(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355

Titon du Tillet, [Evrard] Commissaire Provincial des Guerres, de plusieurs Académies de Province & des Pays étrangers, né à Paris en 1677, mort dans la même ville en 1762.

Peu d'Hommes ont eu un goût plus vif pour les Lettres & les Arts, & ont été aussi jaloux de la gloire de ceux qui les ont cultivés. Notre Nation sur-tout excitoit, à cet égard, l'enthousiasme de M.Titon. L'ardeur de ce zele lui inspira la noble idée d'élever un Parnasse en bronze, destiné à immortaliser les plus illustres de nos Poëtes & de nos Musiciens. Il y consacra ses soins & des dépenses considérables. Si sa fortune lui eût permis de remplir son projet en grand, il l'auroit fait exécuter dans une Place publique sur le modele placé aujourd'hui dans la Bibliotheque du Roi.

Il ne s'est pas contenté d'accorder aux uns des Statues, aux autres des Médaillons, dans la Description qu'il a donnée en un volume in-folio, de ce Monument patriotique, il a inséré un extrait de la vie, & donné le Catalogue des Poésies de ceux qu'il a jugés dignes d'y avoir place. Cet Ouvrage est, sans contredit, ce que nous avons de plus complet pour l'Histoire de nos Poëtes. Il faut avouer cependant que M. Titon auroit dû mettre plus de discernement dans le choix de ceux qu'il a gratifiés de l'apothéose ; Abeille, Baïf, Colletet, Dalibrai, l'Etoile, &c. ne devoient jamais s'attendre à figurer parmi ses Héros ; & la distinction cesse d'être flatteuse, quand elle est trop prodiguée.

Après tout, si cette indulgence peut paroître excessive aux yeux des Gens de goût, l'ouvrage n'en fait pas moins d'honneur aux sentimens de M. du Tillet, également estimable par ses vertus sociales, par l'aménité de ses mœurs, la franchise de ses procédés, & par les services multipliés qu'il a rendus aux Gens de Lettres.

Tant de titres étoient plus que suffisans pour le mettre à l'abri des insultes de M. de Voltaire, qui devoit, en son particulier, lui savoir gré de l'avoir si bien partagé dans les honneurs qu'il a accordés à nos grands Poëtes ; mais la gloire ne le touche qu'autant qu'elle est exclusive, & M. Titon avoit assez de lumieres, de justice & de goût, pour lui préférer le grand Rousseau.

Les autres Gens de Lettres ont été plus reconnoissans. On feroit un gros volume, si l'on vouloit recueillir tous les Vers qui ont été composés à la louange de l'Auteur du Parnasse François. Il suffit de rapporter un Distique Latin & un Quatrain, destinés à être mis au bas de son portrait. C'est ce qu'on a fait de plus court & de meilleur.

Vivere dent aliis Vates, tu Vatibus ipsis
Vivere das ; Pindo vivis & ipse tuo.
Du Titon de l'antiquité,
A celui de nos jours, voici la différence ;
L'un reçut & perdit son immortalité,
L'autre en jouit & la dispense.