(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 78-80
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 78-80

Reyrac, [François-Philippe de] Censeur Royal, de l'Académie de Caen, Associé Correspondant de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres de Paris, né en Limousin en 1734.

Si, comme cet Auteur le dit lui-même dans un Vers des plus prosaïques,

Qui n'est pas né Poëte, à rimer perd son temps.

on pourroit assurer qu'il a perdu celui qu'il a employé à faire ses Poésies. Le Public les a mal accueillies, parce que le Public savoit avant lui cette maxime d'Horace, bien mieux énoncée que la sienne :

Tu nihil invitâ dices, faciesve Minervâ.

Les Odes de M. l'Abbé de Reyrac ne sont que de la prose rimée & souvent mal cadencée. Vainement y chercheroit-on de l'enthousiasme, de la Poésie, du dessin dans le plan, du coloris dans les images, de l'énergie dans l'expression, qualités indispensables au genre lyrique, duquel on peut dire,

Qu'il n'est point de degrés du médiocre au pire.

Une autre preuve que cet Auteur n'est pas né Poëte, c'est que le langage sublime & figuré des Prophetes n'a pas été capable d'échauffer sa verve. Un seul Pseaume suffisoit à Rousseau pour faire une Ode pleine d'élévation, de chaleur & de sentiment ; & trois ou quatre Pseaumes fondus dans chacune des Odes sacrées de M. l'Abbé Reyrac, n'ont pu leur donner le moindre degré de chaleur & de vie. On seroit tenté de croire que son génie tient du naturel de la Salamandre, qui subsiste, dit-on, au milieu des flammes sans en être échauffée, & vient à bout de les éteindre. Il y auroit cependant de l'injustice à ne pas lui tenir compte de ses bonnes intentions ; les tentatives qu'il a faites, quoique malheureuses, n'en sont pas moins d'honneur à son cœur & à sa Religion. Les mêmes sentimens l'ont porté à s'élever contre les Philosophes modernes dans des Epîtres moins mauvaises que ses Odes, mais toujours foibles, & dans les Discours préliminaires placés à la tête de ses divers Ouvrages de Poésie. On doit lui savoir gré d'avoir consacré son travail à la défense de la Religion, pendant que tant d'autres Auteurs s'efforcent de faire valoir des talens plus médiocres encore, à la décrier.

Depuis la derniere édition de cet Ouvrage, l'Abbé de Reyrac semble s'être fait justice sur son peu de talent pour la versification : il a publié une Hymne au Soleil ; mais il l'a écrite en prose ; & si cette prose sur la source de la lumiere & du feu est dépourvue de verve & de chaleur, elle ne l'est point de clarté, de correction, ni d'images grandes & noblement exprimées. Ce petit Ouvrage est précédé d'un Discours préliminaire qui renferme d'excellens principes de morale & de goût, qui prouvent que l'esprit de l'Auteur est plus propre à donner des leçons que des exemples.