(1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143
/ 1745
(1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Vauvenargues.
(Collection Lefèvre.)

Revenons avec Vauvenargues à la pureté de la langue, à la sérénité des pensées et à l’intégrité morale. Il y a eu, au milieu du xviiie  siècle, un homme jeune et déjà mûr, d’un grand cœur et d’un esprit fait pour tout embrasser, qui s’était formé lui-même et qui ne s’en était pas enorgueilli, fier à la fois et modeste, stoïque et tendre, parlant le langage des grands hommes du siècle précédent, ce langage qui semblait n’être ici que l’expression naturelle et nécessaire de ses propres pensées ; sincèrement et librement religieux sans rien braver, sans rien prêcher ; réconciliant, en un mot, dans sa personne bien des parties opposées de la nature en montrant l’harmonie. Cet homme rare mourut à trente-deux ans, après avoir publié un court volume de réflexions et de maximes qu’on a grossi depuis plus ou moins heureusement, mais où il était déjà renfermé tout entier avec tous les germes qui indiquent le génie. Depuis lors le nom de Vauvenargues a grandi peu à peu, sa noble et aimable figure s’est de mieux en mieux dessinée aux yeux de la postérité. Les esprits les plus distingués et les plus divers se sont honorés en s’occupant de lui. Voltaire, le premier, l’avait dénoncé au monde avec un sentiment de respect, chez lui bien rare, et qu’il n’a éprouvé à ce degré pour aucun de ses contemporains. M. Suard l’a pris pour l’objet du plus long et du plus animé de ses écrits. Mlle de Meulan (Mme Guizot) a apprécié en quelques traits nets et a classé à son rang ce successeur de La Rochefoucauld et de La Bruyère. M. Thiers a débuté par un Éloge de Vauvenargues, qui a remporté le prix à l’Académie d’Aix, et dont on ne connaît que des fragments remarquables par l’ampleur et l’intelligence. M. Villemain, après La Harpe, dans son Cours sur le xviiie  siècle, s’est arrêté avec complaisance devant cette physionomie pleine de force et de pudeur. Il n’y a aujourd’hui qu’à rappeler et à redire convenablement sur Vauvenargues ce qui a été mieux dit par tant de bons juges, et je n’ai pas d’autre désir ici.

Le marquis de Vauvenargues, né en 1715 et mort en 1747, issu d’une noble famille de Provence, entra de bonne heure au service et devint capitaine dans le régiment du Roi. Le métier des armes lui plaisait, il croyait que l’homme est fait pour l’action ; dans un siècle où les frivolités, la mollesse et la corruption envahissaient la jeune noblesse, il attachait un sens précis, un sens antique à ces mots de vertu et de gloire : « La gloire embellit les héros, se disait-il. Il n’y a point de gloire achevée sans celle des armes. » Il servit aussi longtemps qu’il put, fit des campagnes en Italie, en Allemagne, et ne renonça à la carrière active que quand sa frêle santé, épuisée par les fatigues, le trahit. Cependant, seul, dans les loisirs des garnisons et, dans ses quartiers d’hiver, il s’occupait continuellement des études sérieuses et des lettres ; à l’aide de quelques bons livres joints à beaucoup de réflexion, il avait mûri ses pensées, et il s’était appliqué, plume en main, à s’en rendre compte :

Voulez-vous démêler, rassembler vos idées, conseillait-il par expérience, les mettre sous un même point de vue et les réduire en principes ? Jetez-les d’abord sur le papier. Quand vous n’auriez rien à gagner par cet usage du côté de la réflexion, ce qui est faux manifestement, que n’acquerriez-vous pas du côté de l’expression ! Laissez dire à ceux qui regardent cette étude comme au-dessous d’eux.

Lui, si épris de la gloire de l’action, et qui se sentait une capacité innée pour la guerre ou pour les affaires, il paraît avoir eu besoin de quelque raisonnement pour s’en détourner et pour s’acheminer ainsi à devenir auteur. Vauvenargues avait sur la noblesse de sang, non pas des préjugés, mais de hautes idées qui la lui faisaient envisager comme une institution qui consacrait le mérite et la vertu des ancêtres et en imposait l’héritage à leurs descendants. Or, c’était dans le service public de l’État, c’était par des actions plutôt que par des écrits qu’il y avait lieu de justifier de cet héritage. Pourtant, quand il vit sa santé détruite, ses espérances ruinées par là non moins que par les froideurs d’une Cour insensible au vrai mérite, il sentit que la seule ressource pour un esprit noblement ambitieux, c’était encore de se tourner du côté de « la gloire la moins empruntée et la plus à nous qu’on connaisse ». Les grands exemples des Richelieu, des La Rochefoucauld, des Retz, des Guillaume Temple, et de tous ces hommes d’État et d’action qui avaient demandé le surcroît et le sceau de leur illustration à leurs écrits, revinrent l’enhardir. Son génie lui parla ; un état médiocre ne lui parut point valoir assez pour être mis en balance avec cette destinée nouvelle qu’il tenait entre ses mains : « Il vaut mieux, pensa-t-il, déroger à sa qualité qu’à son génie » ; et, se reportant aux grandes actions qu’il avait été donné à d’autres plus heureux d’exécuter, il se dit : « Qu’il paraisse du moins, par l’expression de nos pensées et par ce qui dépend de nous, que nous n’étions pas incapables de les concevoir. »

