JARDIN, [Benigne du] ancien Maître des Requêtes, né à Paris en 17..
Sa Traduction de Pétrone n’est qu’une paraphrase sans goût, sans élégance, qui ne conserve aucun des caracteres de l’original. Quoique les fragmens trouvés par Nodot soient reconnus pour des Ecrits supposés, M. du Jardin n’a pas craint de les admettre & de les traduire, parce qu’ils donnent une liaison apparente au corps de l’Ouvrage. Les Vers latins sont rendus par des Vers françois, parmi lesquels il s’en trouve quelques-uns d’heureux. Les Notes qui accompagnent la Traduction, sont, pour la plupart, fort instructives.
M. du Jardin a fait aussi une Histoire de Rienzy, moins bien écrite & plus abrégée que celle du P.
                                Ducerceau, antérieure à la sienne. Le seul morceau
                            bien frappé est le portrait qu’il fait de son Héros. « Né, dit-il, avec un esprit vif, élevé,
                                entreprenant, une conception facile, une mémoire sûre, un génie
                                subtil & délié, beaucoup de facilité à s’exprimer, un cœur faux
                                & dissimulé, une ambition sans bornes, il se donna tout entier à
                                l’étude, en sorte qu’il devint bon Grammairien, meilleur
                                Rhétoricien, excellent Humaniste. Il employoit les jours & les
                                nuits à la lecture ; il savoit par cœur Titre-Live, Ciceron, Valere-Maxime, & Séneque. Il
                                avoit une admiration particuliere pour Jules-César, qu’il se proposoit pour modele. Il passoit son
                                temps à défricher les Inscriptions, qu’il cherchoit sur les marbres
                                brisés des ruines les plus anciennes, & 
les expliquoit mieux que personne. Il s’écrioit
                                souvent : O Dieu ! que sont devenus ces Grands
                                Hommes ? Ne reverra-t-on plus de véritables Romains ? La
                                justice est elle exilée pour jamais ? Il étoit d’une figure
                                avantageuse ; sévere observateur des Loix, moyen dont il se
                                servoit pour gagner la bienveillance du Peuple ; fourbe,
                                imposteur, hypocrite, faisant servir la Religion à ses desseins,
                                mettant en œuvre les révélations & les visions, pour
                                s’autoriser, effronté jusqu’à se vanter d’affermir l’autorité du
                                Pape, dans le même temps qu’il la sapoit par les fondemens ;
                                fier dans la prospérité, prompt à s’abattre dans l’adversité, étonné
                                des moindres revers ; mais, avec la réflexion, capable de se
                                servir des moyens les plus hardis pour se relever »
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