Bitaubé, [Paul-Jérémie] de l’Académie de Berlin, né en Gascogne en 17..
Cet Auteur que nous avions, par erreur, annoncé pour mort, dans les précédentes éditions de cet Ouvrage▶, est depuis long-temps établi en Allemagne, où il cultive avec succès la Littérature Françoise. Ses premiers pas dans la carriere n’ont pas été heureux : il y a débuté par des Poésies froides & prosaïques, & par un Poëme en prose, intitulé Joseph, dont l’effet le plus sûr est de procurer le sommeil ou l’ennui. Ce n’est pas qu’on ne rencontre dans ce dernier ◀Ouvrage▶ quelques morceaux pleins d’élégance, de naturel & de pathétique ; mais ils sont en trop petit nombre pour faire pardonner les longueurs, les inutilités & les défauts de correction & de goût qu’on y remarque.
Sa Traduction de l’Iliade parut d’abord, en 1760, sous le titre d’Essai, & fut suivie, deux ans après, de ce que l’Auteur appelle une Traduction libre, & qu’on peut regarder plutôt comme un bizarre travestissement ; Homere y est défiguré d’un bout à l’autre, plus qu’il ne l’a jamais été par la Mothe. L’Auteur l’accompagna d’un Discours préliminaire, où il traitoit sans façon son Original de Radoteur, Madame Dacier de femme sans esprit & sans goût. L’autorité de M. de Fontenelle, celle de Perrault, de la Mothe, de l’Abbé Terrasson, venoient à l’appui de cette judicieuse déclamation, où il disoit, entre autres choses, que les défauts d’Homere l’avoient tellement choqué, & dégoûté de le traduire, que la plume lui en étoit souvent tombée des mains.
Il est aisé de juger du succès que dut avoir un ◀Ouvrage▶ si propre à soulever contre lui les Erudits & tous les bons Littérateurs.
Le soin que M. Bitaubé prit, il y a quelques années, de refondre cette Traduction libre, & d’en donner une entiere & plus fidelle, n’a pas fait revenir les esprits sur cette Production restée médiocre, quoique vantée par les Journalistes ; mais son Poëme en prose sur la fondation des Provinces-Unies, intitulé Guillaume de Nassau, lui a mérité le suffrage & l’estime des Connoisseurs. Cet ◀Ouvrage, le meilleur de tous ceux qu’il a donnés jusqu’à présent, est une véritable Epopée. Le sujet en est beau, le plan vaste & bien rempli, l’action grande, instructive & morale. Rien de plus vrai ni de mieux soutenu que les caracteres. L’exposition des évenemens est simple, naturelle, & attachante ; presque tous les Episodes sont liés au sujet, & sortent de l’action principale. Ce Poëme, en un mot, se fait lire avec le plus vif intérêt ; & après Télémaque, il n’a paru, en ce genre, dans notre langue, rien de mieux conçu, ni de plus heureusement exécuté.