Cette prédominance, cette préoccupation toujours présente de l’action et de l’énergie vertueuse, supérieure et préférable à l’idée elle-même, est un des caractères du talent littéraire de Vauvenargues, et elle contribue à conférer aux moindres de ses paroles une valeur et une réalité qu’elles n’auraient pas chez tant d’autres, en qui l’auteur se sent à travers tout. En lui on sent au contraire que l’esprit ne s’est fixé à l’état de pensée et de maxime, que faute d’avoir pu se déployer et sortir en action. Et c’est alors qu’il y a tout lieu de dire vraiment avec lui : « Les maximes des hommes décèlent leur cœur. »

Il n’avait rien publié encore lorsqu’il s’annonça à Voltaire par une lettre écrite de Nancy (avril 1743), dans laquelle il lui soumettait un jugement littéraire sur les mérites comparés de Corneille et de Racine. Rien n’honore le goût et le cœur de Voltaire comme la promptitude avec laquelle il discerna aussitôt le talent et l’homme qui se présentait à lui pour la première fois. En lui répondant par quelques conseils littéraires, en le redressant et en l’éclairant doucement sur quelques points, il ne parle tout d’abord à ce jeune officier de vingt-huit ans que comme à un égal, à un ami, à l’un de ceux qui sont à la tête du petit nombre des juges. Dès qu’il le connaîtra mieux, le mot de génie va se mêler à tout moment et revenir sous sa plume à côté du nom de Vauvenargues, et c’est le seul terme en effet qui rende avec vérité l’idée qu’imprime ce talent simple, élevé, original, né de lui-même, et si peu atteint des influences d’alentour.

Vauvenargues avait donné sa démission de capitaine au régiment du Roi, et l’espoir de trouver un dédommagement dans la carrière diplomatique achevait de lui manquer par la ruine totale de sa santé, quand il vint demeurer à Paris pour s’y vouer uniquement aux lettres. Ce dut être à la fin de 1745 ou au commencement de 1746. Marmontel, très jeune, qui le vit beaucoup dans cette année, nous a montré au naturel avec sa bonté affable, sa riche simplicité, sa douceur à souffrir, sa sérénité inaltérable et sa haute raison sans amertume. Vauvenargues était logé à l’hôtel de Tours, rue du Paon (près celle de l’École-de-Médecine). Voltaire, tantôt à Paris, tantôt à Versailles, était alors dans sa veine passagère de faveur à la Cour, essayant de s’y pousser par la protection de la maîtresse favorite, et il devait avoir à rougir quelquefois devant Vauvenargues de ces distractions et de ces poursuites, si peu dignes de l’ami d’un sage. Ce fut au printemps de 1740 que fut publiée, sans nom d’auteur, Introduction à la connaissance de l’esprit humain, suivie de réflexions et de maximes. Cette édition est la seule que Vauvenargues ait donnée lui-même ; il mourut l’année suivante, pendant qu’on imprimait la seconde. Il me semble qu’en ayant sous les yeux ce premier petit volume sans les additions incohérentes et un peu confuses qu’on a faites depuis, on saisit mieux dans ses justes lignes la génération des idées et la formation du talent.

Moins peintre que La Bruyère, Vauvenargues a un plus grand dessein, un dessein plus philosophique : il ne veut pas simplement observer les hommes de la société dans leurs variétés, en donner des portraits, des médaillons finis, en faire le sujet d’une suite de remarques profondes et vives ; il envisage l’homme même, et voudrait atteindre au point où bien des maximes qu’on a crues contradictoires se rejoignent et se concilient. L’esprit de l’homme lui paraît en général plus pénétrant que conséquent, et d’ordinaire embrassant plus qu’il ne peut lier. Son ambition, à lui, est de lier et d’unir. Il veut remonter aux racines et aux principes des choses, et à cet effet il va parcourir, selon son expression, « toutes les parties de l’esprit et toutes celles de l’âme ». Dans un premier livre il traite de l’esprit proprement dit, et de ses principales branches, imagination, réflexion et mémoire ; dans le second livre il traite des passions ; dans le troisième il traite du bien et du mal moral, en d’autres termes, des vertus et des vices.

