(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 260-261
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 260-261

Sauvigny, [Edme de] ancien Lieutenant de Cavalerie, Censeur de la Police, de l'Académie de Rouen, né en Bourgogne en 17..

Si, pour seconder sa verve vraiment tragique, il eût eu soin d'étudier plus à fond les regles de la Tragédie, de s'attacher à la vraisemblance, de ne point forcer les caracteres, il se seroit procuré des succès mieux mérités & plus solides. Hirza, ou les Illinois, se soutient encore sur le Théatre ; mais Socrate n'a fait qu'y paroître, parce qu'il manque des qualités essentielles à une Tragédie. On s'abuse que de prétendre racheter par la chaleur de la versification, par quelques traits de profondeur & d'énergie dans les sentimens, le défaut d'intérêt & de combinaison dans la conduite d'une Piece.

La Comédie du Persifleur mériteroit aussi des reproches du côté de l'intrigue & de l'action ; mais la finesse avec laquelle l'Auteur a saisi ce caractere si délié dans ses nuances, l'agrément des détails, la gaieté & la vérité des tableaux, la peinture des travers de nos mœurs, & surtout l'aisance de la versification, lui obtiendront grace aux yeux des connoisseurs, & justifieront le succès dont cette Piece a joui.

Les petites Poésies de M. de Sauvigny n'ont pas les mêmes droits à l'indulgence ; elles manquent de naturel, & sentent trop le travail : à cela près, ses Lettres philosophiques & ses Odes anacréontiques offrent de l'esprit, de la finesse, & quelquefois de la sensibilité. Ce Poëte a de plus le mérite très-estimable d'avoir dédaigné dans ses Ouvrages le vernis philosophique, & de s'être élevé contre les Philosophes, dont les « Ouvrages, dit-il, ne peuvent servir que de trophée à l'extravagance humaine. Il n'est point de systême, ajoute-t-il, tel absurde & ridicule qu'on puisse se le figurer, que des Philosophes anciens n'aient imaginé, & qui n'ait trouvé des Partisans pour les soutenir. Notre Siecle, en cela, a la gloire de le disputer aux Anciens ». Ce zele, qui prouve son bon esprit, autant que son discernement, l'a privé, selon toute apparence, des éloges qu'on lui eût prodigués, comme à tant d'autres, s'il se fût enrôlé sous les étendards de la Philosophie ; mais ces louanges, aussi suspectes qu'éphémeres, sont peu propres à exciter les regrets d'une ame honnête. Il en a mérité d'ailleurs de très-justes & de très-flatteuses par sa petite Histoire des Amours de Pierre le Long & de Blanche-Bazu. Ce Roman, écrit dans le style & selon les mœurs des Siecles de franchise & de naïveté, est un chef-d'œuvre dans son genre. Il annonce dans l'Auteur, du sentiment, de la délicatesse, de l'enjouement, & a causé un plaisir universel, en ressuscitant un langage qui aura toujours son prix, aux yeux de ceux qui n'ont pas perdu le caractere François.