(1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »
/ 1745
(1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Mémoires de madame Roland

Publiés d’après les manuscrits.
Étude sur la même
Par M. Dauban37.

« Les œuvres de Mme Roland excitèrent mon admiration. L’apparition de pareils talents et de pareils caractères sera peut-être le principal avantage que des temps malheureux auront procuré à la postérité. Ce sont ces caractères qui donnent une si haute valeur aux jours les plus abominables de l’histoire du monde. »

Gœthe (Annales, 1820).

On pouvait croire que tout était dit sur Mme Roland : toutes les opinions s’étaient produites, et toutes les révélations semblaient faites à son sujet. Après ses Mémoires plusieurs fois publiés et accompagnés d’éclaircissements — par Bosc d’abord (1795), — puis par Champagneux (1800), — puis par M. Barrière (1820), — on avait retrouvé et donné des séries de sa Correspondance privée, ses Lettres à Bancal des Issarts (1835), — d’autres Lettres de sa première jeunesse, adressées aux demoiselles Cannet (1841). Nos célèbres historiens, Thiers, Lamartine, Michelet, Louis Blanc, avaient tour à tour parlé d’elle et fait entendre les accents de la patrie, de la poésie et de l’histoire. L’espèce d’insurrection montagnarde qui s’était tout à coup réveillée et soulevée contre elle avec fureur, grâce à je ne sais quel appel insensé (je ne puis trouver un autre mot) et à je ne sais quelle aberration d’auteurs d’ailleurs estimables, MM. Bûchez et Roux, dans leur Histoire parlementaire de la Révolution française, était de nouveau apaisée, vaincue et mise à la raison. Ces esprits prévenus, en s’avisant de contester contre toute évidence l’authenticité des Mémoires de Mme Roland, n’avaient persuadé personne et n’avaient réussi qu’à faire douter d’eux-mêmes et de leur sens critique. Les doux et sensibles montagnards comme Esquiros semblaient, par un mouvement de sympathie meilleure, accepter et amnistier Mme Roland. Cette noble figure n’avait contre elle que les casse-cou de l’histoire et les invectives qui honorent. En un mot, toutes les nuances possibles d’opinion, comprises dans une admiration commune pour le caractère et la destinée d’une pure et illustre victime, étaient sorties au grand jour et se maintenaient en présence. Qu’arrive-t-il donc d’imprévu aujourd’hui ? que se passe-t-il ? Voilà des études nouvelles qui s’annoncent, des éditions de ses Mémoires qui se font concurrence et qui se vantent d’effacer et d’anéantir toutes les précédentes. M. Dauban nous en donne une, et avec luxe, avec magnificence ; M. Faugère nous en promet une autre, et cet homme exact ne fait rien à demi. M. Dauban joint à la sienne une Étude détaillée avec des lettres inédites et neuves. C’est une suite de coups de trompette ; c’est à qui arrivera le premier. On s’enflamme comme pour une découverte, comme pour une primeur de vérité. Examinons un peu de sang-froid ce qui en est et l’état de la question.

I.

Mme Roland avait péri le 9 novembre 1793 : Robespierre tombait le 9 thermidor (27 juillet 1794) ; moins d’un an après, dans l’été de 1795, parurent les Mémoires de Mme Roland ; ils avaient pour titre : Appel à l’impartiale Postérité par la citoyenne Roland, femme du ministre de l’intérieur ; ou Recueil des écrits qu’elle a rédigés pendant sa détention aux prisons de l’Abbaye et de Sainte-Pèlagie ; imprimé au profit de sa fille unique, privée de la fortune de ses père et mère, dont les biens sont toujours séquestrés. L’ouvrage ne parut d’abord que par parties ; il se vendait chez Louvet, l’un des Girondins échappés à la mort et qui, rentré à la Convention, s’était établi, avec sa Lodoïska, libraire dans la galerie de Bois, au Palais-Royal, autrement dit Maison-Égalité. C’était Bosc, le fidèle ami de Mme Roland, qui se hâtait de donner cette première édition, accueillie avidement par le sentiment public. On était alors dans le plein torrent du mouvement thermidorien, et tout ce qui était dans ce sens en faveur des proscrits de la veille, avait la vogue et faisait fureur. Transportons-nous un peu en idée à ce moment-là et demandons-nous quelles étaient les conditions d’une publication pareille. Bosc dut nécessairement faire quelques retranchements au manuscrit : et lesquels ? On les indiquerait d’ici presque à coup sûr, rien qu’en y ressongeant. Ildut retrancher, s’il y en avait, quelques passages trop naturels, trop véridiques, sur des accidents de jeune fille, des confidences trop vives ou trop nues. Convenait-il qu’un livre, publié au profit de la fille de l’auteur, et d’une fille d’un âge si tendre, contînt de semblables passages ? S’il y avait trace aussi et aveu de quelque passion d’âge mûr, de quelque mystère de cœur, opposé au sentiment parfait d’une épouse fidèle, convenait-il de laisser de tels endroits et de découvrir le sein au défaut de la cuirasse ? L’éditeur dut également retrancher ces endroits et faire de son mieux pour les dissimuler. Remarquez que Mme Roland, quand elle écrivait ainsi ses confidences et qu’elle notait ses souvenirs, ne pouvait prévoir le moment exact où on les publierait ; elle pouvait juger ce moment beaucoup plus éloigné qu’il ne devait l’être en effet. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au gré des amis de l’auteur, Bosc ne prit point encore assez de précautions ; car, au milieu de remerciements et d’éloges mérités, on lui reprocha non seulement d’avoir laissé « des redites qu’il eût été aussi facile que nécessaire d’éviter », mais encore de n’avoir pas émoussé ou retiré certains traits cruels et injustes. La Décade, organe des plus purs amis de Mme Roland, s’exprimait en ces termes par la plume de Ginguené :

