(1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198
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(1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon.
(2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.)

Le sujet vaut la peine qu’on y revienne : dernièrement, à l’occasion de l’ouvrage de M. Thiers, j’ai osé toucher à Napoléon législateur et conquérant ; aujourd’hui, à propos de ces nouveaux Mémoires très authentiques, publiés il y a deux ans par les fils du général Bertrand et restés, je ne sais pourquoi, inaperçus, je voudrais dire quelque chose de Napoléon écrivain et l’un des maîtres de la parole.

Toute âme forte et grande, aux moments où elle s’anime, peut se dire maîtresse de la parole, et il serait bien étrange qu’il n’en fût pas ainsi. Une pensée ferme et vive emporte nécessairement avec elle son expression. Les natures simples des gens du peuple, dans les moments de passion, le prouvent assez ; ils ont le mot juste et souvent le mot unique. Une âme forte, qui serait toujours dans l’état d’excitation où sont quelquefois les âmes simples, aurait un langage continuellement net, franc, et souvent coloré. L’éducation littéraire sert de peu pour ces sortes d’expressions toutes naturelles, et, si elle n’a pas été excellente, elle serait plutôt capable de les altérer. L’éducation littéraire de Napoléon avait été fort négligée, fort inégale. Sorti d’une île à demi sauvage, placé dans une école militaire et appliqué aux études mathématiques, ne retrouvant point dans le français la langue de sa nourrice, le jeune Bonaparte, en s’emparant de cet idiome pour rendre ses idées et ses sentiments, dut lui faire subir d’abord quelques violences et lui imprimer quelques faux plis. On connaît ses premiers essais. Il sacrifia au faux goût du jour. Il eut sa période déclamatoire, et comme qui dirait romantique. Quand il concourait à l’académie de Lyon en 91, il avait du ton de l’abbé Raynal ; quand il écrivait en 96 des lettres passionnées à Joséphine, il se souvenait encore de La Nouvelle Héloïse. Il prêtait de son génie à Ossian et l’aurait mis volontiers dans sa cassette, comme Alexandre faisait pour Homère.

J’ai connu des gens de goût, mais d’un goût restreint et nourri à l’ombre du cabinet, qui, en jugeant Napoléon pour son talent de parole, en étaient restés sur cette première impression : Daunou, par exemple, écrivain d’un style pur, châtié et orné. Daunou avait mérité le prix à Lyon dans le concours où, si la distribution s’était faite, Bonaparte n’aurait eu vraisemblablement que le second rang, et jusqu’à la fin il continua de juger, au point de vue littéraire, ce singulier concurrent comme un homme qui a eu le prix juge celui qui n’a eu que l’accessit.

Mais, dès ces années et sans doute dès sa première jeunesse, quand Napoléon causait, il y était tout entier de verve et de génie. Il pouvait avoir ses bizarreries, ses rudesses, mais il s’y dépouillait de tout faux goût. Je trouve, racontée au long, une de ces conversations, qu’il tint à Ancône pendant la première campagne d’Italie, et je la trouve là où l’on s’y attendrait le moins, dans les notes d’un poème (La Chute de Napoléon) publié par M. Collot en 1846. M. Collot accompagnait alors le général en chef comme commissaire des vivres. Il dut noter cette conversation, de souvenir et peu après l’avoir entendue. Telle qu’on la peut lire, elle constitue un mémorable morceau d’histoire, où le gouvernement de Robespierre est jugé d’un point de vue supérieur. Ce qui est piquant, c’est que l’auteur du poème ne la rapporte qu’à son corps défendant et en la trouvant odieuse. Le propre des conversations de Napoléon, comme de celles de Pascal, était de se graver bon gré mal gré dans les esprits qui l’écoutaient, de nous arriver reconnaissables même à travers les témoins les plus ordinaires, et l’on est tout surpris, quand on les retrouve rapportées quelque part, de l’éclat soudain qu’elles jettent sur les pages insignifiantes d’à côté.

