Vernes, [Jacob] Pasteur d'une Eglise de Geneve, né en Languedoc en 17..
               J.J. Rousseau & nos autres Philosophes n'ont point
                            eu jusqu'ici d'adversaire plus vigoureux & plus adroit. Ses Lettres sur le christianisme de l'Auteur d'Emile, & son dernier Ouvrage, intitulé Confidence philosophique, sont les fruits d'une raison
                            lumineuse & du vrai talent, si nécessaire lorsqu'il s'agit de faire
                            triompher la vérité & de confondre l'erreur. Il seroit difficile de
                            présenter sous un jour plus frappant les dangers des maximes de nos Celses modernes, la folie de leurs systêmes, & les
                            contradictions perpétuelles de leurs demi-idées, qu'on l'a fait dans ce
                            dernier Livre, dont l'Auteur vient de publier une nouvelle édition
                            augmentée de plusieurs traits capables de lui donner un nouveau prix. La
                            Philosophie du Siecle y est mise en action & ridiculisée par une
                            apologie ironique de ses principes les plus dangereux, fidélement puisés
                            dans les écrits de ses Apôtres. « Si le style d'un Etranger
                                pouvoit être celui de 
Pascal, dit un ami de l'Auteur, ce Livre, mieux fondé en
                                preuves que les Lettres Provinciales, n'eût pas été moins redoutable
                                aux Philosophes du jour, que celles-ci ne le furent aux Jésuites
                                ».
 Depuis Pascal, en effet, on n'a rien
                            écrit de plus piquant dans ce genre, que ces douze Lettres. Il faut
                            sur-tout renvoyer nos ingénieux Mécréans à celle d'un prétendu Militaire
                            à un jeune Impie, placée à la fin de l'Ouvrage, pour les mettre à portée
                            de juger sainement du cas qu'on doit faire de la déplorable gloire
                            attachée à la Philosophie. C'est dommage que ce Livre, dont l'idée est
                            si heureuse & qui renferme tant d'excellentes choses, puisse devenir
                            dangereux à quelques égards, faute d'être assez décidé dans le ton qu'on
                            a choisi pour le rendre intéressant. L'Auteur, en employant l'ironie, ne
                            la marque point assez, & ne s'est pas assez attaché à la faire
                            sentir. Il est arrivé de là, que de petits Esprits, qui se mêlent
                            cependant de décider, ont pris pour des éloges ce qui n'étoit dans le
                            but de 
l'Ecrivain qu'une satire des ridicules
                            systêmes qu'ils avoient follement adoptés. 
Ce défaut moins sensible dans la seconde édition, est vraisemblablement ce qui a empêché le Gouvernement de permettre le débit de ce Livre, & l'a privé de la plénitude du suffrage des honnêtes gens. Après tout, ce défaut est facile à corriger, & nous exhortons M. Vernes à le faire disparoître entiérement, & pour le succès de ses bonnes intentions, & pour l'intérêt de sa gloire.