III. La tête de mort
(Peuhl)
En entrant dans un village, un homme a trouvé une tête décharnée et aux orbites vides de leurs yeux, qui était sur le bord de la route. C’était la tête d’un homme mort depuis sept ans : « Pourquoi cette tête-là est-elle ici ? se demande le passant ».
Et la tête répond : « C’est ma bouche qui m’a fait mourir ! »
L’étranger poursuit son chemin. Il dit au chef de village. « J’ai vu la tête d’un homme mort depuis sept ans. Et maintenant encore elle parle▶. — Ce n’est pas vrai ! réplique le chef. — Eh bien si tu constates qu’elle ne ◀parle▶ pas, tu pourras me tuer ! »
Le chef envoie des hommes pour se rendre compte de la chose. L’étranger va avec eux et leur montre la tête : « La voilà, leur dit-il. — Tête, demandent les envoyés, est-il vrai que tu aies ◀parlé▶ ? »
La tête ne répond rien. Deux fois, trois fois on répète la question. Pas de réponse.
Les envoyés s’en retournent vers le chef : « Nous avons interrogé la tête, lui rapportent-ils et elle ne nous a rien répondu. — « En ce cas, dit le chef, ramenez l’étranger près de la tête et tuez-le à cet endroit ».
On emmène l’homme. Les uns disent : « On va le tuer à coups de fusil ». D’autres disent : « Non ce sera par le bâton ! »
On se dispose à le faire périr. « Arrêtez ! s’écrie la tête ». Et à l’homme : « Quand tu m’as questionnée en passant, que t’ai-je répondu ?
- — « Que c’est ta bouche qui t’a fait mourir ».
- — « Un peu plus, reprend la tête et la bouche allait te faire mourir toi aussi. J’avais insulté un chef par de mauvaises paroles. J’aurais dû me taire car c’est à cause de cela que l’on m’a tranchée ici. Si tu étais entré dans le village sans me poser de questions, si tu n’avais ◀parlé▶ à personne, on ne t’aurait pas amené ici pour te donner la mort ! ».
Les gens ont rapporté cette conversation au chef qui a dit : « Il faut laisser libre le nouveau venu ».
Il est sage de réfléchir avant de ◀parler, sinon il en résulte des ennuis. La bouche est dangereuse.
Conté par OUSMANN GUISSÉ.
Interprété par GAYE BA.