J’ai nommé Pascal : c’est peut-être l’écrivain moderne duquel se rapproche le plus, pour la trempe, la parole de Napoléon, quand celui-ci est tout entier lui-même. Dans l’ordre des genres, il semblerait plus naturel de le comparer aux grands rois, aux grands ministres qui ont laissé des écrits. On a des Œuvres de Louis XIV, où le langage est empreint de noblesse et de bon sens, vrais modèles d’un style royal élevé et modéré. Mais ce ton même de modération les range dans le genre tempéré, qui n’est pas celui de Napoléon. Les Mémoires de Frédéric et ceux du cardinal de Richelieu prêteraient aussi à un rapprochement ; mais, quoique ces grands hommes, dans les moments essentiels, se dégagent très bien des défauts de manière dont ils ne sont pas exempts, ils restent atteints dans leur ensemble et sont repris parfois, en écrivant, d’une sorte de manie de bel esprit que leur donnaient l’éducation littéraire de leur temps et leur prétention particulière11. Napoléon n’a rien de tel ; il est simple et nu. Son style militaire offre un digne pendant aux styles les plus parfaits de l’Antiquité en ce genre, à Xénophon et à César. Mais, chez ces deux capitaines si polis, la ligne du récit est plus fine, ou du moins plus légère, plus élégante. Napoléon est plus brusque, je dirais plus sec, si de temps en temps les grands traits de son imagination ne faisaient clarté. Il a reçu, on le sent, une éducation moins attique, et il sait plus d’algèbre que ces deux illustres anciens. Sa brièveté a un cachet de positif. En général, la volonté se marque dans son style. Pascal, dans les immortelles pensées qu’on a trouvées chez lui à l’état de notes, et qu’il écrivait sous cette forme pour lui seul, rappelle souvent, par la brusquerie même, par cet accent despotique que Voltaire lui a reproché, le caractère des dictées et des lettres de Napoléon. Il y avait de la géométrie chez l’un comme chez l’autre. Leur parole, à tous deux, se grave à la pointe du compas, et, certes, l’imagination non plus n’y fait pas défaut.

Ai-je besoin d’ajouter que ma comparaison ne va pas au-delà ? Si simple que soit le style de Pascal, et quoiqu’on ait eu raison de dire que, « rapide comme la pensée, il nous la montre si naturelle et si vivante, qu’il semble former avec elle un tout indestructible et nécessaire », ce style, dès qu’il se déploie, a des développements, des formes, du nombre, tout un art dont le secret n’est pas celui du héros qui court à sa conquête. Napoléon, en dictant, ne pense pas seulement, il agit ; ou, quand il se souvient, il a tant de choses à ressaisir, qu’il les presse dans le moindre espace. Napoléon en est resté au point où le style, la pensée et l’action se confondent. Chez lui, le style proprement dit n’a pas le temps de se détacher.

C’est le lecteur qui, à la réflexion, fait ce travail aujourd’hui. Du vivant de Napoléon, l’action couvrait tout ; on ne se doutait pas qu’il y aurait là, plus tard, matière à admirer la parole même. Aujourd’hui que l’action est plus éloignée, et que la parole reste, celle-ci se montre avec ses qualités propres, et en même temps le souvenir de l’action y projette un reflet et comme un rayon. Ce qui n’est que concis et ferme paraît grand ; ce qui, chez un autre, ne serait qu’un trait heureux, devient ici un éclair sublime. Les paroles empruntent de celui qui les dit une portée extraordinaire. Napoléon, par exemple, racontant son armement des côtes de la Méditerranée, après le siège de Toulon (1793), nous dit :

Napoléon employa le reste de l’automne à faire armer de bonnes batteries de côtes les promontoires depuis Vado jusqu’au Var, afin de protéger la navigation de Gênes à Nice. En janvier (1794), il passa une nuit sur le col de Tende, d’où, au soleil levant, il découvrit ces belles plaines qui déjà étaient l’objet de ses méditations. Italiam ! Italiam !

Il se souvenait d’un passage de Montesquieu en parlant ainsi ; mais nous, en lisant ces simples lignes, nous oublions toute allusion secondaire. Montesquieu lui-même est éclipsé ; c’est le cri de Colomb du haut d’un mât, saluant la terre, c’est l’élan du génie qui découvre son monde. Nous nous sentons émus, et peu s’en faut que nous ne trouvions sublimes ce peu de paroles, parce qu’elles ont pour commentaire et pour cortège Montenotte, Lodi et Rivoli.

Deux années s’écoulèrent avant que Napoléon, qui venait de découvrir son Italie du haut du col de Tende, la pût revoir comme général en chef et s’y lancer cette fois en vainqueur. Le jour de mars 1796, où venant prendre le commandement à Nice des mains de Schérer, et passant en revue ces troupes délabrées, il leur dit :

Soldats, vous êtes nus, mal nourris ; le gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner… Je veux vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde… vous y trouverez honneur, gloire et richesse. Soldats d’Italie, manqueriez-vous de courage ou de constance ?

Ce jour-là, il trouva d’instinct l’éloquence militaire dont il est le modèle ; il inventa la harangue à l’usage de la valeur française et faite pour l’électriser. Henri IV avait eu des traits d’esprit, des saillies heureuses que répétaient Crillon et les gentilshommes ; mais, ici, il fallait une éloquence à la hauteur nouvelle des grandes opérations, à la mesure de ces armées sorties du peuple, la harangue brève, grave, familière, monumentale. Du premier jour, au nombre de ses moyens de grande guerre, Napoléon trouva celui-là.

