(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 523-524
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 523-524

PITHOU, [Pierre] né à Troies en Champagne en 1539, mort à Nogent-sur-Seine en 1596 ; célebre Jurisconsulte, dont l’éloquence & les grandes lumieres furent également utiles aux Citoyens & à l’Etat. Son Traité des libertés de l’Eglise Gallicane est un de ces Ouvrages qui supposent les connoissances les plus profondes, mais qui ont quelquefois besoin de commentaire. Cet immense travail lui suscita des contradictions. Sans l’envisager ici sous un autre point de vue que celui que nous nous sommes proposé dans cet Ouvrage, on peut regarder ce Traité comme un monument de son zele & de son savoir. La fameuse Satire Ménippée lui doit une grande partie des traits qui lui ont donné de la célébrité. On sait que le sel & la vivacité de cette plaisanterie contribuerent, autant que les armes d’Henri IV, à porter les derniers coups aux extravagances de la Ligue, en la couvrant de ridicule. L’expérience a constamment démontré que tout dépend, en matiere de réformation, de bien saisir la partie sensible des hommes, & qu’un bon Ouvrage a toujours un ascendant victorieux contre un travers quelconque, lorsqu’il l’attaque habilement & par le bon endroit. Il n’y a guere que la Satire Ménippée & le Roman de Cervantes contre la Chevalerie, qui aient encore produit un effet aussi complet. Moliere, il est vrai, eut aussi la gloire de corriger les Marquis ridicules & les Femmes savantes de son Siecle ; mais ces manies se sont reproduites sous d’autres formes. Nous avons à présent des Seigneurs efféminés, des Femmes philosophes, & c’est encore pis.

Pierre Pithou eut un frere [François] qui cultiva aussi les Lettres, mais avec moins de talens. Nous n’en parlons que pour réfuter une erreur qui se trouve dans presque tous nos Dictionnaires Historiques, où l’on attribue à celui-ci la comparaison des Loix Romaines avec celles de Moïse, qui appartient certainement au premier. Pierre Pithou composa cet Ouvrage pendant qu’il se tenoit caché après le massacre de la S. Barthelemi, auquel il échappa par la fuite. Il abjura depuis le Calvinisme, & conserva [ce qui est rare] l’estime des Protestans, après avoir abandonné leur Secte. M. Grosley, Avocat, a écrit la Vie des deux freres ; c’est la meilleure que nous ayons, sans qu’elle soit toutefois exempte de plusieurs défauts.