(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

MILLOT, [Claude-François-Xavier] Prédicateur du Roi, de l’Académie Françoise, & de celles de Lyon & de Nancy, né à Besançon en 1725.

Il s’est exercé dans plus d’un genre, dans l’Histoire, l’Eloquence & la Traduction. Ses Ouvrages historiques sont ceux qui ont eu plus de succès. Les Elémens de l’Histoire de France en sont dignes sur-tout, parce qu’ils réunissent le mérite de l’abrégé, à l’attention de ne laisser échapper aucun fait intéressant, comme à l’art de les bien présenter. Cet Ouvrage donne une idée succincte de tous les principaux événemens arrivés depuis Clovis jusqu’à Louis XIV. L’Auteur a su y placer à propos plusieurs remarques piquantes sur l’origine des Loix, des Usages, sur les Mœurs & la Politique ; en cela, il paroît s’être véritablement proposé l’instruction du Lecteur. On désireroit seulement qu’il eût supprimé certaines réflexions un peu trop philosophiques, quelques censures trop ameres ; qu’il eût évité tout air de complaisance, en détaillant les abus de l’autorité dans quelques Papes, les désordres de l’Eglise dans une partie de ses Ministres, les égaremens du fanatisme & de la superstition. Cette affectation inexcusable dans tout Ecrivain, plus encore dans un Ecrivain ecclésiastique, est sur-tout sensible dans ses Elémens de l’Histoire d’Angleterre, & dans ceux de l’Histoire générale. M. l’Abbé Millot auroit-il voulu, par-là, faire sa cour à nos Philosophes ? Une pareille intention seroit odieuse, & nous nous garderons bien de la lui imputer. Il paroît trop éclairé, pour ne pas savoir que dans tous les temps & dans toutes les classes d’hommes, il y a eu des erreurs & des vices ; que c’est être Juge injuste & mauvais raisonneur, que de vouloir faire rejaillir sur les membres actuels d’un Etat quelconque, les fautes de quelques-uns de ses membres, dans les Siecles précédens. D’ailleurs, un Ecrivain impartial doit insister, avec le même zele, sur le bien & sur le mal. Pourquoi dissimuler l’un & si fort s’appesantir sur l’autre ? La philosophie elle-même est d’autant plus intéressée à l’observation de cette loi, que les délires de nos Philosophes actuels sont plus propres à tourner à la honte de l’ancienne Philosophie, comme les égaremens des Philosophes anciens peuvent contribuer à faire sentir les abus de la Philosophie dans tous les temps.

M. l’Abbé Millot a aussi composé des Discours, où il s’applique à discuter plusieurs questions proposées par différentes Académies. On ne peut pas dire que ces Discours soient mauvais, mais ils sont bien inférieurs à ses Elémens historiques. Il seroit incompréhensible qu’avec un style net, précis, correct, & quelquefois élégant, cet Ecrivain n’eût pas le talent d’intéresser ses Lecteurs, si on ne pouvoit en rejeter la faute sur la froideur, l’uniformité, & le défaut de mouvemens. On y trouve par-tout les mêmes tours, les mêmes figures, les mêmes expressions. Avec un grand appareil de pensées, rien n’y paroît senti. C’est un Géometre qui parle, & non un Orateur qui persuade. Il est certain que M. Millot paroît plus fait pour les Ouvrages d’analyse, que pour ceux qui exigent de l’imagination & du sentiment. Ce qui fortifie cette opinion, est sa Traduction des Harangues choisies de quelques Auteurs Latins, où il est toujours le même, quoique ses originaux soient pleins de chaleur & de vie.

Cet Auteur a publié récemment des Mémoires politiques & militaires, pour servir à l’Histoire de Louis XIV & de Louis XV, qu’il a composés sur les Pieces originales, recueillies par un Duc de Noailles, qui fut Maréchal de France & Ministre d’Etat. Ces Mémoires forment six volumes, qu’on eût pu réduire à trois, sans leur rien faire perdre du côté de l’intérêt. Les détails curieux, qu’on y rencontre, n’en seroient même que plus piquans, si le Rédacteur eût eu soin d’écarter les inutilités, & les réflexions oiseuses, parasites, & communes, dont il les a accompagnés.