Chacun de ses pas désormais est marqué par une parole, par un de ces mots historiques qu’on retient parce qu’il est éclairé de gloire. Il a l’à-propos grandiose ; il devine dans le passé ce qu’il faut savoir ; il ne prend de l’histoire que ce qui s’appareille à lui. Annibal, les légions romaines, Alexandre, il les cite au moment qu’il faut, et n’en abuse pas ; ce sont choses à lui familières. Arrivant à Toulon, en mai 98, pour prendre le commandement de l’armée d’Orient, il disait dans son ordre du jour : « Soldats, vous êtes une des ailes de l’armée d’Angleterre… Les légions romaines, que vous avez imitées, mais pas encore égalées, combattaient Carthage tour à tour sur cette même mer et aux plaines de Zama. » Mais, en s’embarquant pour l’Égypte, c’était moins encore l’étoile de Scipion qui le guidait que celle d’Alexandre.

Les deux volumes présents, qui traitent de l’expédition d’Égypte et de Syrie, ajoutent beaucoup à ce qui avait été dit de cette entreprise dans les Mémoires de Napoléon, précédemment publiés. Le ton du récit est celui de l’histoire développée et complète. Cette fois, celui qui dicte ne se hâte pas trop ; son imagination revient et s’étend avec complaisance sur cet épisode, qui fut encore le plus fabuleux de sa vie. Napoléon donne, au début, le portrait des généraux les plus distingués qu’il emmenait avec lui : Desaix, Kléber, Caffarelli du Falga. Le portrait de Kléber, de ce Nestor de l’armée (tant cette armée était jeune !), et qui n’avait pas cinquante ans, est un modèle achevé ; je le citerais bien, si je ne craignais qu’avec notre besoin de couleurs il ne parût trop simple. Car, sachons-le bien, cet homme qui a fourni à tant de déclamations oratoires et autres, Napoléon, quand il écrit, est la simplicité même. C’est plaisir de voir celui qui a été le sujet de tant de phrases, en faire si peu. Nous avons tous vu le tableau qui représente Bonaparte escaladant le grand Saint-Bernard sur un cheval au galop qui se cabre. David a peint le cheval le plus fougueux qu’il ait pu imaginer. Écoutons, sur ce passage du Saint-Bernard, Napoléon lui-même : « Le Premier consul montait, dans les plus mauvais pas, le mulet d’un habitant de Saint-Pierre, désigné par le prieur du couvent comme le mulet le plus sûr de tout le pays. » Voilà bien la différence de la réalité au tableau, ou plutôt de la déclamation à la vérité. Au reste, je ne voudrais pas répondre que Napoléon n’eût lui-même suggéré au peintre cette idée du cheval fougueux ; il aimait les genres tranchés, comme il disait ; il les aimait jusqu’au point de ne pas haïr le convenu. Il n’était pas fâché de voir déclamer les autres ; il se réservait pour lui la simplicité, et cela est surtout vrai quand il écrit. J’ai dit que je n’osais citer ce portrait de Kléber ; mais, maintenant que j’ai pris mes précautions, pourquoi ne le citerais-je pas ? M. Thiers, dans le premier article qui ait été fait sur Napoléon écrivain (Le National du 24 juin 1830), a bien cité le portrait de Masséna, qui est dans le même style ! On a fait quelquefois la charge de Kléber, le Danton des camps. Voici le portrait vrai, en quelques traits décisifs :

Kléber était le plus bel homme de l’armée. Il en était le Nestor. Il était âgé de cinquante ans. Il avait l’accent et les mœurs allemandes. Il avait servi huit ans dans l’armée autrichienne en qualité d’officier d’infanterie. En 1790, il avait été nommé chef d’un bataillon de volontaires de l’Alsace, sa patrie. Il se distingua au siège de Mayence, passa avec la garnison de cette place dans la Vendée, où il servit un an, fit les campagnes de 1794, 1795, 1796 à l’armée de Sambre-et-Meuse. Il en commandait la principale division, s’y distingua, y rendit des services importants, y acquit la réputation d’un général habile. Mais son esprit caustique lui fit des ennemis. Il quitta l’armée pour cause d’insubordination. Il fut mis à la demi-paye. Il demeurait à Chaillot pendant les années 1796 et 1797. Il était fort gêné dans ses affaires, lorsqu’en novembre 1797 Napoléon arriva à Paris. Il se jeta dans ses bras. Il fut accueilli avec distinction. Le Directoire avait une grande aversion pour lui, et celui-ci le lui rendait complètement. Kléber avait dans le caractère on ne sait quoi de nonchalant qui le rendait facilement dupe des intrigants. Il avait des favoris. Il aimait la gloire comme le chemin des jouissances. Il était homme d’esprit, de courage, savait la guerre, était capable de grandes choses, mais seulement lorsqu’il y était forcé par la nécessité des circonstances ; alors les conseils de la nonchalance et des favoris n’étaient plus de saison.