Parmi les personnes qui ont le plus feuilleté Vauvenargues et qui aiment à citer de lui des Pensées, il en est peu, on ose l’affirmer, qui aient étudié exactement cette première partie de ses écrits, et qui aient bien cherché à se rendre compte de sa théorie véritable. L’auteur y a amassé et enchaîné une suite de définitions si concises et qui sont le résultat d’une si longue réflexion, qu’on ne sait comment extraire et analyser, comment entamer ce qui est déjà un extrait si substantiel et si dense. « J’ose comparer ces principes, a dit Marmontel, aux premiers éléments des chimistes dont on ne peut faire l’analyse. » Sans entrer ici dans une discussion qui serait peu à sa place, je me bornerai à dégager l’idée de Vauvenargues dans sa plus grande généralité.

Au xviie  siècle, les moralistes, soit tout à fait chrétiens, comme Pascal, Nicole, Bourdaloue, soit philosophes, comme La Rochefoucauld, La Bruyère, Molière le plus grand de tous, avaient été fort sévères pour l’homme et ne l’avaient nullement flatté. Le christianisme, qui ne considère l’homme actuel qu’à titre de créature déchue, ne craint pas d’insister sur les vices de la nature, à qui il veut faire sentir le besoin d’un remède et d’une restauration surnaturelle. Les observateurs comme La Rochefoucauld, ayant surpris l’homme dans un temps d’intrigue et dans une société corrompue, avaient insisté dans le même sens ; avec cette différence qu’ils ne lui offraient point de remède, de sorte que, sous ce regard également inexorable des moralistes tant chrétiens que philosophes, sous ce double concert déprimant, toutes les vertus naturelles périssaient. Une telle conséquence choqua d’abord Vauvenargues ; son âme simple et grande sentit s’élever en elle-même une protestation contre ce dénigrement universel de l’humanité : « L’homme est maintenant en disgrâce chez les philosophes, dit-il, et c’est à qui le chargera de plus de vices ; mais peut-être est-il sur le point de se relever et de se faire restituer toutes ses vertus. » Et sans système, sans parti pris, mais par la seule considération de l’homme complet, il mit le premier la main à l’œuvre de cette réhabilitation.

Jean-Jacques Rousseau continuera après lui, et renchérira dans l’éloge et la revendication des vertus naturelles ; mais quelle différence dans le procédé et dans le ton ! Chez Vauvenargues, il n’y a aucun désir de faire effet, aucune arrière-pensée de représailles contre la société mise en opposition avec la nature, aucun parti pris d’aucun genre. Il reste dans les lignes de la justesse et de la vérité.

Il s’attache à montrer que cet amour-propre, auquel on a affecté de tout réduire, n’existe pas à ce point de raffinement dans tous les hommes, n’y existe que comme un amour général de nous-même qui est inséparable de toute nature vivante et qui ne peut lui être imputé à vice :

Il y a des semences de bonté et de justice dans le cœur de l’homme. Si l’intérêt propre y domine, j’ose dire que cela est non seulement selon la nature, mais aussi selon la justice, pourvu que personne ne souffre de cet amour-propre ou que la société y perde moins qu’elle n’y gagne.

Ayant à parler du sentiment de la pitié, il le définira admirablement :

La pitié n’est qu’un sentiment mêlé de tristesse et d’amour ; je ne pense pas qu’elle ait besoin d’être excitée par un retour sur nous-même, comme on croit. Pourquoi la misère ne pourrait-elle sur notre cœur ce que fait la vue d’une plaie sur nos sens ? N’y a-t-il pas des choses qui affectent immédiatement l’esprit ?… Notre âme est-elle incapable d’un sentiment désintéressé ?

Remettant en honneur les dons naturels et les affections primitives, et leur laissant leur libre jeu, il s’oppose à l’excès de raisonnement et d’analyse qui voudrait tout réduire à un amour de soi égoïste et cupide : « Le corps a ses grâces, l’esprit ses talents : le cœur n’aurait-il que des vices ? Et l’homme, capable de raison, serait-il incapable de vertu ? » Il aime à parler, en toute rencontre, de l’homme bien né, de la beauté du naturel, qui nous porte au bien. Pourquoi verrait-on dans cet heureux et ingénu penchant un intérêt étroit et un calcul ? S’il y a un amour de nous-même naturellement officieux et compatissant, et un autre amour-propre sans humanité, sans équité, sans bornes, sans raison, faut-il les confondre ?

