Villars, [N.ABCD de Montfauçon de] Abbé, né en Languedoc, mort en 1673, âgé de 35 ans.
L'imagination & la gaieté naturelle de son esprit se font donné une
libre carriere dans l'Ouvrage connu sous le nom de Comte de
Gabalis. Cet Ouvrage, spécialement composé pour tourner en
ridicule les Zélateurs du grand Œuvre & les Freres de la Rose-croix,
excede les bornes de la plaisanterie, & contient des allusions
personnelles qui le firent supprimer par ordre du Gouvernement. On
prétend que les cinq Entretiens qui composent ce Livre original, sont le
résultat des conversations de l'Auteur avec quelques autres
Beaux-Esprits qui s'assembloient souvent pour s'égayer ensemble. Quoi
qu'il en soit, il ne plut pas à tout le monde, & fit
interdire la Chaire à l'Abbé de Villars, qui pour lors avoit dans la prédication une espece de
célébrité dont il ne reste à présent aucune trace. Il se préparoit
cependant à donner une suite à son Comte de Gabalis,
lorsqu'il fut assassiné sur la route de Lyon. « Les Rieurs dans une
affaire si triste », raconte l'Auteur des Mélanges,
connu sous le nom de Vigneuil-Marville, «
disoient que c'étoient des Gnomes & des Sylphes déguisés qui
avoient fait le coup, pour le punir d'avoir révélé les secrets de la
Cabale ».
On se souvient qu'il eut des démêlés avec Barbier d'Aucourt, au sujet des sentimens de Cléante sur les entretiens d'Ariste & d'Eugene, & qu'il publia contre lui un Ouvrage intitulé de la Délicatesse, où il le traite d'une maniere très-opposée à ce titre. A l'en croire, le Critique des Entretiens d'Ariste & d'Eugene est un malhonnête homme, qui dit cent fausses pointes & cent insolences, un faiseur de libelles diffamatoires qu'il ne faut pas chercher parmi les honnêtes gens, qui ne fréquente que les plus sets de la lie du peuple.
Il dit contre lui mille autres injures de cette espece, si fidélement copiées sur les pupitres de Ferney. Quand on n’a que de pareilles raisons à apporter, ne vaut-il pas mieux se rendre justice & se taire, que d’ajouter au tort d’avoir mal pensé, le tort de se défendre plus mal encore ? Barbier d’Aucourt ne répondit qu’en plaisantant à cette indécente Diatribe, & le fit, dans la seconde partie des Sentimens de Cléante, avec cette supériorité qui ne s’avilit jamais, & avec une ironie plus piquante que les injures, sur-tout quand la raison lui prête son appui.