Le chapitre premier a pour titre « Malte », et traite de la prise de cette île. L’état de l’Ordre à ce moment suprême, ses divisions intestines, les dispositions des chevaliers, la plupart philosophes et mondains, qui n’étaient plus que de vieux garçons en exil sur un rocher, le manque absolu des grands mobiles qui portent les hommes à se sacrifier, tout est vu en passant avec le coup d’œil d’un moraliste, cette fois au service d’un conquérant. « La ville de Malte ne pouvait, ne voulait, ne devait pas se défendre. Elle ne pouvait résister à vingt-quatre heures de bombardement. Napoléon s’assura qu’il pouvait oser, et il osa. »

La prise de Malte ne retarda la marche de l’armée que de dix jours. Cette armée ne savait encore où on la menait. Il fut connu qu’on se dirigeait d’abord sur Candie. « Cette célèbre Crète excita toute la curiosité française. » Mais les opinions se partagèrent sur la destination ultérieure : « Allait-on relever Athènes ou Sparte ? Le drapeau tricolore allait-il flotter sur le Sérail, ou sur les Pyramides et les ruines de l’antique Thèbes ? Ou allait-on d’Alep se diriger sur l’Inde ? » En exposant de la sorte les incertitudes, il semble que Napoléon lui-même, au plus haut de son rêve, se complaise à les laisser planer, et que, dans son dessein préconçu de commencer par une de ces choses, il les embrasse toutes dans le lointain à la fois.

Le deuxième chapitre offre une large et précise description de l’Égypte considérée sous tous ses aspects. Le génie colonisateur est en présence de son objet ; il le saisit dans son ensemble et dans les moindres détails ; il l’organise. Ce n’est pas ici quelqu’un qui veuille décrire les choses pour les peindre et s’en amuser ; s’il les décrit, c’est pour les connaître à fond et s’en servir. J’aime les peintres et les poètes, et ce n’est pas moi, certes, qui voudrais les amoindrir ; mais je ne puis m’empêcher de noter les différences. Un grand peintre, un grand poète descriptif, Chateaubriand, voyage, quelques années après, en Orient, pour y chercher des couleurs. Il revient de la Grèce et de Jérusalem ; il aborde en Égypte, il remonte jusqu’au Caire ; mais l’inondation du Nil l’arrête. Il faudrait attendre quelques jours pour que les eaux, en se retirant, lui permissent de visiter de près les Pyramides. Il n’a pas cette patience d’attendre. Et que lui importe ? « L’Égypte, dit Eudore dans Les Martyrs, toute brillante d’une inondation nouvelle, se montre à nos yeux comme une génisse féconde qui vient de se baigner dans les flots du Nil. » Voilà l’image que le poète pittoresque est allé chercher ; il l’a trouvée, il remporte avec lui. Il ne voulait que cela. Que lui fait le reste ?

Volney, Champollion, envisagent l’Égypte autrement. Napoléon l’envisage plutôt comme Volney, en observateur sévère qui n’oublie rien. Géographie, configuration, climat, mœurs, religion, obstacles et ressources, il analyse tout, il mesure tout. Puis, quand il a poussé à bout ses calculs d’ingénieur et de politique ; quand la population, dans ses diverses races, est tenue en échec ; quand il a régularisé l’inondation et organisé le désert, que tous les puits sont occupés, que pas un pied cube d’eau n’est perdu, alors seulement il lâche bride à son imagination ; il se retrace le beau idéal d’une Égypte bien gouvernée :

Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ? L’imagination se complaît dans un tableau aussi enchanteur ! Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer seraient réparties dans toutes les parties basses du désert…

Et il continue de la sorte, sur une base géométrique, de donner cours à un enthousiasme sévère. Il prolonge à plaisir un tableau qui, du technique, s’élève bientôt au moral dans des proportions gigantesques, et qui se couronne par la conquête de l’Hindoustan et la civilisation du cœur de l’Afrique. C’est dans de telles pages qu’on sent combien Napoléon prenait au sérieux par moments sa mission de guerrier civilisateur, et qu’il n’était pas seulement une épée de plus dans cet Orient de merveilles, mais une épée lumineuse.

En écrivant il a ses images aussi, croyez-le bien, mais des images utiles et qui figurent un résultat.