Qu’on lise les chapitres de son livre III sur le bien et le mal moral et sur la grandeur d’âme : jamais la morale de La Rochefoucauld étroitement interprétée, jamais la morale du xviiie  siècle, telle que vont la sophistiquer et la matérialiser grossièrement les Helvétius, les d’Argens, les La Mettrie et bien d’autres parmi ceux qui valaient mieux n’a été plus énergiquement et plus solidement réfutée. Il y pose comme devoir et comme règle le respect aux conventions fondamentales de la société, aux lois (même imparfaites), la subordination et le sacrifice de l’intérêt particulier à l’intérêt de tous. Il y rend au mot vertu son sens magnifique et social :

Le mot de vertu emporte l’idée de quelque chose d’estimable à l’égard de toute la terre… La préférence de l’intérêt général au personnel est la seule définition qui soit digne de la vertu, et qui doive en fixer l’idée. Au contraire, le sacrifice mercenaire du bonheur public à l’intérêt propre est le sceau éternel du vice.

Il nie contre Voltaire cette fois, contre l’auteur du Mondain, que le vice puisse concourir directement au bien public à l’égal de la vertu. Si les vices vont quelquefois au bien, c’est qu’ils sont mêlés de vertus, de patience, de tempérance, de courage ; c’est qu’ils ne procèdent pas en certains cas autrement que la vertu même ; mais, réduits à eux seuls, et s’ils se donnent carrière, ils ne sauraient tendre qu’à la destruction du monde. Et s’attaquant aux dérèglements de ceux qui visent à confondre ces distinctions aussi sensibles que le jour, il les presse sur l’évidence, il coupe court à leurs prétentions, sans tant raffiner qu’on a fait depuis sur la question épineuse et insoluble de la liberté morale :

Sur quel fondement ose-t-on égaler le bien et le mal ? Est-ce sur ce que l’on suppose que nos vices et nos vertus sont des effets nécessaires de notre tempérament ? Mais les maladies, la santé, ne sont-elles pas des effets nécessaires de la même cause ? les confond-on cependant, et a-t-on jamais dit que c’étaient des chimères, qu’il n’y avait ni santé, ni maladies ? Pense-t-on que tout ce qui est nécessaire n’est d’aucun mérite ?

Un moment il entre avec eux, il les suit dans leurs subtilités pour mieux les réduire :

Mais peut-être que les vertus que j’ai peintes comme un sacrifice de notre intérêt propre à l’intérêt public, ne sont qu’un pur effet de l’amour de nous-même. Peut-être ne faisons-nous le bien que parce que notre plaisir se trouve dans ce sacrifice. Étrange objection ! Parce que je me plais dans l’usage de ma vertu, en est-elle moins profitable, moins précieuse à tout l’univers, ou moins différente du vice, qui est la ruine du genre humain ? Le bien où je me plais change-t-il de nature ? cesse-t-il d’être bien ?

Telle est l’inspiration générale de Vauvenargues, celle par laquelle il rompt avec les moralistes du siècle précédent comme avec ceux de son siècle, et qui lui arrachera cette belle parole digne d’un ancien : « Nous sommes susceptibles d’amitié, de justice, d’humanité, de compassion et de raison. Ô mes amis ! qu’est-ce donc que la vertu ? »

Vauvenargues a l’âme antique, et, comme les plus éclairés des anciens, il n’est pas disposé à admettre si aisément des contradictions dans la nature. Aussi, quoique aucun écrivain n’ait plus agi sur lui que Pascal, quoiqu’il l’ait étudié et quelquefois imité quant au style, qu’il l’ait célébré magnifiquement comme le plus étonnant génie et le plus fait pour confondre, « comme l’homme de la terre qui savait mettre la vérité dans un plus beau jour et raisonner avec le plus de force », il se sépare de lui à l’origine sur un point capital, et l’on peut dire qu’il tend à être le réformateur de Pascal bien plus encore que son élève. Pascal fait porter en effet tout son raisonnement sur la contradiction intérieure, inhérente à la nature de l’homme, qui, selon lui, n’est qu’un assemblage monstrueux de grandeur et de bassesse, de puissance et d’infirmité, et qu’il veut convaincre à ses propres yeux d’être, sans la foi, une énigme inexplicable. Or, Vauvenargues, tout en reconnaissant les imperfections et les faiblesses dans l’homme, n’admet pourtant pas de ces contradictions fondamentales et de ces difficultés qui soient un nœud inextricable dès l’origine. Il arrête Pascal au début, dès les premiers mots, et c’est là qu’il faut effectivement l’arrêter, si l’on ne veut pas lui laisser le temps de faire en quelque sorte son nœud, dans lequel il vous tient ensuite et il vous serre.

