(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 415-416
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 415-416

Vaugelas, [Claude Favre, Seigneur de] de l'Académie Françoise, né à Bourg-en-Bresse, en 1545, mort en 1650.

Son nom est consacré parmi les Grammairiens ; il a été, & est encore aujourd'hui, par un reste de vénération, un oracle décisif en matiere de langage. Quoique la plupart de ses Remarques soient devenues inutiles, par les progrès de la Langue, dont la perfection a été fixée dans les bons Ouvrages du Siecle de Louis XIV, elles peuvent encore être très-instructives, & ceux qui ont voulu écrire sur la Grammaire, l'ont regardé comme un Auteur fondamental.

On dit qu'il consacra trente ans à sa Traduction de Quinte-Curce ; c'est beaucoup dire : cette Traduction, ainsi que la maniere dont elle est traitée [quoiqu'estimable], ne sembloit pas exiger un travail aussi long. Il en est peut-être des scrupuleux, en matiere de langage, comme de ceux qui le sont en toute autre chose : ils doutent long-temps, ils hésitent sans cesse, & ne se décident que par nécessité. On ne peut, malgré cela, refuser à Vaugelas la gloire d'avoir été un des premiers qui aient donné, dans notre Langue, un Ouvrage écrit avec correction & pureté.

Quelques Critiques se sont plaint de ne pas trouver, dans son style, cette politesse & ces graces, but actuel des efforts de tous nos Ecrivains ; mais quand il ne seroit pas injuste de lui reprocher d'avoir manqué de ces qualités, qui n'etoient encore qu'en germe, nous doutons qu'elles soient préférables à cette noblesse simple & naturelle, à cette aisance moëlleuse & toujours soutenue, qui regnent dans sa Traduction & dans tous les Ecrits qui ont paru quelque temps après lui. A force de vouloir polir notre Langue, il est aisé de s'appercevoir qu'on l'a appauvrie & énervée. Nous avons perdu une infinité de tours & d'expressions, qui n'ont pas été remplacés. Le seul moyen de la fixer, & par-là d'en arrêter la décadence, seroit d'en revenir aux bons Auteurs du Siecle de Louis XIV ; mais nos Ecrivains, au lieu de les prendre pour modeles, ne cherchent qu'à les dégrader avec un honteux acharnement.