« Dans les portraits, il y a quelquefois de la justesse, quelquefois des peintures hasardées et même fausses, et souvent une exagération soit en bien, soit en mal, qui peut mécontenter les amis de ceux que l’auteur loue, presque autant que les amis de ceux qu’elle censure. Quelques adoucissements, quelques suppressions étaient de la prudence et peut-être du devoir de l’éditeur. L’idée récente encore et, pour ainsi dire, présente de son amie était si grande et si honorable, son image empreinte dans l’âme de tous les amis de la patrie et de l’humanité était si noble et si touchante, qu’il fallait, en quelque sorte, avoir pour elle un respect religieux et ne rien laisser paraître sous son nom qui pût mêler une idée de malignité d’esprit, de préventions et de petitesses féminines, à celle d’un si beau caractère, d’une telle virilité d’âme et d’un si auguste malheur. »

Tel était le sentiment des contemporains immédiats, et il ne faut jamais le perdre de vue dans nos appréciations à distance. C’est un sentiment analogue qui, le lendemain de la mort de Pascal et lorsque ses amis avaient à publier ses Pensées qui ne sont pour la plupart que les extraits de ses informes petits papiers, les porta presque unanimement à atténuer ou à éclaircir plus d’un passage, à sauver plus d’une hardiesse, à adoucir plus d’une témérité. Encore une fois, mettons-nous à la place de ces premiers éditeurs : il n’est pas un seul d’entre nous qui, chargé au lendemain de la mort d’un ami célèbre de mettre en ordre ses papiers et d’en tirer la matière d’une publication réclamée et opportune, ne prenne garde, n’hésite plus d’une fois en vue même d’une mémoire respectée, ne conçoive des scrupules et n’estime quelques retranchements nécessaires, provisoirement du moins. Les plus rigoureux partisans de l’entière fidélité seraient eux-mêmes de cet avis assurément, s’ils avaient affaire à des reliques non refroidies. M. Cousin, qui a poussé à fond l’application de sa doctrine à propos des papiers de Pascal et qui l’a proclamée sur tous les tons jusqu’à en faire une sorte d’article de foi littéraire, a-t-il trouvé mauvais, par exemple, que dans la publication du Journal intime de Maine de Biran, on ait retranché tous les passages où lui, M. Cousin, était montré au naturel et qui lui eussent été désagréables ? En supprimant ces endroits, on a fait un sacrifice à la convenance et peut-être à la justice, puisque M. Cousin s’était toujours posé on défenseur et admirateur de Maine de Biran ; une entière fidélité eût ressemblé ici à de l’ingratitude. M. Dauban, l’éditeur actuel des Mémoires de Mme Roland et qui arrive à sa date, 71 ans après la mort de cette femme illustre, a beau jeu pour venir nous développer aujourd’hui sa doctrine austère ; il est bon, toutefois, de l’entendre à ce sujet. Nous avons vu de quelle nature étaient les reproches adressés par la Décade et par les contemporains amis au premier éditeur : écoutons le dernier éditeur maintenant, et admirons la contrariété des points de vue :

