du mot, se retrouvent trait pour trait au xixe  siècle, et que le Moyen Age, dont on s’est tant moqué, a ici, comme en tant d’autres choses, victorieusement raison contre l’Institut. Une admirable dissertation sur les religieuses de Loudun, les trembleurs des Cévennes et les convulsionnaires de Saint-Médard, prouve, avec la clarté de la plus pure lumière, la bonne foi des premières observations, méconnues à dessein par le protestantisme et la philosophie. Et ce n’est pas tout que cette lueur jetée sur les points les plus controversés, ou, pour mieux dire, les plus calomniés de l’Histoire : l’auteur des Esprits attaque l’hypothèse après avoir ruiné le mensonge, et il montre le néant de toutes celles qu’une science à bout de voie, comme il dit, a inventées pour remplacer un merveilleux dont elle a peur.

Ici nous ne sommes guères encore qu’à la moitié de ce traité si renseigné et si complet de pneumatologie transcendante. Le livre des Esprits est divisé en deux parties, l’une sur les phénomènes subjectifs (internes), l’autre sur les phénomènes objectifs (externes), et l’intérêt de cette seconde partie est aussi animé que l’intérêt de la première. L’auteur y examine d’abord l’influence des lieux fatidiques ou du domaine privilégié des esprits, les hauts lieux, les lieux déserts, certaines sources, les béthyles ou les pierres mystérieuses élevées en commémoration des faits merveilleux, les animaux subissant, dans certains lieux fatidiques, la même influence que ceux qui les guident ; et sur toutes ces questions, prises à revers des solutions de la science moderne, le terrible savant ne cesse de marcher au flambeau allumé de la critique historique. Il collationne les traits des voyageurs contemporains les plus distingués, et partout il rencontre, sur toutes les latitudes, cette notion d’esprit si désagréable à la philosophie, l’ennemie née du surnaturel. Les témoignages des voyageurs épuisés, il invoque ceux des magnétistes anciens et modernes qui, tous, reconnaissent l’intervention d’un « principe étranger ». Et quand il a encore épuisé ces témoignages il prend les faits eux-mêmes, et ils sont nombreux dans son livre, et il démontre par eux l’intervention de ce « principe surnaturel » qui s’impose de vive force à l’observation la plus supérieure, en raison même de sa supériorité.

Voilà, en quelques mots bien courts et bien insuffisants, l’analyse d’un mémoire que tout le monde voudra lire, car il prend l’imagination au même degré que le désir et la faculté de connaître. Enfermé dans des bornes étroites, nous n’avons pu qu’indiquer les points principaux, et, pour ainsi dire, donner le tracé de ce livre si plein de faits, si nerveux de discussion et d’une induction si résolue. Mais pour en avoir une idée il faut le lire, le lire tout entier ! À part ses conséquences, — et ces conséquences, si elles étaient légitimes, feraient table rase de tout ce que le monde moderne tient pour vrai en philosophie et replaceraient la théologie à sa vraie place, c’est-à-dire à la tête de toutes les sciences, même naturelles, — à part ces conséquences à outrance, ne manqueront pas de dire certaines gens, le mémoire adressé par M. de M*** à l’Académie des sciences morales et politiques a encore une importance considérable. Quoique sous forme de polémique, c’est la meilleure histoire qu’il y ait à cette heure des phénomènes mystérieux qui tiennent en éveil le monde tout entier. C’est un procès-verbal immense dans lequel rien n’est oublié, depuis les fails les moins connus, comme ceux, par exemple, du presbytère de Cideville en 1851, que l’auteur rapporte avec les détails d’un témoin qui les a lui-même observés, jusqu’à ceux qui bouleversent en ce moment l’Amérique, où, suivant les paroles d’un journal anglais, « 500, 000 sectateurs entretiennent avec les esprits tout un système de relations, fonctionnant comme une institution nationale ». Nul livre dans la littérature contemporaine n’est, sur les phénomènes magnétiques à l’ordre du jour, plus renseigné que celui-là, et nul ne mérite d’être compté davantage aux yeux de ces sortes d’hommes, sans hardiesse et sans puissance logique, qui ne veulent jamais voir que les faits seuls dans toutes les questions.

Mais pour ceux qui sentent en eux-mêmes cet impérieux besoin de conclusion, qui est, après tout, la passion la plus spontanée et la plus profonde de l’intelligence humaine, le livre des Esprits doit avoir une bien autre portée que celle d’un livre d’histoire. Nous l’avons dit parfois, à propos de ce surnaturalisme dont il faudra bien finir par s’occuper sérieusement, tant il nous pèse sur la tête : nul écrit n’avait paru encore (et nous l’avons regretté) qui révélât dans son auteur une conception supérieure et donnât le signal d’une haute discussion. Des mains faibles et tremblantes d’un mysticisme maladif avaient agacé les questions, mais c’était là tout ! Et cependant il était temps, il était temps pour tout le monde, et pour les hommes religieux, et pour les philosophes, et pour le public, que les questions fussent nettement et carrément posées. D’aujourd’hui seulement elles le sont. L’auteur des Esprits et de leurs manifestations fluidiques a fait davantage : il les a implicitement résolues ; mais n’était-ce pas la meilleure manière de les poser ?… Nul avant lui et nul comme lui n’avait jeté le gant à la science. Aura-t-elle la bravoure de le ramasser ?

Quoiqu’il en puisse être à cet égard, nous, qui sommes de la religion de l’auteur du mémoire, nous constatons du moins pour le catholicisme cet honneur et cet avantage que c’est lui qui pose les questions. Pendant que la philosophie s’embrouille sans conclure ou… se tait, pendant que sur cette question des esprits, de tradition comme Dieu et comme la chute de l’homme par toute la terre, le panthéisme, l’éclectisme et le rationalisme nient l’histoire et ferment les yeux aux faits contemporains, le catholicisme se lève et vient dresser devant la science embarrassée le problème éternel qu’il a toujours résolu, lui, de, la même manière, à toutes les époques de son histoire. Soupçonné d’être l’ennemi du progrès, c’est lui qui vient demander compte aujourd’hui aux sciences naturelles, dont l’avancement ne le fait pas trembler, des résultats de leurs observations séculaires. Il n’a pas changé, il a le même dogme, il a la même conception des faits qu’autrefois Les sciences naturelles se sont modifiées, elles. Elles ont été obligées d’admettre, en une foule de points, des observations qui appuient la grande conception catholique. En cela le catholicisme, que la philosophie se vantait d’avoir tué en l’asphyxiant de sa lumière, se montre ce qu’il fut toujours, vivant et vivace, parce qu’il est la vérité.