Le Bel
Plusieurs paysages, sous le même numéro. je les ai tous vus, mais je n’en ai regardé aucun, ou, si je les ai regardés, c’est comme l’homme du bal à qui une femme disait : m’a-t-il de ses gros yeux assez considérée ? — Madame, lui répondit-il, je vous regarde, mais je ne vous considère pas.
Dans l’un de ces paysages, ce sont des femmes qui lavent à la rivière ; sur le fond les arbres sont assez bien touchés, assez bien du moins par rapport au reste, car la misère générale d’une composition en relève quelquefois un coin, et lui donne un faux air d’excellence, cela est bon là, ailleurs ce serait mauvais. Monsieur Le Bel, en bonne foi, sont-ce là des eaux ? C’est un pré fané, ras et nouvellement fauché. Ces monticules sont faibles et léchés. Point de ciel. Au pied de ces vieux arbres, petits objets, fleurettes de parterre qui papillotent. Figures raides, mannequins de la foire st Ovide, pantins à mouvoir avec une ficelle. Sur le devant un gueux assis sur un bout de roche. ô le vilain gueux ! Il a le scorbut ou les humeurs froides ; j’en appelle à Bouvart, mais vous me direz que Bouvart voit cette maladie partout.
L’autre est une belle plaque de cuivre rouge ; terrasses, arbres, ciels, montagnes, lointain, campagne, tout est cuivre, beau cuivre ; si cela s’était fait de hazard en coulant du fourneau dans le catin, ce serait un prodige.