« Nous avons poussé le scrupule, dit M. Dauban, jusqu’à reproduire non seulement ce qui avait été précédemment omis, mais ce que d’autres mains que celle de Mme Roland ont effacé. À cet égard, nous ferons avec une entière franchise notre déclaration de principes. Toute altération d’un manuscrit de Mémoires, quelle que soit l’intention qui l’a inspirée, lorsqu’elle modifie la donnée fournie par l’auteur, la base de l’étude du moi humain, nous paraît un abus de confiance soit envers le mort qui ne peut protester, soit envers le public qui se trouve abusé. Nul n’a le droit de dénaturer le sujet qui se met sur la table de dissection pour l’enseignement du genre humain. Vous voulez défendre contre lui-même, dites-vous, le souvenir d’un mort illustre ? Mais ne voyez-vous pas que c’est aux dépens de la société, qui a intérêt à ce que, devant ses contemporains comme devant la postérité, chacun soit jugé selon ses œuvres, estimé à son prix, et qui peut tirer un immense profit de la sincérité de l’expérience dont on lui a transmis les résultats ? Vous voulez faire prendre un morceau d’alliage pour de l’or ; vous fraudez. Vous supprimez des Confessions l’histoire du ruban et de Mme de Warens ; vous ne voulez pas que je sache que Rousseau a mis ses enfants à l’hospice, qu’il a laissé accuser un innocent du vol dont il était l’auteur ; et cependant Rousseau avait voulu que ces choses fussent connues. Ces renseignements, qui à certains égards me mettent en défiance contre les séductions de ce grand esprit, vous les faites disparaître. De quel droit, je vous le demande ? Qui vous permet de mutiler la créature de Dieu, de cacher l’infirmité, le défaut, le vice, la difformité, le malheur qu’a fait naître ou développer en lui telle passion, telle doctrine, telle habitude, tel milieu social ?… Ce détail est cynique, dites-vous ? Eh bien, il caractérise la personne ou l’époque ; laissez-le… »

Cela est juste à la rigueur, mais cela est dit d’un ton bien solennel et vraiment un peu déclamatoire. On ne le prendrait pas de plus haut s’il s’agissait de la Déclaration des Droits de l’Homme. Mutiler la créature de Dieu ! est-ce bien la peine de faire intervenir Dieu et de prendre à témoin la société tout entière, la postérité et le genre humain, pour se donner le droit de rétablir, au profit d’une édition plus complète et qu’on veut autoriser, quatre ou cinq passages, quelques-uns lestes en effet et assez indécents, qu’un peu de réflexion ou un bon conseil eussent très probablement fait retrancher à l’auteur, s’il avait eu le temps de consulter ou de se relire ? Mais enfin je reconnais que la doctrine exprimée par M. Dauban est bonne dans son ensemble et doit être suivie dans la généralité de l’usage, à la condition toutefois qu’on y mettra un correctif : c’est que lorsqu’on est appelé à publier les écrits inédits d’un auteur mort d’hier, les considérations les plus respectables peuvent déterminer celui qui en est l’éditeur non pas à altérer (il ne le faut jamais), mais à affaiblir ou mieux à ajourner en quelque point l’expression entière des pensées ou des jugements.

C’était précisément le cas au lendemain de la mort de Mme Roland, et quand ses Mémoires furent publiés pour la première fois ; c’était le cas encore tant que vécut sa fille, à laquelle il eût été pénible de laisser percer dans les écrits de sa mère un sentiment dont son père aurait rougi et dont il avait souffert. Je le demande à tous ceux qui ont le sentiment et le culte de la famille : Mme Roland avoue qu’elle aima à la fin un autre homme que son mari, qu’elle l’aima en tout bien, tout honneur, mais enfin qu’elle l’aima d’amour et de passion ; elle confesse que son mari, à qui elle crut en devoir faire l’aveu, en souffrit, comme c’était bien naturel et en ressentit de la jalousie. Le premier éditeur, Bosc, qui est le tuteur ou comme le tuteur de l’orpheline Eudora, supprime ces passages : était-ce à M. Champagneux, le beau-père de cette même Eudora qui avait épousé l’un de ses fils, était-ce plus tard à Mme Champagneux elle-même, cette fille pieuse, d’introduire et de laisser rétablir de tels passages dans les éditions qui ont suivi ? Nous pouvons le faire, nous, aujourd’hui ; nous le devons même, je l’admets avec M. Dauban ; mais est-ce la peine de tant se targuer de sa rigidité de doctrine ? Elle est bien facile à appliquer présentement, cette doctrine : il s’agit d’aller à la Bibliothèque impériale où le manuscrit est déposé, de bien lire et de copier exactement.

II.

Les passages, rétablis avec beaucoup de soin d’ailleurs et d’exactitude par M. Dauban38, sont de plus d’un genre et de plus d’une nature ; je les énumérerai eu peu de mots.

1° Ce sont des passages qui touchent la pudeur ou la décence. Il en est un entre autres, de quatre grandes pages, qui est rétabli dans l’édition de M. Dauban (pages 21-26) ; c’est l’histoire d’une tentative de séduction exercée sur la jeune Phlipon par un jeune apprenti qui travaillait dans l’atelier de son père. « Je suis un peu embarrassée », dit Mme Roland lorsqu’elle en vient à cette histoire, « de ce que j’ai à raconter ici ; car je veux que mon écrit soit chaste, puisque ma personne n’a pas cessé de l’être, et pourtant ce que je dois dire ne l’est pas trop. » Et en finissant ce récit, de tout point fort circonstancié, elle ajoute :

