Cochin
plusieurs dessins allégoriques, sur les règnes des rois de France . j’aime Cochin ; mais j’aime encore plus la vérité.
Les dessins de Cochin sont de très-bons tableaux d’histoire, bien composés, bien dessinés, figures bien groupées, costume bien rigoureusement observé et dans les armes et dans les vêtemens, et dans les caractères. Mais il n’y a point d’air entre les figures ; point de plans ; sa composition n’a que l’épaisseur du papier, c’est comme une plante qu’un botaniste met à sécher dans un livre ; elles sont applaties, collées les unes sur les autres. Il ne sait pas peindre ; la magie des lumières et des ombres lui est inconnue, rien n’avance, rien ne recule ; et puis comparé à Bouchardon, à d’autres grands dessinateurs, je trouve qu’il emploie trop de crayon, ce qui ôte à son faire de la facilité, sans lui donner plus de force. Je ne saurais m’empêcher d’insister sur un autre défaut qui n’est pas celui de l’artiste, c’est que la barbarie et le mauvais goût des vêtemens donnent à ces compositions un aspect bas, ignoble, un faux air de bambochades.
Il faudrait un génie rare, un talent extraordinaire, une force d’expression peu commune, une grande manière de traiter de plats vêtemens, pour conserver aux actions de la dignité.
Un de ses meilleurs dessins est celui où le fougueux Bernard entraîne à la croisade son monarque, en dépit du sage Suger. Le monarque a l’épée nue à la main. Bernard l’a saisi par cette main armée ;
Suger le retient de l’autre, parle, représente, prie, sollicite et sollicite en vain. Le moine est très-impérieux, très-beau ; l’abbé, très-affligé, très-suppliant.
Autre vice de ces compositions, c’est qu’il y a trop d’idées, trop de poésie, de l’allégorie fourée partout, gâtant tout, brouillant tout, une obscurité presque à l’épreuve des légendes. Je ne m’y ferai jamais, jamais je ne cesserai de regarder l’allégorie comme la ressource d’une tête stérile, faible, incapable de tirer parti de la réalité, et appellant l’hiéroglyphe à son secours ; d’où il résulte un galimatias de personnes vraies et d’êtres imaginaires qui me choque, compositions dignes des temps gothiques et non des nôtres. Quelle folie de chercher à caractériser autour d’un fait, d’un instant individuel, l’intervalle d’un règne ! Eh ! Rends-moi bien cet instant ; laisse là tous ces monstres symboliques ; surtout donne de la profondeur à ta scène ; que tes figures ne soient pas à mes yeux des cartons découpés, et tu seras simple, clair, grand et beau.
Avec tout cela les dessins de Cochin sont faits avec un esprit infini, d’un goût exquis ; il y a de la verve, du tact, du ragoût, du caractère, de l’expression, cependant arrangés de pratique. Il compte pour rien la nature.
Cela est de son âge, il l’a tant vue, qu’il croit sérieusement, comme son ami Boucher, qu’il n’a plus rien à y voir. Et, enragées bêtes que vous êtes, je ne l’exige pas de vous pour faire un nez, une bouche, un œil, mais bien pour saisir dans l’action d’une figure cette loi de sympathie qui dispose de toutes ses parties, et qui en dispose d’une manière qui sera toujours nouvelle pour l’artiste, eût-il été doué de la plus incroyable imagination, et eût-il par devers lui mille ans d’étude. un dessin représentant une école de modèle. du même.
Modèle autour duquel les élèves travaillent pour le prix de l’expression. Cette figure élevée sur l’estrade, joue bien la dignité ; ces élèves sont très-bien posés, mais l’école n’a pas un pouce de profondeur. Il faut être bien maladroit pour ne savoir pas étendre la scène avec une estrade, une figure, des rangs de bancs concentriques et des élèves dispersés sur ces bancs ; il n’y a point ici de sortilège, ce n’est qu’une affaire linéaire et de perspective. Cela me dépite. Cochin est paresseux et compte trop sur sa facilité.