Vauvenargues, sous une forme plus modeste, porte dans la morale quelque chose du génie vaste et conciliateur qu’on admire chez Leibniz, et que lui il n’a pas eu le temps de développer et d’étendre dans tout son jour. Il l’a pourtant, cette conception de l’ordre universel, et, jusque dans ses fragments de pensées, il le prouve par d’assez belles marques. Il n’est pas optimiste à l’aveugle, et son goût de prédilection pour Fénelon ne le jette pas dans la mollesse ni dans l’extrême indulgence. « En approfondissant les hommes, on rencontre des vérités humiliantes, mais incontestables », il le sait. Il sait, il sent, pour les avoir éprouvées, les misères de l’homme, et il échappe plus d’une fois à sa noble lèvre des mots trempés d’amertume. Mais ces plaintes qui s’élèvent de toutes parts et qui lui sortent du cœur à lui-même, il les réduit à leur valeur. En ses plus sombres moments, il reconnaît « qu’il y a peut-être autant de vérités parmi les hommes que d’erreurs, autant de bonnes qualités que de mauvaises, autant de plaisirs que de peines : mais nous n’accusons que nos maux ». Son impartialité de vue l’élève au-dessus des souffrances partielles, même personnelles, et des accidents : « Si l’ordre domine après tout dans le genre humain, c’est une preuve, se dit-il, que la raison et la vertu y sont les plus fortes. »

La vraie biographie de Vauvenargues, l’histoire de son âme est toute dans ses écrits ; c’est un plaisir de l’en dégager et de se dire avec certitude, en soulignant au crayon tel ou tel passage : Ici c’est bien lui qui parle, c’est de lui-même qu’il a voulu parler. Quand il traite de la grandeur d’âme, comme on sent l’homme qui en a le modèle en lui et qui en possède la noble réalité ! La médiocrité de sa condition l’étouffe, et il lui faut toute sa vertu pour ne pas s’aigrir. Vauvenargues avait l’imagination tournée à l’histoire, à l’action, je l’ai dit ; homme de race noble et fière, il manquait, malgré sa modestie, de cette qualité plus naïve et plus humble qui fait que des âmes naturelles ont gagné à se rapprocher du peuple et y ont puisé des inspirations habituelles et plus vives. Il a peu, ou plutôt il n’a pas le sentiment des beautés de la nature : dans la nature il ne considère volontiers que l’homme et la société ; Vauvenargues portait en lui le besoin d’être un grand homme historiquement. Le voyez-vous dans son petit hôtel de la rue du Paon, malade, mourant, ne se plaignant jamais devant ses amis, mais laissant quelquefois échapper sur le papier le secret de cette apparence tranquille : « Qu’importe à un homme ambitieux qui a manqué sa fortune sans retour, de mourir plus pauvre ? » Il ne se résigne pas toujours si aisément, il s’écrie :

Si l’on pouvait, dans la médiocrité, n’être ni glorieux, ni timide, ni envieux, ni flatteur, ni préoccupé des besoins et des soins de son état, lorsque le dédain et les manières de tout ce qui nous environne concourent à nous abaisser ; si l’on savait alors s’élever, se sentir, résister à la multitude… ! Mais qui peut soutenir son esprit et son cœur au-dessus de sa condition ? Qui peut se sauver des misères qui suivent la médiocrité ?

Et il laisse pressentir quelques-unes de ces misères :

Dans les conditions éminentes, la fortune, au moins, nous dispense de fléchir devant ses idoles. Elle nous dispense de nous déguiser, de quitter notre caractère, de nous absorber dans les riens… Enfin, de même qu’on ne peut jouir d’une grande fortune avec une âme basse et un petit génie, on ne saurait jouir d’un grand génie ni d’une grande âme dans une fortune médiocre.

Il revient en maint endroit, d’une manière détournée, sur ce qu’il y a d’étroit et de gênant dans une existence privée pour « un particulier qui a l’esprit naturellement grand. » On reconnaît à ces retours et à ces regrets mal étouffés l’homme qui, même en se vouant aux lettres, ne pouvait s’empêcher de penser que le cardinal de Richelieu était encore au-dessus de Milton.

M. Villemain a cité de lui, comme une image fidèle et à peine voilée, le portrait qu’il a tracé de Clazomène. Je ne le retrouve pas moins vivement exprimé et hautement reconnaissable dans cet autre portrait qui a pour titre : « L’homme vertueux dépeint par son génie ». En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même :

Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints. J’aime à croire que celui qui a conçu de si grandes choses n’aurait pas été incapable de les faire. La fortune qui l’a réduit à les écrire me paraît injuste. Je m’informe curieusement de tout le détail de sa vie ; s’il a fait des fautes, je les excuse, parce que je sais qu’il est difficile à la nature de tenir toujours le cœur des hommes au-dessus de leur condition. Je le plains des pièges cruels qui se sont trouvés sur sa route, et même des faiblesses naturelles qu’il n’a pu surmonter par son courage. Mais lorsque, malgré la fortune et malgré ses propres défauts, j’apprends que son esprit a toujours été occupé de grandes pensées, et dominé par les passions les plus aimables, je remercie à genoux la Nature de ce qu’elle a fait des vertus indépendantes du bonheur, et des lumières que l’adversité n’a pu éteindre.