Les Arabes Bédouins sont la plaie la plus grande de l’Égypte. Il ne faut pas en conclure qu’on doive les détruire ; ils sont, au contraire, nécessaires. Sans eux, ce beau pays ne pourrait entretenir aucune communication avec la Syrie, l’Arabie, les oasis… Détruire les Bédouins, ce serait, pour une île, détruire tous les vaisseaux, parce qu’un grand nombre sert à la course des pirates.

Ailleurs, il nous présentera les colonnes françaises dans leur marche, enveloppées, harcelées par ces Bédouins du désert : « Elles semblaient des escadres suivies par des requins. » Tel est son pittoresque, toujours sobre et vrai. Quand il a du pittoresque pur, ce n’est qu’un mot jeté en passant. Ainsi, pendant la nuit du débarquement de l’armée à Alexandrie : « La lune brillait de tout son éclat. On voyait comme en plein jour le sol blanchâtre de l’aride Afrique. » Ainsi, à Gizeh, au moment de l’incendie de la flottille égyptienne : « Pendant toute la nuit, au travers des tourbillons de flammes des trois cents bâtiments égyptiens en feu, se dessinaient les minarets du Caire. La lueur se réfléchissait jusque sur les parois des pyramides. » Mais ce ne sont que des éclairs qui ne ralentissent rien à l’action. Seulement, quand il parle des mamelouks et de leurs manœuvres, de cette brave et belle milice, comme il l’appelle, il a des pages presque descriptives : il semble se complaire, avant de les combattre, à les voir se déployer.

On citerait tel endroit où l’image se lie si étroitement à la pensée qu’elle n’en est pas séparable et qu’elle n’est autre que l’idée même. À peine débarqué, Napoléon se porte sur Alexandrie et donne l’assaut avec seulement une poignée de son monde, et sans attendre son canon : « C’est un principe de guerre, dit-il, que lorsqu’on peut se servir de la foudre, il la faut préférer au canon. » Il oppose ce principe à d’autres généraux qui, en pareil cas, ont perdu plusieurs jours, et ont manqué l’occasion pour vouloir trop bien s’y préparer. Mais, pour se servir ainsi de la foudre à défaut de canon, il n’y a qu’un moyen sûr, c’est d’être la foudre soi-même.

Le chapitre le plus remarquable des deux volumes est assurément celui qui traite des affaires religieuses. Il y donne au début son explication de la religion de Moïse et de Jésus-Christ, de celle de Mahomet. Cette explication tout historique, et qui ne choque d’ailleurs rien de sacré, est grande. Mais, dans l’application, la raison d’État, en Égypte, le fait incliner sans scrupule du côté de Mahomet. Les politiques qui avaient le mieux observé le génie du peuple d’Égypte, regardaient la religion comme le principal obstacle à rétablissement de l’autorité française. C’est cet obstacle que Napoléon s’attache surtout à vaincre et à tourner à son avantage. Comment il s’y prit à cet effet, par quelles précautions, par quels artifices de langage et quel appareil de conduite, il faut l’entendre là-dessus lui-même. Il nous dit tout et n’y met pas de fausse retenue. À la hauteur où il se place, et d’après la façon dont il parle, il est évident qu’il voit dans cette conduite non pas imposture, mais habileté légitime :

L’école ou la Sorbonne de Gama el-Azhar est la plus célèbre de l’Orient. Elle a été fondée par Saladin. Soixante docteurs ou ulémas délibèrent sur les points de la foi, expliquent les saints livres. C’était elle seule qui pouvait donner l’exemple, entraîner l’opinion de l’Orient et des quatre sectes qui la partagent. Ces quatre sectes ne diffèrent entre elles que sur des objets de discipline ; elles avaient chacune pour chef, au Caire, un muphti. Napoléon n’oublia rien pour les circonvenir, les flatter. C’étaient des vieillards respectables par leurs mœurs, leur science, leurs richesses et même par leur naissance. Tous les jours, au soleil levant, eux et les ulémas de Gama el-Azhar prirent l’habitude de se rendre au palais avant l’heure de la prière. La place d’Ezbékieh tout entière était encombrée de leur cortège. Ils arrivaient sur leurs mules richement harnachées, environnés de leurs domestiques et d’un grand nombre de bâtonniers. Les corps de garde français prenaient les armes et leur rendaient les plus grands honneurs. Parvenus dans les salles, des aides de camp et des interprètes les recevaient avec respect, leur faisaient servir des sorbets, du café. Peu d’instants après, le général entrait, s’asseyait au milieu d’eux, sur le même divan, et cherchait à leur inspirer de la confiance par des discussions sur le Coran, s’en faisant expliquer les principaux passages et montrant une grande admiration pour le Prophète. En sortant de ce lieu, ils allaient aux mosquées où le peuple était assemblé. Là, ils lui parlaient de toutes leurs espérances, calmaient la méfiance et les mauvaises dispositions de cette immense population. Ils rendaient des services réels à l’armée.

