LAUS DE BOISSY, [Louis] fils d’un Epicier, des Académies de Rome & de Madrid, de celle des Ricovrati de Padoue, Correspondant de celle de Montpellier, & Lieutenant Particulier du Siége de la Connétablie & Maréchaussée, né à Paris en 1747, est un ancien soi-disant Secrétaire du Parnasse, qui fut bientôt réprouvé de cette fonction, parce qu’il faut du jugement & du goût pour la remplir.
Ce Recueil éphémere, affublé de pauvres Notes, parut cependant sous une puissante protection. Le Lieutenant de la Connétabie l’avoit dédié au Grand-Maître de la Poésie Françoise, M. de Voltaire. Il devoit paroître quatre fois l’an ; mais l’arriere-saison lui a été mortelle : il n’a pu finir son premier cours. Ce digne Ouvrage mourut à sa troisieme apparition, malgré les efforts de plusieurs Philosophes▶ subalternes, & même, dit-on, de quelques ◀Philosophes▶ du premier ordre.
Après cela, M. Laus de Boissy a fait huit ou dix Comedies, dont aucune n’a été jugée digne des honneurs de la représentation ; des Drames, des Proverbes, des Opuscules, des Opéra-comiques, des Contes moraux, & d’autres Ouvrages qui n’eussent jamais vu le jour, s’il ne les eût fait imprimer à ses frais, & qui n’ont servi qu’à le couvrir de ridicule aux yeux de tous ceux qui ont eu la patiente curiosité de les parcourir.
M. Laus de Boissy a aussi publié une Lettre sur la Danse. Nous aurions voulu nous procurer cette Production ; mais elle avoit si pleinement rempli sa destinée, que tous les exemplaires en avoient été relégués dans les boutiques des anciens Confreres de son pere.
M. Laus de Boissy a enfin donné une Critique des Trois Siecles, sous ce titre : « ADDITION à l’Ouvrage intitulé les Trois Siecles de
notre Littérature ou LETTRE critique, adressée à M.
l’Abbé
Sabatier de Castres, soi-disant
Auteur de ce Dictionnaire »
. Nous nous garderons
bien de lui faire des reproches de nous avoir maltraités ; nous lui
pardonnerons même jusqu’à son intention. Il sera toujours
flatteur pour un Ecrivain quelconque de se voir ainsi
critique ; & nous devons rendre cette justice aux Zélateurs de
la Philosophie, qu’ils nous ont souvent procuré cette consolation. Nous
prendrons seulement la liberté d’avertir M. Laus de
Boissy, que quand on veut faire des Critiques plaisantes, il
faut d’abord être plaisant, puis instruit, puis véridique, puis honnête.
Nous l’avertirons que ce n’est pas assez de savoir coudre les lambeaux
étrangers à son Ouvrage, & dont on reconnoît d’abord la
friperie ; de pousser de grandes exclamations sur le mérite de Voltaire ; d’avoir été admis à compulser les
Archives du Mercure ; de nous reprocher
habilement d’avoir omis quantité d’Ouvrages qui étoient sous presse,
& qu’il ne nous étoit pas possible de connoître. Nous lui dirons
encore qu’il est essentiel à un Génie, comme le sien, de ne pas employer
les mensonges, les injures, les traits de mauvaise foi ; d’éviter
les tudieu ! les tout-doux ! les ventre-saint-gris ! les
alte-là, M. l’Abbé ! les comme vous
y allez ! & mille autres gentillesses qui répandent, à
la vérité, beaucoup d’agrément sur son Ouvrage, mais que les honnêtes
gens ne goûtent plus, depuis qu’ils se sont détachés de la Philosophie.
Nous ajouterons enfin, qu’il n’eût pas dû sur-tout confondre parmi les
Ecrivains des Trois Siecles de notre Littérature, depuis François I jusqu’à nos jours, Guillaume de
Lorris & Clopinel, qui vivoient dans le
treizieme siecle ; encore moins faire un Auteur distingué du
prétendu M. Vosgien, qui n’est qu’un nom factice, mis
par l’Abbé Ladvocat à la tête de son Dictionnaire Géographique ; ce dont il eût pu s’instruire
dans notre Ouvrage même. La premiere de ces fautes est d’un homme qui ne
sait pas l’Histoire de notre Littérature ; la seconde, d’un homme
qui en ignore les finesses. En profitant de tous ses avis, M. Laus de Boissy, dit Alethophile
*, pourra
devenir, sinon
un grand défenseur des Auteurs ◀philosophes, du moins un défenseur qui ne
les rendra pas si ridicules.
N’oublions pas d’apprendre à ceux qui l’ignorent, que l’assaut qu’il nous a livré lui a valu de la part de M. de Voltaire, avec le présent d’un nouveau Volume de ses Œuvres, ce qui autrefois eût été d’un grand prix, un brevet d’honneur* dans la Littérature. Mais, hélas ! pourquoi faut-il que ces titres de noblesse littéraire ressemblent aujourd’hui à ces Billets, qui, pour avoir été trop multipliés, se trouverent, à la chute du systême, des papiers stériles entre les mains des Agioteurs qui les avoient eus à si bon marché !