Ces passions aimables dont parle Vauvenargues, et qui, à son sens, dominent le Vertueux même, nous avertissent du rôle que ne cessa de réserver aux passions ce stoïcien aimable et tendre, tourné à l’activité et attentif à nourrir dans l’homme tout foyer d’affection. On le voit perpétuellement occupé de rechercher et d’entretenir le rapport du sentiment à l’idée, se faisant scrupule de retrancher aucun mobile naturel, et trop heureux de favoriser toute inspiration salutaire ou généreuse : « Si vous avez, disait-il à un jeune ami, quelque passion qui élève vos sentiments, qui vous rende plus généreux, plus compatissant, plus humain, qu’elle vous soit chère ! » Il a résumé toute sa théorie à cet égard dans ce mot si souvent cité, et qui, déjà dit par d’autres13, restera attaché à son nom, comme au nom de celui qui était le plus digne de le trouver et de le dire : « Les grandes pensées viennent du cœur. »

Comme critique littéraire, et dans les jugements qu’il porte au début sur les écrivains qui ont été le sujet favori de ses lectures, Vauvenargues n’est pas sans inexpérience : sur Corneille, dont l’emphase lui répugne jusqu’à lui masquer même les hautes beautés, sur Molière dont il ne sent pas la puissance comique, Voltaire le redresse avec raison, avec une adresse de conseil délicate et encore flatteuse : Vauvenargues reprend ses avantages quand il parle de La Fontaine, de Pascal ou de Fénelon. Dans ses premiers jugements on peut dire que Vauvenargues fait son éducation littéraire plume en main, et que nous y assistons. Mais ce qu’il est surtout et dès l’abord, c’est un excellent écrivain, ne participant en rien aux défauts du jour, et puisant dans la sincérité de sa pensée une expression nette et lumineuse. Voltaire lui-même, si clair et si limpide, n’a pas à ce degré, dans les termes qu’il emploie, de ces empreintes de justesse et d’acception. Je ne parle pas des morceaux où Vauvenargues prélude et où il n’est pas encore dégagé de toute rhétorique et de toute déclamation ; mais, dans ses bonnes pages, il a mis un cachet qui les signe. Il a proprement cette netteté qui est l’ornement de la justesse. Il a, je le répète, l’excellence de l’acception, une énergie sans trace d’effort. Les images chez lui sont rares et sobres ; on a souvent cité ces mots charmants :

Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire.

 

Les orages de la jeunesse sont environnés de jours brillants.

 

Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme.

Périclès, ayant à parler de guerriers morts pour la patrie, disait : « Une ville qui a perdu sa jeunesse, c’est comme l’année qui aurait perdu son printemps. » Vauvenargues a de ces traits d’une imagination jeune, nette et sobre, comme on se les figure chez Xénophon et chez Périclès.

Et il les a d’autant mieux, notez-le bien, qu’il n’avait guère lu les anciens, ni grecs ni latins, et qu’il ne savait pas leur langue. Qu’importe ! il est plus sûrement de leur famille par l’instinct et le naturel, que l’abbé Barthélemy par l’esprit et l’érudition.

Ceux qui sont nés éloquents, dit encore Vauvenargues, parlent quelquefois avec tant de clarté et de brièveté des grandes choses, que la plupart des hommes n’imaginent pas qu’ils en parlent avec profondeur. Les esprits pesants, les sophistes ne reconnaissent pas la philosophie lorsque l’éloquence la rend populaire, et qu’elle ose peindre le vrai avec des traits fiers et hardis. Ils traitent de superficielle et de frivole cette splendeur d’expression qui emporte avec elle la preuve des grandes pensées

On n’oserait dire qu’il a lui-même atteint à cette splendeur d’expression, et qu’il en soit venu par l’éloquence à rendre la philosophie populaire ; mais il était en voie d’y arriver, et l’on pouvait espérer de trouver en lui, s’il avait vécu, un Locke concis, élégant et éclatant, et avec des hauteurs d’âme inconnues à l’autre.