Ce qui est là résumé en une page, se trouve développé et confirmé en mille manières dans le courant du récit. L’administration française eut ordre de respecter les propriétés des mosquées, des fondations pieuses. Les chefs de la population arabe, qui étaient à la fois ceux de la religion, recouvrèrent l’autorité que leur avaient ravie Turcs et mamelouks ; il semblait que les Français ne fussent venus que pour eux. Depuis la Révolution, l’armée française ne pratiquait aucun culte ; elle n’avait pas fréquenté les églises en Italie, elle ne les fréquentait pas davantage en Égypte. Cette circonstance n’échappa point aux docteurs musulmans, et, voyant que ces nouveaux venus n’étaient pas du moins des idolâtres, ils espérèrent bientôt d’en faire des fidèles. Le sultan Kébir ou Grand (comme ils nommaient Bonaparte) se prêta à cette espérance des docteurs ; il ne cessait de causer avec eux du Coran, comme s’il eût voulu se faire instruire. Il ne demandait qu’un an pour amener à ses vues son armée. « Il fit faire les plans et les devis d’une mosquée assez grande pour contenir toute l’armée, le jour où elle reconnaîtrait la loi de Mahomet. » Ce n’était qu’un leurre, car « son opinion invariable, dit-il, était que tout homme doit mourir dans sa religion. » Mais de telles démonstrations étaient d’un bon effet. En même temps que la corde religieuse, il touchait la fibre du patriotisme arabe :

« Pourquoi, leur disait-il, la nation arabe est-elle soumise aux Turcs ? Comment la fertile Égypte, la sainte Arabie, sont-elles dominées par des peuples sortis du Caucase ? Si Mahomet descendait aujourd’hui du ciel sur la terre, où irait-il ? Serait-ce à La Mecque ? Il ne serait pas au centre de l’empire musulman. Serait-ce à Constantinople ? Mais c’est une ville profane, où il y a plus d’infidèles que de croyants ; ce serait se mettre au milieu de ses ennemis. Non, il préférerait l’eau bénie du Nil, il viendrait habiter la mosquée de Gama el-Azhar, cette première clef de la sainte Kaaba. » À ce discours, les figures de ces vénérables vieillards s’épanouissaient ; leurs corps s’inclinaient, et, les bras croisés, ils s’écriaient : « Tayeh ! tayeh ! Ah ! cela est bien vrai. »

Après l’insurrection du Caire, Napoléon ne se départit point de ce système de protection pour les anciens chefs religieux du pays. Les soldats murmuraient, mais il tint bon. Il parut même ignorer que le vieux cheikh Sadah était le chef de la révolte, et il l’accueillit comme auparavant. Kléber arrivait à ce moment d’Alexandrie, et, voyant ce vieillard tout tremblant qui baisait la main du général en chef, il lui demanda qui c’était :

C’est le chef de la révolte, lui répondit Napoléon. — Eh quoi ! vous ne le faites pas fusiller ? — Non, ce peuple est trop étranger à nous, à nos habitudes ; il lui faut des chefs. J’aime mieux qu’il ait des chefs d’une espèce pareille à celui-ci, qui ne peut ni monter à cheval, ni manier le sabre, que de lui en voir comme Mourad Bey et Osman Bey. La mort de ce vieillard impotent ne produirait aucun avantage, et aurait pour nous des conséquences plus funestes que vous ne pensez.

Kléber tourna le dos et ne comprit pas. Plus tard, général en chef lui-même, il fit bâtonner imprudemment le vieux cheikh, et le coup de poignard du fanatisme s’ensuivit.

Je ne saurais dire combien me paraît intéressant tout ce chapitre par le jour qu’il jette sur le procédé politique de Napoléon, sur le point fixe de sa croyance supérieure (croyance en Dieu), sur son indifférence profonde pour les articles secondaires et sur l’importance extrême qu’il affectait pourtant d’y attacher, en un mot, sur la règle de conduite qu’il regardait évidemment comme la seule loi des chefs d’empire, puisqu’il nous l’expose en termes si nets et si peu voilés. C’est une haute leçon de politique ; il est seulement curieux que ce soit celui qui l’a pratiquée à ce degré, qui nous la divulgue avec cette sorte d’indiscrétion ou de franchise. L’analyse a tellement pénétré partout aujourd’hui, que, lui aussi, il ne peut s’empêcher de dire ce qu’il a fait et pourquoi il l’a fait. Mahomet ou Cromwell y auraient regardé à deux fois avant de livrer ainsi leurs motifs. On saisit à nu, dans ce chapitre, l’œuvre d’une vieille société en reconstruction sous une main puissante, une vieille civilisation avec ses pièces essentielles, hardiment remise, comme un vaisseau de haut bord, sur le chantier. Napoléon, du premier coup, a compris que la majorité de toute société est neutre et ne demande qu’à subsister et à se soumettre, si elle est garantie dans ses croyances et dans ses intérêts. En s’adressant à ces chefs arabes, à ces ulémas et docteurs révérés, à ces honnêtes gens du pays, en essayant auprès d’eux sa politique de ménagement et de réparation pour ces grands intérêts de toute société, la religion, la propriété, la justice, le jeune conquérant se faisait la main pour ce qu’il devait accomplir ailleurs de bien plus délicat. Il faisait sa première expérience sur des nations moins avancées que la nôtre. Bientôt il nous reviendra tout exercé. Le chapitre dont je parle est à lire immédiatement avant celui du Concordat, et il en est désormais inséparable.

