Buffon, [George-Louis le Clere de] Intendant du Jardin Royal des Plantes, de l’Académie Françoise & de celle des Sciences, dont il est Trésorier perpétuel, né à Montbart en Bourgogne, en 17..
On ne peut sans injustice lui refuser le titre d’Interprete de la Nature ; sa mission est trop bien établie. La Nature elle-même semble avoir voulu tenir de lui une nouvelle vie, car elle l’a pourvu des plus heureux talens, pour développer ses ouvrages & les faire admirer. Une imagination brillante, noble, vive ; un esprit lumineux & plein de sagacité ; un pinceau aussi délicat que nerveux, ou, pour mieux dire, la force du burin réunie à la mollesse du pinceau, sont les bienfaits précieux qu’elle lui a prodigués, & dont il a fait un si noble usage. Tous les sujets, tous les genres prennent sous sa plume éloquente les traits qui leur sont propres.
Depuis qu’il a consacré ses travaux à l’Histoire Naturelle, le goût de la Physique s’est considérablement étendu parmi nous. Sa maniere & son style ont su faire goûter aux esprits les plus frivoles une science d’observations▶, qui n’avoit été négligée, que parce que ses prédécesseurs n’avoient pas eu, comme lui, le talent de la rendre piquante & de l’embellir. Il n’appartient qu’au génie de rendre intéressans les sujets les plus arides par eux-mêmes. Le prestige de sa plume est tel, que ses tableaux deviennent des originaux qui attachent l’esprit & ravissent l’imagination, lors même qu’ils ne sont pas d’accord avec la vérité. Pourroit-on s’étonner, après cela, de voir toute l’Europe s’empresser de recueillir ses Ouvrages, & la gloire de la Langue Françoise passer chez l’Etranger avec les richesses du savoir ?
Nous ne prétendons pas garantir la justesse de toutes les ◀observations de ce sublime Historien ; il a reconnu lui-même qu’il s’étoit égaré quelquefois ; mais on ne peut disconvenir de sa supériorité sur presque tous nos Ecrivains les plus célebres, qui ont trop négligé les graces de l’élocution, pour s’attacher à l’appareil du raisonnement. Les efforts de la raison se sont sentir dans les Ouvrages de la plupart, par la gêne & les convulsions du style : dans l’Histoire Naturelle, l’Ecrivain raisonne & peint tout à la fois.
Si le mauvais goût, qui va toujours en croissant, devient assez général pour ramener la barbarie parmi nous, ses Ouvrages subsisteront dans la Postérité, pour déposer contre son Siecle, & on le regardera comme ces monumens rares, élevés dans des temps de décadence, qui néanmoins sont les restes précieux & les images augustes des temps de perfection qui les avoient précédés.