(1761) Salon de 1761 « Peinture —  Dumont le Romain  » pp. 115-116
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(1761) Salon de 1761 « Peinture —  Dumont le Romain  » pp. 115-116

Dumont le Romain

14 pieds de large, sur 10 de haut.

Vous savez que je n’ai jamais approuvé le mélange des êtres réels et des êtres allégoriques ; et le tableau qui a pour sujet la publication de la paix en 1749 ne m’a pas fait changer d’avis. Les êtres réels perdent de leur vérité à côté des êtres allégoriques, et ceux-ci jettent toujours quelque obscurité dans la composition. Le morceau dont il s’agit n’est pas sans effet. Il est peint avec hardiesse et force. C’est certainement l’ouvrage d’un maître. Toutes les figures allégoriques sont d’un côté ; et tous les personnages réels de l’autre. À gauche de celui qui regarde, la Paix qui descend du ciel et qui présente au monarque une branche d’olivier qu’il reçoit et qu’il remet à la femme symbolique de la ville de Paris ; d’un côté la générosité qui verse des dons ; de l’autre un génie armé d’un glaive qui menace la Discorde terrassée sous les pieds du monarque ; les rivières de Seine et de Marne étonnées et satisfaites. À droite, le prévôt des marchands et les échevins en longues robes[,] en rabats et en perruques volumineuses, avec des mines d’une largeur et d’un ignoble qu’il faut voir. On prendrait au premier coup d’œil, le monarque pour un Thesée qui revient victorieux du [Minotaure]. La figure symbolique de la ville est simple, bien drapée, bien noble, d’un beau caractère, bien disposée ; mais elle est du siècle de Jules Caesar ou de Julien. Le contraste de ces figures antiques et modernes ferait croire que le tableau est un composé de deux pièces rapportées, l’une d’aujourd’hui et l’autre qui fut peinte il y a quelque mille ans ; et l’abbé Galliani vous séparerait cela avec des ciseaux qui [laisseraient] d’un côté tout le plat et tout le ridicule, et de l’autre tout l’antique qui serait supportable et que chacun interpréterait à sa fantaisie. On trouverait cent traits de l’histoire grecque ou romaine auxquels cela reviendrait. Le peintre a eu une idée forte, mais il n’a pas su en tirer parti. Il a élevé son héros sur le corps même de la Discorde dont les cuisses sont foulées par les pieds de cette figure. Mais après avoir appuyé un des pieds sur les cuisses, pourquoi l’autre n’a-t-il pas pressé la poitrine ? pourquoi cette action ne l’écrase-t-elle pas ; ne lui tient-elle pas la bouche entrouverte, ne lui fait-elle pas sortir les yeux de la tête ; ne me la montre-t-elle pas prête à être étouffée ? comme elle est, libre de la tête, des bras et de tout le haut de son corps, si elle s’avisait de se secouer avec violence, elle renverserait le monarque, et mettrait les dieux, les échevins et le peuple en désordre. En vérité la figure symbolique de la capitale est une belle figure. Voyez-la. J’espère que vous serez aussi satisfait de la générosité, de la paix et des fleuves.