(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 444-446
/ 3528
(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 444-446

Villon, [François Cordeuil, surnommé] né à Paris en 1431.

Héros de la Poésie Françoise de son temps, il a les plus singulieres conformités avec le Héros de notre Poésie actuelle. Même nom de baptême, nom également substitué à son vrai nom de famille ; il a fait, comme lui, époque* dans notre Littérature ; l’un & l’autre sont nés avec beaucoup d’esprit & de talent ; l’un & l’autre ont ambitionné la Monarchie Littéraire, & la manie de dominer leur a également suscité une foule d’ennemis ; tous deux ont habité successivement l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne & la Suisse ; tous deux ont été fêtés à la Cour des Rois, & tous deux, par la suite des événemens, ont été forcés de vivre loin de leur patrie. Nous ne suivrons pas davantage ce parallele. Venons à ce que M. l’Abbé Goujet dit de Villon dans sa Bibliotheque Françoise. « En plusieurs endroits de ses Ouvrages, il est moins agréable que bouffon. Ses plaisanteries & sa gaieté sont plus libres que la sagesse & l’honnêteté ne le comportent, & souvent ses Vers décelent la bassesse de ses inclinations, aussi bien que le déréglement de ses mœurs ». Ne peut-on pas, d’après les autres détails de sa vie, ajouter encore pour l’instruction des jeunes Poëtes, & les prémunir contre les écarts de leur imagination, que Villon ne respecta dans ses Ecrits ni la Religion, ni le Gouvernement, ni les personnes ; qu’il se permit sans honte les injures les plus grossieres & les libelles les plus dangereux ; qu’il avilit ses heureuses dispositions, & particuliérement le talent de la plaisanterie, en se jouant de tout dans ses Vers, & même de son honneur ; qu’enfin ces excès, après lui avoir ravi le repos pendant sa vie, ont entiérement éclipsé sa gloire dans la postérité ?

Nous ne parlerons pas des autres vices qui ont déshonoré sa conduite. On sait qu’après avoir épuisé l’indulgence de Louis XI, perdu les bonnes graces d’Edouard V, Roi d’Angleterre, il mourut en pays étranger, accablé de chagrins, déchiré de remords, & détesté de tous les honnêtes gens.

Nous lui donnons place dans cet Ouvrage, non parce qu’on nous a reproché de l’avoir omis [reproche très-mal fondé, puisqu’il est antérieur à François I.ABCD], mais parce qu’un caractere aussi étrange nous a paru propre à faite naître des réflexions, à effrayer par l’exemple, & à détacher de toute célébrité qui ne seroit pas fondée sur la raison, l’honnêteté & la vertu.