« L’impression de ce qui s’était passé demeura si forte chez moi que, même dans l’âge des lumières et de la raison, je ne me le rappelais qu’avec peine ; que je n’en ai jamais ouvert la bouche à une intime amie qui eut toute ma confiance ; que je l’ai constamment tu à mon mari, à qui je ne cèle pas grand’chose, et qu’il m’a fallu faire dans ce moment même autant d’efforts pour l’écrire que Rousseau en fit pour consigner l’histoire de son ruban volé, avec laquelle la mienne n’a pourtant pas de comparaison. »

Je sais bien d’autres histoires des Confessions avec lesquelles celle-ci a plus de ressemblance qu’avec le ruban volé, et ce sont les plus laides ; il suffit, je ne les indiquerai pas avec plus de précision. Eh bien ! franchement, si ami que je sois de la réalité, je regrette que Mme Roland n’ait pas obéi jusqu’à la fin au sentiment de répulsion instinctive qui lui avait fait ensevelir en elle ce triste détail, et qu’elle ait cru devoir consigner si au long un incident plus que désagréable ; pour l’excuser, pour m’expliquer cette franchise que personne au monde ne lui demandait à ce degré, j’ai besoin de me représenter l’autorité suprême et l’ascendant prestigieux que l’exemple de Rousseau avait pris sur elle et sur les personnes de sa génération. Nous y avons tous cédé plus ou moins dans nos propres confessions aussi, en vers ou en prose ; mais elle, elle était femme et devait s’en souvenir ; elle pouvait, si elle le voulait absolument, indiquer le fait en glissant un peu ; il y a manière de tout faire comprendre et de tout dire ; mais cette confidence de sang-froid, sous la plume d’une belle personne restée honnête et qui s’appesantit sur une sale image, est tout à fait déplaisante. Ajoutez qu’elle part de là tout aussitôt pour prêcher et moraliser : « Arrêtons-nous ici un moment, dit-elle, et que les mères considèrent avec effroi l’étendue de la vigilance qui leur est imposée ; tout conspire contre les tendres dépôts qui leur sont confiés, et la conservation de leur intégrité n’appartient qu’à une rare prudence… » Et voilà toute une leçon de vertu qui commence : il est bien temps ! Comme si, en consignant ce vilain détail dans ses Mémoires, — un de ces détails pour lesquels le président d’un tribunal ordonne le huis-clos, — elle n’avait pas commis par là même un acte immortel d’impudeur et n’avait pas donné jour à un récit que désormais les mères ne seraient pas seules à y chercher et que les jeunes filles, en ouvrant le volume, pourraient également y lire. C’est une faute, et plus qu’une faute ; c’est un manque de tact de la part d’une femme qui en avait cependant beaucoup. En ceci le ton de la Révolution et l’imitation de Jean-Jacques l’ont égarée.

Je dis imitation, car avec son talent d’écrire Mme Roland n’est pas originale. Il y a, je le maintiens, dans cette vilaine page, de la mauvaise imitation de Rousseau, et de la pire. C’est le cynisme du philosophe que la femme pure s’est crue obligée de suivre à la trace, même quand elle le faisait avec dégoût. On dirait vraiment qu’elle y a mis de la conscience comme pour un devoir pénible. Ah ! que Mme de Staël, disciple également de Jean-Jacques, mais disciple plus libre dès ses débuts et bien autrement originale que Mme Roland par le tour d’esprit et la manière de dire, ah ! que Mme de Staël ne commettait point de ces fautes-là ! Et puis Mme de Staël savait la vie, le grand monde, les vraies fautes, et par cela même était plus contenue et plus chaste en paroles. Mme Roland a ici l’impudeur d’une honnête femme qui fait la forte. Quelqu’un me dit, après avoir lu ce récit : « C’est le dévergondage de la vertu. »

Je n’aime pas à prédire, et je désire me tromper ; mais soyez sûr que la page déshonnête, inutile, et qu’un coup de ciseau filial aurait bien fait de couper, va prendre désormais une place disproportionnée dans les Mémoires restaurés de Mme Roland. Oh ! la belle arme aux mains des ennemis ! Quel triomphe pour tous ceux qui lui contestent la délicatesse !

D’autres passages, relatifs à l’époque de la puberté, déjà donnés, puis ôtés, puis remis tour à tour par les précédents éditeurs, se trouvent entièrement rétablis par M. Dauban, avec une jolie phrase en sus et dont la grâce vive est, après tout, sans inconvénient (page 66).

