(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 438-439
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 438-439

Villars, [N.ABCD de Montfauçon de] Abbé, né en Languedoc, mort en 1673, âgé de 35 ans.

L'imagination & la gaieté naturelle de son esprit se font donné une libre carriere dans l'Ouvrage connu sous le nom de Comte de Gabalis. Cet Ouvrage, spécialement composé pour tourner en ridicule les Zélateurs du grand Œuvre & les Freres de la Rose-croix, excede les bornes de la plaisanterie, & contient des allusions personnelles qui le firent supprimer par ordre du Gouvernement. On prétend que les cinq Entretiens qui composent ce Livre original, sont le résultat des conversations de l'Auteur avec quelques autres Beaux-Esprits qui s'assembloient souvent pour s'égayer ensemble. Quoi qu'il en soit, il ne plut pas à tout le monde, & fit interdire la Chaire à l'Abbé de Villars, qui pour lors avoit dans la prédication une espece de célébrité dont il ne reste à présent aucune trace. Il se préparoit cependant à donner une suite à son Comte de Gabalis, lorsqu'il fut assassiné sur la route de Lyon. « Les Rieurs dans une affaire si triste », raconte l'Auteur des Mélanges, connu sous le nom de Vigneuil-Marville, « disoient que c'étoient des Gnomes & des Sylphes déguisés qui avoient fait le coup, pour le punir d'avoir révélé les secrets de la Cabale ».

On se souvient qu'il eut des démêlés avec Barbier d'Aucourt, au sujet des sentimens de Cléante sur les entretiens d'Ariste & d'Eugene, & qu'il publia contre lui un Ouvrage intitulé de la Délicatesse, où il le traite d'une maniere très-opposée à ce titre. A l'en croire, le Critique des Entretiens d'Ariste & d'Eugene est un malhonnête homme, qui dit cent fausses pointes & cent insolences, un faiseur de libelles diffamatoires qu'il ne faut pas chercher parmi les honnêtes gens, qui ne fréquente que les plus sets de la lie du peuple.

Il dit contre lui mille autres injures de cette espece, si fidélement copiées sur les pupitres de Ferney. Quand on n’a que de pareilles raisons à apporter, ne vaut-il pas mieux se rendre justice & se taire, que d’ajouter au tort d’avoir mal pensé, le tort de se défendre plus mal encore ? Barbier d’Aucourt ne répondit qu’en plaisantant à cette indécente Diatribe, & le fit, dans la seconde partie des Sentimens de Cléante, avec cette supériorité qui ne s’avilit jamais, & avec une ironie plus piquante que les injures, sur-tout quand la raison lui prête son appui.