À un endroit, Napoléon compare ce qu’il a fait aussitôt après son débarquement en Égypte avec ce qu’y fit saint Louis. Il ne parle que des fautes militaires de ce saint roi : « Il passa huit mois à prier, lorsqu’il eût fallu les passer à marcher, combattre et s’établir dans le pays. » On ne peut s’empêcher de sourire. Toutes les autres différences que Napoléon ne dit pas éclatent à la pensée. On se souvient des récits du naïf Joinville, si peu semblable aux Monge et aux Berthollet. Mais saint Louis eut besoin de tous ses malheurs pour être grand, et c’est dans l’ordre des choses du cœur qu’il a sa couronne.

L’Égypte, si belle qu’il l’eût jugée d’abord, ne pouvait être pour Napoléon qu’un moyen et non un but. Il essaya d’en sortir, et de s’ouvrir la grande route d’Orient par la Syrie. Le plan et l’idée de cette campagne sont retracés avec une précision qui ne laisse aucun doute sur les projets, alors très réels, de Napoléon du côté de l’Inde. En attendant, on côtoie avec lui les monts de Judée. Son génie en embrasse avec grandeur les horizons. Napoléon, au Caire, avait lu le Coran ; une fois en Palestine, il ouvre la Bible : « En campant sur les ruines de ces anciennes villes, on lisait tous les soirs l’Écriture sainte à haute voix, sous la tente du général en chef. L’analogie et la vérité des descriptions étaient frappantes ; elles conviennent encore à ce pays, après tant de siècles et de vicissitudes. » Il y eut là un moment où cette grande destinée faillit se détourner à jamais ; une victoire de plus pouvait la faire verser du côté de l’Asie. Il fallut un échec pour nous la rendre. Du moment qu’arrêté à Saint-Jean-d’Acre, Napoléon se vit refoulé dans sa première conquête, il s’y sentit à l’étroit.

Bientôt les nouvelles de France lui montrèrent qu’un rôle tout nouveau l’attendait : « Tout lui annonçait, dit-il, que le moment désigné par le Destin était arrivé. » Eh ! n’avait-il pas fait suffisamment là-bas son apprentissage de chef d’empire ? Je ne dirai pas qu’il se dégoûta de l’Égypte, ce puissant esprit ne se dégoûtait pas ; mais, quand un de ses rêves favoris lui échappait, il avait la faculté de prendre son esprit, comme il disait, et de le porter ailleurs. Il renonça donc sans hésiter à l’Égypte, et n’eut que le temps, à la veille de son brusque départ, de dicter pour Kléber trois mémoires, où il exposait ses vues sur la politique intérieure à suivre et sur les dispositions militaires à prendre. Celui qui les dictait eût été le seul capable d’y tenir la main. Se croyant quitte désormais envers sa conquête, il livra sa fortune aux vents et aux flots, et à son étoile.

On était en France, dit-il, après quarante-cinq jours de navigation ; on avait surmonté beaucoup de périls. On remarqua que, dans le cours de la navigation, Napoléon se confia entièrement à l’amiral et ne manifesta jamais aucune inquiétude. Il n’eut aucune volonté. Il ne donna que deux ordres, qui deux fois le sauvèrent. Il avait appareillé de Toulon le 19 mai 1798. Il était donc resté absent d’Europe seize mois et vingt jours. Pendant ce peu de temps, il avait pris Malte, conquis la basse et la haute Égypte ; détruit deux armées turques, pris leur général, leur équipage, leur artillerie de campagne ; ravagé la Palestine, la Galilée, et jeté les fondements, désormais solides, de la plus magnifique colonie. Il avait reporté les sciences et les arts à leur berceau.

On ne trouve à reprendre dans ce simple et splendide résumé que ces fondements, désormais solides, qu’il suppose à la colonie d’Égypte. Là, comme il l’éprouva si souvent ailleurs, il eût fallu, pour achever et maintenir ce qu’il avait posé, qu’il y eût laissé un autre lui-même.