Une autre phrase plus que risquée, à propos de Tacite (p. 181), et qui aurait bien pu sans dommage rester au bout de sa plume, prouverait tout au plus que Mme Roland, lorsqu’elle écrivait, n’était pas moins gaillarde que Mme de Sévigné. Mais, à la différence de Mme de Sévigné, les gaillardises de Mme Roland ne viennent pas de tempérament ni de nature ; elles ne rappellent de près ni de loin le Rabelais ni le Molière ; elles sont, de parti pris, philosophiques, et on sent trop que l’auteur ne se les permet que d’après le ton d’alentour et comme pour être soi-même à la hauteur. Aussi elles déplaisent et détonnent. La gaudriole ni l’extrême gaieté ne sont pas le fait de cette noble et sensible nature qui avait de l’égalité, et dont la sphère habituelle et coutumière était le sérieux varié d’enjouement. Mme Roland peut, par instants, faire la gaillarde ; elle ne l’est pas.

2° Quelques rectifications et additions ont un sens politique ou personnel. Bosc avait eu d’abord à prendre garde de blesser bien des vivants qui n’étaient pas du groupe pur des Girondins et qui appartenaient à d’autres fractions moins tranchées de la Convention. À un endroit, par exemple, Mme Roland avait englobé tous les prêtres, mêlés à la Révolution, de quelque communion qu’ils fussent, dans une même accusation d’hypocrisie, dans un seul et même anathème. Cette page inique et faite pour offenser indistinctement ceux qui étaient nommés comme ceux qui ne l’étaient pas, et les Grégoire, et les Sieyès, et les Daunou, cette page outrageuse pour des morts et des victimes de la veille comme Rabaut et Fauchet, avait été biffée, et avec grande raison. Quoiqu’on ait reproché à Bosc d’avoir laissé subsister trop de personnalités blessantes, il avait adouci ou écourté quelques jugements.

3° Une suppression singulière et qui, selon la remarque de M. Dauban, devient pour nous un symptôme significatif de l’esprit du temps où l’ouvrage fut d’abord publié, est celle-ci. À la fin des Mémoires particuliers qui traitent de son enfance et de sa jeunesse, antérieurement à la vie publique, Mme Roland, dans une apostrophe ardente, s’écriait : Nature, ouvre ton sein ! Dieu juste, reçois-moi ! Cela fait un vers. Or Rose avait jugé à propos de ne laisser que le premier hémistiche, la moitié du cri et du vœu exprimé : Nature, ouvre ton sein ! Le Dieu juste avait disparu, et la suppression avait été maintenue depuis par Champagneux, en 1800. Mme Roland était pourtant déiste, de la religion philosophique de Jean-Jacques ; c’est notoire. Mais, apparemment, il avait semblé aux éditeurs plus sûr et de meilleur goût de supprimer cette partie de l’invocation. L’idée de Dieu était fort à la baisse en l’an iii ; il semblait que Robespierre l’eût compromise en la proclamant.

4° La plupart des additions et des rectifications de texte, dans l’édition présente, portent sur la passion secrète que nourrissait Mme Roland, et qui avait pour objet Buzot : elle n’en avait pas fait mystère à son mari ; elle ne crut pas non plus devoir la dissimuler par-devant le public et la postérité. Ces passages assez nombreux, réintroduits dans le texte, donnent un sens particulier à bien des pages et achèvent de nous révéler cette âme généreuse et combattue. C’est là véritablement une conquête biographique et psychologique importante, que les Lettres inédites à Buzot viennent compléter et couronner.

En ce qui est de cette veine de sentiments secrets éprouvés par Mme Roland et seulement soupçonnés jusqu’ici, on avait passé par des suppositions successives et des tâtonnements qu’il n’est pas inutile de rappeler.

III.

Mme Roland, jeune, belle, spirituelle, mariée à vingt-cinq ans à un mari de vingt ans au moins plus âgé qu’elle, dut avoir bien des occasions et des tentations d’aimer ailleurs et à côté. C’est ce qu’on s’était dit, et, n’admettant pas qu’elle pût avoir placé tous ses trésors de cœur sur l’ami respectable qu’elle avait agréé, on a cherché quel pouvait être pour elle l’objet d’une affection plus vive et plus tendre. Quelques mots qu’on avait oublié de rayer dans ses Mémoires donnaient le droit de s’en enquérir. Il était évident, toutefois, pour quiconque étudiait de près Mme Roland avec l’intérêt et l’attention qu’elle mérite, que pendant des années, — durant les dix premières années de son mariage, — elle avait été tout entière occupée et absorbée par les soins maternels, les devoirs domestiques, le désir de cultiver son esprit et d’accroître ses connaissances ; l’amour près d’elle avait eu tort ; elle n’avait ni cherché ni rencontré. Plusieurs s’étaient offerts ; ils n’avaient trouvé en elle qu’une femme bonne, charmante, affectueuse, toute à ses devoirs, indulgente et enjouée avec ses amis. « Faire, disait-elle, le bonheur d’un seul et le lien de beaucoup par tous les charmes de l’amitié, de la décence, je n’imagine pas un sort plus beau que celui-là. » Elle disait encore en ces années dans une lettre à Bosc, l’un de ses jeunes amis, — et dans ce tableau d’une de ses journées elle offrait l’image de toutes les autres :

