XVI. Le dévouement de yamadou havé
(Khassonké)
Il y a 400 ans environ, des Peuhl descendant de Diâdié, fondèrent un village du nom de Bambéro, qui tire ce nom d’une montagne voisine. Le village peu à peu prit de l’importance et ne tarda pas à compter 333 flèches ou guerriers. Les Tomaranké (Khassonkè172 et Malinké du Tomara dans la région de Médine) virent d’un mauvais œil la prospérité rapide de ces nouveaux venus et, poussés par la jalousie et la cupidité, leur déclarèrent la guerre.
Les Peuhl étaient bien peu nombreux encore pour résister à tant d’ennemis mais, malgré cela, ils se résolurent à la résistance la plus acharnée. Un marabout de Souyama-Toran, qui devait plus tard fonder le royaume du Boundou et qui, à ce moment, voyageait dans le Haut-Sénégal pour s’instruire, vint alors à Bambéro. Il se nommait Malick Sy173. Il proposa aux Peuhl de leur préparer un grigri qui leur assurerait la victoire malgré leur grande infériorité numérique : « Mais, ajouta-t-il, il vous faudra souscrire à la condition que je vais vous poser… »
« — Parle ! dirent les Peuhl ».
« — Voici ma condition : vous fixerez ce grigri à la pointe d’une flèche. Au début du combat, l’un de vous que je sais, un membre de la famille de Diâdié, un de ceux que vous aimez le plus de vos concitoyens, décochera la flèche au milieu des ennemis. Il sera tué dans le combat mais, à ce prix, je vous garantis la victoire. »
Chacun alors de s’offrir pour ce mortel honneur mais Malick Sy resta inébranlable jusqu’à ce qu’un jeune homme du nom de Mamadou ou (Yamadou) Hâve se fût proposé.
Alors le marabout déclara : « Celui-ci est l’homme que j’attendais ! »
« — Voilà qui est bien, dit Yamadou aux Peuhl, mais, puisque je m’offre pour votre salut, je vous demande de consentir à votre tour à mes demandes !
Il y avait là quatre tribus Peuhl : les Diallo, les Diakhité, les Sidibé, les Sankaré. Toutes donnèrent leur consentement.
- — « Le marabout, reprit Yamadou, a dit que, par la vertu du talisman, je mourrai demain pour le salut de ma race. Je suis prêt ; mais j’ai trois enfants : deux garçons et une fille ; le premier est Ségo Dohi, le second : Mamadou Dohi et la troisième : Sané Dohi. Chers Peuhl, je vous les confie, eux et leurs enfants ! Je demande que leurs descendants commandent aux Peuhl du Khasso. Je désire qu’ils puissent épouser les femmes de votre race. Bien entendu, je ne parle que de celles qui seraient libres et à qui ils pourraient se marier sans enfreindre les prescriptions d’Allah. »
Les Peuhl ont, à l’unanimité, déclaré qu’il en serait selon son désir.
C’est à la mare de Tombi-Fara que s’est produit le choc entre les Malinké et les Peuhl.
Dès le début de l’action, Yamadou Hâvé s’est précipité, sa flèche en main, jusqu’au milieu des ennemis et les en a frappés. Il s’est battu vaillamment et n’est tombé qu’au moment où les Malinké prenaient la fuite. Et la prédiction du marabout s’est entièrement réalisée. La victoire resta aux Peuhl. Leurs adversaires avaient perdu leur roi et leur armée fut anéantie.
La paix était assurée pour de longues années et les Peuhl s’acquittèrent de leur dette envers les enfants du héros. Ils les élevèrent avec considération. S’ils empoisonnèrent Mamadou Dohi à cause de son intolérable arrogance, ils firent de Ségo Dohi leur roi, dès sa majorité et maintinrent le pouvoir suprême à ses descendants.
C’est de Ségo Dohi que descendent : Mojacé Sambala, chef de Médine ; Diourha Sambala un des défenseurs de cette ville avec Paul Holl ; Kinty Sambala, allié de la France et l’interprète Alfa Séga.
Hava Demba aussi en descend, lui qui fut l’allié de l’émir Abdoul Rhady dans la guerre du Diolof du temps de Napoléon Ier.
Conté par CLEVELAND, écrivain indigène.
ÉCLAIRCISSEMENTS.
Cf. le dévouement de Décius, de Codrus, d’Arnold de Winkelried et de la reine Pokou (La conquête du Baoulé.
).