Ces deux volumes d’un si beau récit, tout semés de mots caractéristiques qui ne peuvent venir que du grand témoin, et dont quelques-uns ont été ajoutés au crayon, sur la dictée, par Napoléon même, ne s’arrêtent pas au moment de son départ d’Égypte. Ils comprennent l’exposé, la critique des opérations de Kléber et de Menou, jusqu’à évacuation de la colonie. On y lit également le précis et la critique des événements militaires survenus en Europe pendant les années 98 et 99. Ces deux volumes sont à joindre comme un complément indispensable aux neuf volumes des Mémoires publiés par les généraux Gourgaud et Montholon, et dont M. Thiers, le premier, a signalé l’importance et la beauté d’art en 1830. Ils sont à mettre à côté du curieux volume sur les guerres de Jules César, publié par M. Marchand en 1836, et dont Carrel a parlé si pertinemment dans Le National du 12 mars même année. Et puisque j’en suis à indiquer les bons juges qui ont déjà parlé de Napoléon écrivain, je n’oublierai pas M. Villemain pour une des leçons du cours sur le xviiie  siècle ; il y aborde Napoléon à propos du grand Frédéric. Je trouve aussi, en tête d’un volume intitulé Œuvres choisies de Napoléon (1844), quatre ou cinq pages des plus remarquables, signées d’un pseudonyme, mais qui attestent une plume distinguée12.

Le résultat désormais, pour tous, est manifeste : mieux a valu pour Napoléon subir jusqu’au bout les années de la captivité et du malheur, puisqu’il devait ainsi les employer. En paraissant survivre à sa gloire, il l’a dignement accrue. Parmi les mots caractéristiques qu’on lit dans ces derniers volumes, il en est un qui me revient et que je me reprocherais de ne pas relever, car il trahit une pensée intime, et il est un de ceux que Napoléon a ajoutés de sa main au crayon sur le manuscrit. C’était à la bataille d’Aboukir, où il détruisit l’armée turque ; le colonel Fugières, du 18me de ligne, eut les deux bras emportés par un boulet de canon. « Vous perdez un de vos soldats les plus dévoués, dit-il au général en chef ; un jour, vous regretterez de ne pas mourir comme moi au champ des braves. » En ajoutant de sa main cette parole, le captif de Sainte-Hélène faisait évidemment un retour sur lui-même ; il semblait dire que le colonel avait prophétisé, et que, pour lui, l’heure du regret de survivre était venue. Pourtant, malgré l’amertume du sort, Napoléon ne dut pas, en somme, regretter de vivre, de supporter les années dévorantes de l’exil, ne fût-ce que pour avoir le temps de consigner dans la mémoire les actes du passé. Un jour, au quartier général d’Austerlitz, on causait de la tragédie des Templiers, alors dans sa nouveauté. Il y a dans la pièce le rôle d’un jeune homme, du jeune Marigny, qui veut toujours mourir et qui s’y obstine. Napoléon ne trouvait pas cela naturel, et il conclut la discussion en disant : « Il faut vouloir vivre et savoir mourir. » Il pratiqua cette maxime, même à Sainte-Hélène ; il continua jusqu’à la fin de vouloir vivre, et c’est à cette constance que nous devons, après le capitaine, d’avoir en lui l’historien.

Tout cela dit, et tout hommage rendu au grand style du moderne César, à ce style où dominent dans une forme brève la pensée et la volonté (imperatoria brevitas), et où l’imagination se fait jour par éclairs, il me sera permis de ne pas le considérer tout à fait comme le style-modèle qui doive faire loi aujourd’hui. Prétendre imiter le procédé de diction du héros qui sut abréger César lui-même, ce serait risquer d’être sobre jusqu’à la maigreur et de paraître tendu ou heurté. Il convient d’avoir fait d’aussi grandes choses pour avoir le droit d’être aussi nu. Réservons donc pour notre usage, pour l’usage de tous, le style littéraire proprement dit, que je distingue du style académique (lequel en son lieu, pourtant, a bien aussi son prix) ; réservons le style des honnêtes gens qui écrivent comme ils pensent, mais qui ne pensent pas avec cette hâte, avec ce mouvement impétueux et impérieux, qui pensent à leur loisir, avec douceur, élévation ou finesse, sans s’interdire certains circuits gracieux et les agréments du chemin. En un mot, même en face de César, et pas trop au-dessous dans l’ordre de la pensée, il y a place toujours pour Cicéron, et pour toutes les formes variées de discours, riches, faciles, naturelles, éloquentes ou ornées, que ce nom de Cicéron représente.