« Vous me demandez ce que je fais, et vous ne me croyez pas les mêmes occupations qu’à Amiens (elle venait de s’établir à Ville franche) ; j’ai véritablement moins de loisir pour m’y livrer ou pour les entremêler d’études agréables. Je suis maintenant femme de ménage avant tout… Voici comme mon temps s’emploie. En sortant de mon lit, je m’occupe de mon enfant et de mon mari ; je fais lire l’un, je donne à déjeuner à tous deux, puis je les laisse ensemble au Cabinet, ou seulement la petite avec la bonne quand le papa est absent, et je vais examiner les affaires de ménage, de la cave au grenier ; les fruits, le vin, le linge et autres détails fournissent chaque jour à quelque sollicitude ; s’il me reste du temps avant le dîner (et notez qu’on dîne à midi, et qu’il faut être alors un peu débarbouillée, parce qu’on est exposé à avoir du monde que la maman aime à inviter), je le passe au cabinet, aux travaux que j’ai toujours partagés avec mon bon ami. Après dîner, nous demeurons quelque temps tous ensemble ; et moi assez constamment avec ma belle-mère, jusqu’à ce qu’elle ait compagnie : je travaille de l’aiguille durant cet intervalle. Dès que je suis libre, je remonte au cabinet commencer ou continuer d’écrire ; mais, quand le soir arrive, le bon frère nous rejoint ; on lit des journaux ou quelque chose de meilleur ; il vient parfois quelques hommes ; si ce n’est pas moi qui fasse la lecture, je couds modestement en l’écoutant, et j’ai soin que l’enfant ne l’interrompe pas, car il ne nous quitte jamais, si ce n’est lors de quelque repas de cérémonie : comme je ne veux point qu’il embarrasse personne ni qu’il occupe de lui, il demeure à son appartement ou il va promener avec sa bonne et ne paraît qu’à la fin du dessert. Je ne fais de visites que celles d’une absolue nécessité ; je sors quelquefois, mais ç’a été rare jusqu’à présent, pour me promener un peu l’après-dîner avec mon ami et Eudora. À ces nuances près, chaque jour voit répéter la même marche, parcourir le même cercle. L’anglais, l’italien, la ravissante musique, tout cela demeure loin derrière ; ce sont des goûts, des connaissances qui demeurent sous la cendre, où je les retrouverai pour les insinuer à mon Eudora, à mesure qu’elle se développera. L’ordre et la paix dans tout ce qui m’environne, dans les objets qui me sont confiés, parmi les personnes à qui je tiens ; les intérêts de mon enfant toujours envisagés dans mes différentes sollicitudes, voilà mes affaires et mes plaisirs. Ce genre de vie serait très austère, si mon mari n’était pas un homme de beaucoup de mérite que j’aime infiniment ; mais, avec cette donnée, c’est une vie délicieuse dont la tendre amitié, la douce confiance, marquent tous les instants ; où elles tiennent compte de tout et donnent à tout un prix bien grand. C’est la vie la plus favorable à la pratique de la vertu, au soutien de tous les penchants, de tous les goûts qui assurent le bonheur social et le bonheur individuel dans cet état de société ; je sens ce qu’elle vaut, je m’applaudis d’en jouir… »

Voilà la vie de Mme Roland pendant des années et son intérieur moral, calme, contenu, sain et purifiant ; voilà les tableaux dignes de sa première vie, ceux qu’on ne saurait trop rappeler à son sujet et que je regretterais de voir ternir ; car ils donnent l’expression vraie et fidèle. À un moment, un ami s’était joint à eux, Lanthenas, une de ces âmes tendres et de ces têtes peu sûres d’elles-mêmes qui ont besoin de s’appuyer et de se donner. Il s’était donné en effet (c’était le mot) aux époux Roland, et il était, jusqu’au sein du foyer conjugal, un de ces amoureux discrets, silencieux, obéissants, dormant sous la cendre, qui désirent moins qu’ils ne le croient, qui espèrent peu et ne demandent rien, un Ballanche (moins la haute intelligence), un de ces êtres dévoués et doux, tels que les femmes honnêtes pourraient en garder près d’elles sans inconvénient pendant une éternité.

Mais la Révolution vint ; le cadre s’élargit, la scène s’embrasa, tous les souffles se déchaînèrent ; le milieu favorable aux passions était trouvé. Roland, de plus, avait vieilli, et de son côté Mme Roland était arrivée à cet âge de trente-cinq ans environ où la pudeur diminue, même aux plus honnêtes, et où la plus sage a fort à se défier des désirs qui, dans leur dernier réveil, et avec tout un arriéré formidable, sentent qu’ils n’ont plus qu’un jour, une heure, une suprême saison.

Il était difficile, on en conviendra, et à peu près impossible que dans ce groupe brillant, éloquent, qui l’entourait et dont elle était l’âme, Mme Roland ne fît pas un choix ; qu’elle n’eût pas une préférence secrète, un faible. Pour qui était-il ? C’était seulement la question.