On a discuté sur la religion de Vauvenargues : il me semble qu’à y regarder de bonne foi et sans prévention, on ne saurait pourtant s’y méprendre. Il n’y a nul doute que Vauvenargues ne fût religieux ; cela ressort de ses écrits, et Marmontel a dit de lui qu’il est mort « avec la constance et les sentiments d’un chrétien philosophe ». Voltaire, lui écrivant sur une première lecture de son livre, après maint éloge ne peut s’empêcher d’ajouter : « Il y a des choses qui ont affligé ma philosophie ; ne peut-on pas adorer l’Être suprême sans se faire capucin ? N’importe ! tout le reste m’enchante ; vous êtes l’homme que je n’osais espérer. » Ces choses qui affligeaient la philosophie de Voltaire sont la Méditation sur la foi et la Prière qui la suit, deux pièces qui avaient sans doute quelques années de date et que Vauvenargues crut devoir insérer néanmoins dans sa première édition. Pourtant on trouvait, dans les Pensées et Paradoxes qui venaient aussitôt après ces deux morceaux, plus d’un trait en désaccord avec la doctrine chrétienne rigoureuse ; la seule manière dont Vauvenargues y parle de la mort qui ne doit pas être, selon lui, le but final et la perspective de l’action humaine, et qui lui paraît en elle-même la plus fausse des règles pour juger d’une vie, cette façon d’envisager l’une des quatre fins de l’homme est trop opposée au point de vue de l’orthodoxie et en même temps trop essentielle chez Vauvenargues pour laisser aucun doute sur la direction véritable de ses pensées. Quelles qu’aient pu être antérieurement les opinions par lesquelles il avait passé, Vauvenargues, à cette date de 1746 et jusqu’à sa mort, était donc et demeura dans des sentiments religieux, élevés, mais philosophiques et libres. Seulement, en homme respectueux et sage, il évitait de porter la controverse sur ce terrain, où ses amis, n’ayant pu l’attirer lui-même, essayèrent depuis d’entraîner sa mémoire. Voltaire et même M. Suard ont été, après sa mort, infidèles à son esprit par la manière dont ils l’ont tiré à eux de ce côté. Il ne pouvait certes, légitimement, être invoqué à l’appui des opinions de la propagande philosophique, celui qui a dit : « Le plus sage et le plus courageux de tous les hommes, M. de Turenne, a respecté la religion ; et une infinité d’hommes obscurs se placent au rang des génies et des âmes fortes, seulement à cause qu’ils la méprisent ! »

Vauvenargues était des plus sensibles à l’amitié, et il y a porté des délicatesses et des tendresses qu’il semblait avoir dérobées à l’amour. Il veut qu’on suive ses amis, non seulement dans leurs disgrâces, mais jusque dans leurs faiblesses, et qu’on ne les abandonne jamais. Est-il rien de plus délicat, de plus aimable, de plus pratique et de plus encourageant, que les Conseils qu’il donne à un jeune ami ? Bien que jeune lui-même, il inspirait de la vénération, et plusieurs de ses compagnons d’armes le traitaient comme ils eussent fait un père. Ce qu’il aimait dans la jeunesse, c’était le naturel, la pudeur, les grâces déjà sérieuses, la modestie unie à une honnête confiance, l’amour de la vertu. Il avait en horreur et en mépris la fatuité et la frivolité si en vogue à cette date, ce ton de légèreté et de persiflage à la mode, que Gresset a pris sur le fait dans Le Méchant, et qui faisait la gloire des brillants Stainville. On ne voit pas qu’il ait été occupé des femmes dans les années où il écrit, et le peu qu’il en dit nous montre un homme revenu : « Les femmes ne peuvent comprendre, dit-il, qu’il y ait des hommes désintéressés à leur égard. » Il semble que, brisé avant l’âge par les maladies, il se soit retranché sur ce point jusqu’aux regrets stériles : « Ceux qui ne sont plus en état de plaire aux femmes et qui le savent, s’en corrigent. » Sans être insensible aux lumières de son temps et sans y fermer les yeux, il était loin de s’en exagérer l’importance, et il se préoccupait du perfectionnement moral intérieur, bien plus que de cette perfectibilité générale à laquelle il est si commode de croire et de s’abandonner. « Avant d’attaquer un abus, pensait-il, il faut voir si on en peut ruiner les fondements. » C’est à quoi les philosophes du xviiie  siècle songèrent trop peu, et ils ne se demandèrent jamais, comme lui, s’il n’y a pas « des abus inévitables qui sont des lois de la nature ». Vauvenargues, en opposition ouverte avec les illusions de son temps, disait encore ; « Jusqu’à ce qu’on rencontre le secret de rendre les esprits plus justes, tous les pas qu’on pourra faire dans la vérité n’empêcheront pas les hommes de raisonner faux » ; et c’est ainsi, selon lui, que « les grands hommes, en apprenant aux faibles à réfléchir, les ont mis sur la route de l’erreur ». Il écrivait cela en face de Voltaire et à la veille de Jean-Jacques Rousseau. Dans l’ordre des connaissances et des jugements, il pensait que « l’effet d’une grande multiplicité d’idées, c’est d’entraîner dans des contradictions les esprits faibles ». Dans l’ordre des sentiments et du goût, il ne croyait pas que nous fussions du tout au-dessus des peuples anciens, plus voisins que nous de l’instinct de la nature : « On instruit notre jugement, disait-il, on n’élève point notre goût. » Telle était la conviction raisonnée de l’homme qui travailla le plus à son perfectionnement moral intérieur : rien n’eût été plus antipathique à Vauvenargues que le faux Condorcet.

