(1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — III. La tête de mort »
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(1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — III. La tête de mort »

III. La tête de mort

(Peuhl)

En entrant dans un village, un homme a trouvé une tête décharnée et aux orbites vides de leurs yeux, qui était sur le bord de la route. C’était la tête d’un homme mort depuis sept ans : « Pourquoi cette tête-là est-elle ici ? se demande le passant ».

Et la tête répond : « C’est ma bouche qui m’a fait mourir ! »

L’étranger poursuit son chemin. Il dit au chef de village. « J’ai vu la tête d’un homme mort depuis sept ans. Et maintenant encore elle parle. — Ce n’est pas vrai ! réplique le chef. — Eh bien si tu constates qu’elle ne parle pas, tu pourras me tuer ! »

Le chef envoie des hommes pour se rendre compte de la chose. L’étranger va avec eux et leur montre la tête : « La voilà, leur dit-il. — Tête, demandent les envoyés, est-il vrai que tu aies parlé ? »

La tête ne répond rien. Deux fois, trois fois on répète la question. Pas de réponse.

Les envoyés s’en retournent vers le chef : « Nous avons interrogé la tête, lui rapportent-ils et elle ne nous a rien répondu. — « En ce cas, dit le chef, ramenez l’étranger près de la tête et tuez-le à cet endroit ».

On emmène l’homme. Les uns disent : « On va le tuer à coups de fusil ». D’autres disent : « Non ce sera par le bâton ! »

On se dispose à le faire périr. « Arrêtez ! s’écrie la tête ». Et à l’homme : « Quand tu m’as questionnée en passant, que t’ai-je répondu ?

Les gens ont rapporté cette conversation au chef qui a dit : « Il faut laisser libre le nouveau venu ».

Il est sage de réfléchir avant de parler, sinon il en résulte des ennuis. La bouche est dangereuse.

Conté par OUSMANN GUISSÉ.

Interprété par GAYE BA.