Un moment, à la veille et à l’entrée de la politique, elle noua une espèce de lien de cœur, elle fila une espèce de petit roman sentimental avec Bancal des Issarts. Mais ce n’était qu’un sentiment, non une passion, — non la passion véritable contre laquelle elle avait eu à lutter et dont elle parle en ses Mémoires comme d’une chose actuelle, disant de l’orage où elle vit et où elle se sent comme enveloppée qu’elle a besoin de toute la vigueur d’un pour sauver à peine l’âge mûr. Ce mot d’elle si énergique, si frémissant, et qu’on avait laissé par mégarde, donnait la note et ne permettait pas de s’y méprendre. Aussi, ayant eu à écrire l’Introduction au volume des Lettres par elle adressées à Bancal des Issarts, je m’attachai à bien marquer la nuance et à montrer que, dans son goût assez vif pour ce personnage peu connu, il y avait eu plus d’imagination et de désœuvrement de cœur que de sérieux entraînement.

M. Michelet, au tome III de son Histoire de la Révolution, m’a fait l’honneur de me reprocher, en des termes d’ailleurs d’une extrême bienveillance, de n’avoir point assez indiqué et de m’être plutôt efforcé d’atténuer le caractère passionné de cette liaison ; il doit reconnaître aujourd’hui que l’orage était effectivement ailleurs et que ce n’était là qu’un faible prélude. Il doit reconnaître aussi qu’il n’était point déraisonnable ni absurde de chercher dans quelques phrases, et d’après les seules traces qu’on eût laissées subsister dans les Mémoires, les indices d’un autre amour plus brûlant, plus tumultueux. Nos conjectures d’alors se trouvent pleinement justifiées aujourd’hui.

Mais pour qui cet autre amour ? Le préjugé vulgaire nommait Barbaroux, — « Barbaroux dont les peintres ne dédaigneraient pas de prendre les traits pour une tête d’Antinoüs !… » C’étaient les premiers mots du portrait célèbre qu’elle lui avait consacré. Il n’en fallait pas davantage pour la croire éprise de lui. C’est ainsi que juge le peuple des lecteurs : une femme déclare qu’un homme est beau, donc elle l’aime. Mais c’est précisément parce qu’elle le déclarait si beau et qu’elle le disait sans plus de façon, qu’il y aurait eu à gager qu’elle n’en était pas éprise. Mme Roland n’était guère femme à aimer par les yeux et à se laisser prendre à la beauté physique. Fille de Corneille comme Pauline, elle devait être séduite par l’intellectuel avant tout, par un mérite grave et un peu sombre.

On nommait tout bas Buzot. C’était le nom qu’on se disait à l’oreille quand on causait de Mme Roland entre admirateurs et amis bien informés, comme il en était un certain nombre alors. Mais les preuves manquaient : elles sortent aujourd’hui, elles se produisent ; et c’est ici véritablement un trait essentiel, caractéristique, qu’on est heureux de ressaisir et de voir se dessiner avec éclat.

Elle est explicite là-dessus dans ses Mémoires tels qu’on nous les rend aujourd’hui ; elle se vante et s’honore de cette passion tardive et profonde, elle s’y rattache en toute rencontre avec orgueil, avec élévation ; et je dirai nettement que dans tout cet inédit dont on fait tant de bruit, il n’y a que cela de bien et qui en vaille la peine ; il n’y avait que cela qui méritât véritablement de nous être donné. Que ce soit agréable ou non à lire, ce n’est pas la question ; que l’effet de ces nouveaux passages doive être très favorable et ajouter en bien à l’idée qu’on a pu se faire de Mme Roland, surtout pour l’agrément, pour la grâce, je n’en réponds pas du tout ; mais c’est très remarquable et infiniment curieux. Ainsi, en un endroit :

« J’honore, je chéris mon mari comme une fille sensible adore son père vertueux, à qui elle sacrifierait même son amant ; mais j’ai trouvé l’homme qui pouvait être cet amant, et, demeurant fidèle à mes devoirs, mon ingénuité n’a pas su cacher les sentiments que je leur soumettais. Mon mari, excessivement sensible et d’affection et d’amour-propre, n’a pu supporter l’idée de la moindre altération dans son empire ; son imagination s’est noircie, sa jalousie m’a irritée ; le bonheur a fui loin de nous ; il m’adorait, je m’immolais à lui, et nous étions malheureux. Si j’étais libre, je suivrais partout ses pas pour adoucir ses chagrins et consoler sa vieillesse ; une âme comme la mienne ne laisse jamais les sacrifices imparfaits ; mais Roland s’aigrit à l’idée d’un sacrifice, et la connaissance une fois acquise que j’en fais un pour lui renverse sa félicité ; il souffre de le recevoir, et ne peut s’en passer. »