Ce n’est pas à dire que Vauvenargues fût pour le maintien des abus ni pour l’immobilité de la société : il veut tout ce qui retrempe une nation, tout ce qui corrige utilement le vice de la décadence. Une trop longue paix lui paraît funeste : « La paix, dit-il, rend les peuples plus heureux et les hommes plus faibles. » Et il ajoute excellemment : « La guerre n’est pas si onéreuse que la servitude. » Ce n’est pas tant de la servitude du dehors qu’il s’agit ici que de celle du dedans et de la lâcheté qui envahit les âmes : « La servitude, dira-t-il encore, abaisse les hommes jusqu’à s’en faire aimer. » Cet abaissement général est ce qu’il craint avant tout, et il veut qu’à tout prix on le conjure : « Il faut permettre aux hommes de faire de grandes fautes contre eux-mêmes, pour éviter un plus grand mal, la servitude. » Il y a des commencements de révolution dans ce mot-là. Au reste, pour se figurer la ligne de hardiesse et à la fois de modération qu’eût affectionnée et suivie Vauvenargues dans des circonstances différentes et dans les conjonctures publiques qui ont éclaté depuis, il me semble que nous n’avons qu’à le considérer en un autre lui-même, et à le reconnaître dans André Chénier.

Si Vauvenargues avait seulement vécu quelques années de plus, il allait se trouver dans une portion délicate et singulière. Quand il mourut, le xviiie  siècle était à la veille d’entrer dans la seconde moitié si orageuse et si disputée de sa carrière. En face de l’Encyclopédie, du livre d’Helvétius, des premiers paradoxes de Jean-Jacques Rousseau, et de cette croisade philosophique universelle, qu’aurait fait, qu’aurait dit Vauvenargues ? Il y a fort à rêver là-dessus. La ligne moyenne des Turgot et des Malesherbes eût été sans doute la sienne ; mais il est à croire que, généreux et brave comme il était, il eût rompu en visière aux erreurs même de ses amis, et qu’il eût protesté autrement encore que par son silence. Il est mieux peut-être qu’il ait été retiré avant une plus longue épreuve. C’eût été un trop grand contraste et une trop grande infraction aux lois d’une époque, qu’un écrivain de cette pureté, de cette hauteur et de cette simplicité, persistant sous des cieux si différents et dans un climat de plus en plus contraire. La nature voulut le montrer à son siècle comme un dernier exemplaire de l’âge précédent ; puis elle le retira avec une pudeur jalouse.

Vauvenargues, dans tout ce qu’on lit et qu’on sait de lui, apparaît comme un esprit d’une forte trempe, comme une âme d’une grande élévation et un grand cœur. Il offre le rare exemple d’un homme supérieur longtemps retenu au-dessous de son niveau, comprimé, abreuvé de disgrâces, qui ne s’aigrit ni ne se révolte, mais prend sa revanche noblement et se rouvre la carrière dans l’ordre de l’esprit avec vigueur et sérénité. Lui qui a tant souffert et si peu réussi, il croit que le plus sûr moyen de faire sa fortune, c’est encore de la mériter ; qu’il n’y a que le mérite réel pour aller directement à la gloire ! Sans faux enthousiasme, sans ressentiment, il a jugé l’humanité dans la juste mesure. Involontairement et si l’on n’y prend garde, quand on juge l’humanité, on se laisse influencer par l’arrière-pensée du rang qu’on y tiendrait soi-même ; on est porté à l’élever ou à la rabaisser selon qu’on se sent au-dedans plus ou moins de vertu, plus ou moins de portée et d’essor. Vauvenargues avait intérêt à ce que le milieu de l’humanité fût le plus haut possible, certain qu’il était d’y atteindre. Il ne mettait cependant point ce milieu trop haut. Il a reconnu les vices et les défauts des hommes, mais il les a reconnus avec douleur, sans cette joie maligne qui ressemble à une satisfaction et à une absolution qu’on se donne en secret, de même qu’il a maintenu les grandes lignes, les parties saines et fortes de la nature, sans cet air de jactance par lequel on semble s’exalter en soi et s’applaudir. Placé entre les moralistes un peu chagrins du xvie  siècle et les philosophes témérairement confiants du xviiie , il n’a pas enflé la nature de l’homme, et il ne l’a pas dénigrée. C’est un Pascal adouci et non affaibli, qui s’est véritablement tenu dans le milieu humain, et qui ne s’est pas creusé d’abîme14.