Roland avait raison, et tous les hommes à sa place auraient souffert comme lui. Ô Vertu, que tu es cruelle ! tu tiens à la main un poignard, et tu l’enfonces sans ménagement dans le sein que tu respectes le plus. Pour moi, j’en sais qui pensent que Mme Roland aurait mieux fait de ne rien dire du tout à M. Roland, de lui épargner ce chagrin, de le tromper plutôt s’il le fallait. Avertir ce digne homme qu’elle ne l’aime plus, mais qu’elle lui restera fidèle à son corps défendant, c’est dur, c’est impitoyable ; c’est par trop se faire valoir soi-même et trop peu accorder à la sensibilité des autres. Une moins ingénue qu’elle aurait mieux trouvé en pareil cas et aurait agi plus humainement ; je n’ose dire, plus moralement. Une vertu plus brisée aurait eu plus d’adresse et moins de rudesse. Et Lanthenas donc ! le pauvre amoureux, le patito qui s’était donné aux époux Roland et qui, depuis des années, brûlait à petit feu sans le dire, il n’avait pas tort non plus de se fâcher et de se révolter comme il fit. Dès qu’il vit Buzot plus en pied que lui et plus favorisé, il s’irrita, s’ulcéra et prit la fuite :

« C’était un bon et tendre frère, nous dit Mme Roland, parlant de Lanthenas ; mais il ne pouvait être autre pour mon cœur, et ce sentiment me rendait d’autant plus libre et franche dans l’intimité établie entre nous trois. Lanthenas, apparemment comme le vulgaire, content de ce qu’il a lorsque d’autres n’obtiennent pas davantage, s’aperçut que je ne demeurais point insensible, en devint malheureux et jaloux ; rien ne rend si maussade et même injuste : je le sentis, et j’étais trop fière pour l’épargner : il s’éloigna d’autant plus furieux, imaginant le pis ; ses opinions même prirent une nouvelle teinte ; son cœur l’empêchait d’être féroce comme les montagnards, mais il ne voulut plus voir comme moi, et bien moins comme celui qu’il me voyait chérir ; il prétendit se mettre entre le Côté droit dont il blâmait les passions, et le Côté gauche dont il ne pouvait approuver les excès ; il fut moins que rien, et se fît mépriser des deux parts. »

C’est bien dur et bien écrasant pour Lanthenas, qui avait souffert pour elle, qui ne s’éloignait qu’à cause d’elle, et qui était dans le vrai en étant jaloux. Naturellement elle aurait dû le plaindre ; mais la passion de Mme Roland, doublée et cuirassée de cette vertu dont elle se montre si fière, et encore exaltée par les orages d’alentour, ne songe qu’à l’héroïsme et sort tout à fait de la gamme naturelle. Dans les pages d’adieux intitulées Mes dernières Pensées, et qu’elle écrivit à un moment où elle avait pris le parti de ne point attendre l’échafaud et de se donner la mort, après une apostrophe à son mari, à sa fille, elle continuait ainsi, à l’adresse de Buzot fugitif et persécuté :

« Et toi que je n’ose nommer ! toi que l’on connaîtra mieux un jour en plaignant nos communs malheurs, toi que la plus terrible des passions n’empêche pas de respecter les barrières de la vertu, t’affligerais-tu de me voir te précéder aux lieux où nous pourrons nous aimer sans crime, où rien ne nous empêchera d’être unis ? — Là se taisent les préjugés funestes, les exclusions arbitraires, les passions haineuses et toutes les espèces de tyrannies ! Je vais t’y attendre et m’y reposer ; reste encore ici-bas, s’il est un asile ouvert à l’honnêteté ; demeure pour accuser l’injustice qui t’a proscrit. Mais si l’infortune opiniâtre attache à tes pas quelque ennemi, ne souffre point qu’une main mercenaire se lève sur toi ; meurs libre comme tu sus vivre, et que ce généreux courage qui fait ma justification l’achève par ton dernier acte. »

Mme Roland dans sa prison lisait beaucoup Tacite et cherchait à se pénétrer de sa forme : on s’en aperçoit à la condensation et à l’obscurité de la dernière phrase. — Cette apostrophe à la Caton, cette tirade à la Sénèque ou à la Lucain, très raturée dans le manuscrit, a été reconquise par le présent éditeur. Voilà des résultats ; ils sont peu de chose encore au prix des quatre lettres adressées par Mme Roland à Buzot et qui rentrent dans ce même ton tout cornélien, qui rappellent également le tour et la façon de Mme de Wolmar. Quelle singularité pourtant, dans l’ordre littéraire et moral, que ces sortes de pastiches si visiblement empruntés et si parfaitement sincères ! Quoi qu’on en pense, et dût-on n’y voir qu’un noble travers, c’est une veine ouverte à l’étude, et nous ne saurions la négliger.